Elle était couchée sur son lit. Étendue presque simplement en sous-vêtements.
Telle une pute suite à un client. Et pourtant...
La dernière fois où elle avait fumé la cigarette après l'amour c'était il y avait déjà 9 ans. Son roméo de l'époque lui avait chanté "I'll Be Your Baby Tonight" et elle lui avait en retour imité Marlene Dietrich en chorégraphie. C'était la saison des amours et de l'innocence. Elle avait 20 ans, lui 36. Il en parraissait pourtant facilement 10 de moins. Ils s'étaient rencontrés par amis interposés. Il était en couple mais se nourrissait d'elle en cachette. Elle se sentait alors rebelle, empoisonnée, impropre.
Comme tout lâche, il avait finalement choisit de retourner dans les bras de sa femme.
Depuis, elle avait eu le temps de carrément cesser de fumer, de perdre de vue et l'amant et les amis interposés qui depuis, s'étaient posés. Mais pas elle. Elle se sentait encore aérienne. Mais pas de compagnon de vol. Nulle part. Elle voyait beaucoup de gens mais il n'y avait jamais une caresse qui ne lui était réservée.
Dallow, Spicer, Pinkie, Cubitt, Patric Doonan, autant de bons amis qui auraient pu faire aussi de bons partenaires de vie mais les deux premiers avaient choisis de faire leur vie ensemble, ils jouaient "pour l'autre équipe", la troisième était sa meilleure amie. Julie ne se considérait pas lesbienne mais si elle avait eu à échanger des tendresses avec une seule femme sur terre ça aurait été elle, Pinkie. Pinkie avait marié Cubitt, deux bébés plus loin, elles se voyaient nécéssairement moins. De deux réalités trop différentes. Déménagée dans un autre code régional, encore moins possible de se retrouver.
Et Patric...il lui avait tant rempli le coeur. Et il avait disparu presqu'aussi vite qu'il avait embrasé son intérieur. Elle se sentait pourtant désirable. Agréable. Enviable. En maillot sur une plage le soleil lui faisait la part belle. Était-elle seule sur la plage des célibataires? C'est vrai que son travail la forçait à cotôyer principalement des personnes âgées, elle s'occupait des résidents d'une maison de retraite. De leurs besoins et du jardin. Ils avaient bien quelques visites de leurs enfants et petits-enfants, parmi eux plusieurs beaux candidats mais presque toujours accompagnés par une demoiselle. Comme si ils avaient plaidé avec supplication auprès d'une amie afin qu'elles les accompagne. Pour faire passer un moment douloureux plus vite ou encore donner l'impression que leur vie amoureuse va bien auprès de grand-maman ou de grand-papa. Plusieurs étaient surement des couples pour vrai mais Julie, l'infirmière-jardinière, n'avait plus de période de floraison sentimentale. Elle voyait des roses noires avant de voir la vie en rose. Elle s'était finalement habillée et rendu au travail ce jour-là.
Puis, dans le jardin, cette enfant qui la dévisageait.
"Salut" c'est sentie obligée de dire Julie, intimidée par ses yeux verts espoir qui lui sautaient à la poire. "Tu t'appeles comment?"
"Sophie, Sophie Desportes"
"Tu es très jolie" dit sans le vouloir Julie dans son manteau blanc d'infirmière. "Tu as besoin de quelque chose?" lui dit Julie machinalement comme elle demande si régulièrement aux résidents.
"Non, toi, toi tu as besoin de quelque chose" répondit Sophie.
Le silence qui a suivit comprenait tout un lot d'incompréhension. Trop de questions en même temps entre autre Qui es-tu petite Sophie Desportes?. C'est cette dernière qui a brisé le long silence.
"Tu as besoin de mon grand frère, le fils de mon père."
Mille et une nouvelles questions dans la tête de Julie. Elle enleva son manteau blanc qui lui donnait de plus en plus chaud. Sophie encore:
"Je sais que tu n'as pas d'amoureux, lui non plus, et il te trouve tout à fait de son goût et ça tombe bien moi aussi, vous devriez aller manger ensemble un soir"
???
"Tu?... tu sais que je n'ai pas d'amoureux? comment es-tu si certaine que je n'ai pas d'amoureux? on ne se connait pas"
Sophie Desportes a souri. Ce sourire qui fera d'elle une véritable tombeuse quand elle aura plus de 20 ans.
Est apparu derrière elle, son frère, un beau grand garçon qui a forcé Julie à prendre conscience d'elle-même. Oui, elle l'avait déjà vu ici. Oui il était beau.
Oui, elle recommencerait peut-être à fumer bientôt...
Sophie Desportes, aussi mystérieuse était-elle, aussi petite et menue, belle, ouvrait effectivement une porte.
Une porte sensationnelle.
Qui l'empêcherait peut-être de sauter par la fenêtre.
Elle et son deuil des caresses.
Elle et son manteau blanc qui lui descendait jusqu'aux fesses.
Mais qui es tu jolie Sophie Desportes?
Aucun commentaire:
Publier un commentaire