samedi 27 février 2021

À La Recherche Du Temps Perdu*************************Invisible Man de Ralph Ellison


 Chaque mois, dans ses 10 derniers jours, tout comme je le fais pour le cinéma (dans ses 10 premiers) et tout comme je le fais pour la musique (Vers le milieu) je vous parle de l'une des trois immenses passions: la littérature. 

Lire c'est plonger dans des univers distincts, c'est s'ouvrir aux autres, c'est s'inviter dans la tête des autres, c'est accepter (ou pas)un style, une vision, des observations, des questionnements, c'est voir le monde au travers des yeux d'un autre. Ou apprendre à mieux voir des siens. Lire c'est accepter un rythme. C'est apprendre à respirer différemment.

Et respirer, c'est vivre. 


INVISIBLE MAN de RALPH ELLISON.

Ellison commence à 32 ans, à l'été de 1945, dans une grange, sur une ferme, à jeter ses idées sur papier d'une nouvelle mal calculée. Son premier roman (son unique publié de son vivant) sera, au final, à 19 pages d'en faire 600. Il prend 5 ans à travailler son histoire et le livre ne sera publié qu'en 1952, dans sa totalité. 

Invisible Man est extrêmement bien écrit. Avec beaucoup d'intelligence. Contrairement aux précédents livres signés par des écrivains à la peau noire, son roman n'est pas dans le style de la plainte autant que dans la question existentielle identitaire. Une phrase radieuse tirée du livre va comme suit: "Quand je saurai qui je suis, je serai libre.". 


Mais voilà, le personnage sans nom de son livre se considère invisible. 

"Je suis invisible, vous comprenez, simplement parce que les gens refusent de me voir. Comme ses corps, sans tête, que l'on voit parfois dans les cirques ambulants, comme si j'étais entouré de miroirs déformants. Quand ils m'approchent, ils ne voient que mon environnement, se voient eux-mêmes ou des produits de leur imagination, bien entendu, tout et n'importe quoi, sauf moi.


Le grand thème de son roman est l'identité (ou son absence) dans un monde dans lequel on se conforme pour se plier aux attentes des autres. Le protagoniste devient invisible. Enfin, il se sent invisible, parce que le monde n'accepte pas ses opinions. Ça peut faire écho à bien des supporteurs de Trump et à des indécrottables de Radio X. Mais le protagoniste cherche à obtenir sa liberté intellectuelle aussi. Il est articulé. Peut-être trop intelligent dans un monde qui l'est majoritairement moins. Sa personnalité s'efface au fur et à mesure qu'il se conforme aux autres. 


Chaque fois qu'il tente de se forger une certaine identité en déployant un certain individualisme, il fait trois pas derrière, car il ne rejoint pas les attentes d'autrui. Ce sentiment de perpétuelle déception lui fait sentir qu'il n'a pas sa place nulle part. Et il ne s'agit pas que du racisme ordinaire des États-Unis des années 50, ni même des visages noirs dans une société à visages principalement blancs. Il ne s'agit même pas de la vie des noirs, post-colonialisme voulant se libérer des chaines de blancs et de leurs maîtres, ça ratisse beaucoup plus large chez l'Homme par rapport à la société et la vie d'adulte qui l'avale. 


C'est ce qui rend ce roman si puissamment intéressant dans lequel on se sent très investi. Il ne s'agit pas que de la quête d'une identité pour une personne à la peau noire dans une Amérique dominée de partout par les blancs, on en discute, bien entendu, certains suggèrent la violence pour se faire une place, d'autres, une rationalité scientifique pour mettre en valeur son héritage africain, c'est surtout la recherche d'un homme et de sa place dans la société et dans un futur proche. Le narrateur, un noir, se détache d'ailleurs, en homme invisible, des deux points de vue. Il essaie vraiment, avec éloquence, d'avoir son point de vue unique à lui. Individuel. Je pense, donc je suis. 


Il circule dans l'Amérique du Nord, confus et perdu, avec vertige, parfois poétique, souvent lyrique, avec une intelligence toujours allumée. Ellison a une excellent oreille pour des dialogues extrêmement réalistes et plausibles. La désillusion du narrateur ne s'en trouve que plus creusée. Il n'est pas un hom,e heureux. La fin, sans vous la révéler, rappelle Dostoievski. 

Le propose rappelle l'aveuglement volontaire d'une société encore très fortement aveugle volontaire par moments. 

Comme quand vient le temps de se voter un président. 

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