samedi 20 février 2021

Cuisines


Se choisir une vie publique est toujours un piège. 

Public, vous faites le pari de tout pouvoir encore contrôler. C'est là qu'un artiste comme David Bowie peut susciter le ravissement. Il a semblé mettre en scène sa propre sortie publique sur terre. Après avoir été The Man Who Fell To Earth, il a complètement incarné The Man who left it gracefully.  Et qu'on aime sa musique ou non, il a tout mis ça en images. Glaçant un peu le sang des gens qui le regardaient/l'écoutaient mourir.


Mais se choisir la vie (trop) publique, vous devez savoir que c'est toujours un risque. Une mise à nue. Une exposition sur laquelle vous ne contrôlerai pas tout. L'émission Big Brother Célébrités, au Québec, me fascine car le Québec est minuscule. Et de voir ses gens, se livrer à nu comme ils le font, presqu'inconsciemment, peut/va endommager leur carrière. On y voit des traits de personnalité principalement dégoûtants. L'après Big Brother pourrait leur être cruelle. Les premiers éliminés sont peut-être les plus chanceux, finalement. 


Il y a ce concept, que j'appelle "la cuisine", tiré de l'expression "If you can't take the heat, get out of the kitchen". C'est une expression que j'aime beaucoup. Elle responsabilise son être. Si tu ne supportes pas le rythme de la préparation du repas, sors de la cuisine. Quand on entre dans une cuisine en pleine action, si on est pas prêt à mettre la main à la pâte, on va nuire. On va aussi se nuire. C'est une expression qui convient beaucoup aux sports en général. Si tu n'es pas prêt à faire la différence sur le terrain de ton sport, reste sur le banc. Enfin, il est facile de comprendre ce qui me plait de cette expression. 


Dany Turcotte l'a aussi compris cette semaine. Il n'a plus l'âge d'encaisser les conneries du net. Il a eu une belle carrière, d'abord humoriste, puis, comme co-animateur pendant toute la durée de vie de ma fille. 17 ans. Sa vie ne se termine pas cette semaine. Mais il prendra le temps de respirer autrement. Il a fait une blague à un invité farouche pendant le rendez-vous dominical qu'est Tout Le Monde en Parle, version Québec,  qui a été très mal reçue par des gens franchement très sensibles aux vents de pets, et où il était fou du roi. La royauté moi, vous savez...La haine, le mépris, la condescendance, la démesure, se sont invités absolument partout dans sa vie. Il a choisi de quitter la cuisine.  


Je crois que ce qui a peut-être fait déborder le vase, est aussi cet article d'Hugo Dumas, la veille de la démission de Turcotte, qui questionnait justement son rôle dans l'émission, "devenu tellement moins pertinent" maintenant qu'on fait du direct (pour raisons de pandémie) et qu'on est plus sérieux et souvent sur ce sujet, et que le public n'y est pas." Je cite Dumas grossièrement. C'est absurde. Ce même public qui l'a crucifié sur le web? Je n'écoute jamais cette émission que je trouve toujours vachement complaisante. Je la trouvais déjà ridicule avec ses robots, ses moutons, son public bien enligné,  applaudissant sur commande, riant sur commande, à l'église du "pensons tous la même chose" ou du "liguons nous tous contre celui-ci ou celle-là!". Que Dany passe au salon au lieu de se légumiser dans cette cuisine, très bon pour lui, me semble-t-il.


Ce qui m'amène aussi à Carey et Britney. Au pays de l'Oncle Sam.

Mulligan & Spears. 

La première est une actrice que j'aime beaucoup. Admirée dans Pride & Prejudice (dès le début) Wall Street: Money Never Sleeps et The Great Gatsby, et tant aimée que j'ai acheté trois films dans lesquels elle s'y trouve, et brille: An Education, Shame, Inside Llewyn Davis.  Elle semble aussi fameuse dans Promising Young Woman. On lui suggère des prix pour son rôle de femme vengeresse. Mais on a aussi critiqué le fait qu'elle ne serait pas assez attirante pour incarner une femme qui séduit des hommes pour mieux les punir. 


...Bien entendu, elle a pété les plombs contre le critique en question. Et je l'aime davantage pour cela. Oui c'était son métier de faire la critique à ce plouc, mais effectivement, juger par l'apparence reste vide de sens. Chacun a ses propres zones de charme et celui-là, voulait Margot Robbie là où il voyait Mulligan. C'était extraordinairement et inutilement rétrograde et aurait été plus subtil dans une phrase comme "Je n'ai pas complètement cru au personnage". La chaleur de cette cuisine, bien que très blessante, a fait gueuler l'actrice. Et elle restera fermement dans cette cuisine. Elle a beau être de Londres, elle a aussi du sang irlandais et ça, ça ne ment pas. Ça fonce et défonce un Irlandais. Elle collera à cette cuisine, et c'est tant mieux. Et si jamais elle gagne des prix pour son rôle, ce qui pourrait fort arriver, Hollywood raffole d'histoires du genre autour de ses prix, on sera tous accroché à ce qu'elle aura à cracher au micro. Maintenant tout le monde veut voir et entendre. 


Britney c'est une autre histoire. Veut-on voir et entendre? Savait-elle dans quelle type de cuisine elle allait se tenir? Elle a grandi en pleine télévision. On l'a vue passer d'enfant à jeune femme très sexuelle. "Hit Me One More Time" dans un costume d'écolière?...Il ne faut pas sous estimer l'imagination de l'Homme (très)moyen mondial. Tout le monde s'est gardé une part de la jeune fille, son public, les jeunes filles qui voyaient en elle un modèle d'épanouissement du même âge, les médias, à la fois véhicules de promotion et avaleur de vedettes, (ont-ils tué Diana où l'ampoule a brûlé avant les mouches?)mais son père aussi, qui l'a géré 13 ans, et dont elle a voulu se séparer légalement. Sans succès, ce qui a mené un phénomène social aussi monstrueux que la cuisine d'enfer dans laquelle elle cogite, "free Britney" qui fait naître des tonnes de rumeurs dont seul le net connait la recette. Que ce n'est pas tout le monde qui souhaite goûter. 

Que souhaite-elle goûter elle, maintenant? C'est la question que semble se poser la plupart. Elle ne le sait peut-être pas, elle même. Un nouveau documentaire couvre la désolation qui traîne autour d'elle. Où est-ce le monstre lui-même qui régurgite?

Dans sa cuisine, dans la marmite, c'est tristement elle qui, dans la casserole, marine.

C'est elle qui est cuisinée.  

Pas certain qu'enfant, elle savait dans quelle type de cuisine on la guidait.

Les chefs sont responsables de leurs jeunes artistes culinaires. Qui ne sont pas que viandes.  

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