dimanche 10 juin 2018

Jack Johnson

Né en 1878 au Texas de parents anciens esclaves et élevé dans une extrême pauvreté, le colosse choisit vite de commencer la boxe afin de faire sa place dans la vie.

Bien que dans un quartier pauvre du Sud, Galveston, il ne subit pas de racisme. Il joue avec de multiples amis blancs et jamais ne se sent ostracisé ou discriminé (il fera 6 pieds, ce qui est grand pour l'époque) il gagne beaucoup en confiance, très tôt.

Il fait ses débuts professionnels à 20 ans et mets K-O son adversaire dès la deuxième ronde dans son premier combat de poids moyen. Les noirs, à cette époque ne peuvent pas se battre ni gagner le titre de poids lourd. Le boxeur Klondike, excellent boxeur de son époque, se proclame donc le champion poids lourd des noirs. Pour son troisième combat, Johnson l'affrontera à Chicago. Klondike gagne par K-O technique. Il se réaffronte en 1900 et ce combat est déclaré nul après un inimaginable 20 rondes. Au troisième combat contre Klondike, ce dernier refuse de sortir de son coin à la 14ème ronde, Johnson gagne par K-O technique. Mais ne clame pas son titre inventé de champion des poids lourd.

Ils boxent, mais boxer dans le but de gagner de l'argent est illégal en 1901. Joe Choynski, un populaire poid lourd et un boxeur blanc expérimenté, se battra contre Johnson à Galveston en février. Choynski le met K-O à la troisième ronde. Comme ils se sont tous deux battus pour de l'argent, ils sont tous deux arrêtés et envoyé en prison ensemble. On devra payer 5000$ pour être libre, ce que ni l'un, ni l'autre ne peut se permettre de payer. Le sheriff leur permettra de retourner à la maison chaque nuit, si ils acceptent, de jour, de sa battre en tôle pour eux, tous les jours. Ils feront cela pendant 23 jours. Choysnki lui apprend son style. Ils resteront amis pour toujours.

Jack aura un style rare pour l'époque. Il se battra défensivement, Frappant généralement premier, il attendrait surtout que son opposant se fatigue, devenant plus agressif, ronde après ronde. Il était un as de l'esquive, se faisant peu toucher. Après chaque esquive, il arrivait souvent à atteindre violemment son adversaire d'une réplique. Ses combats semblaient être faits avec peu d'efforts. On le trouvait brillant "le géant de Galveston" mais d'autres le trouvait trouillard. Johnson, au privé n'avait peur d'absolument rien. Il fréquentait les blancs beaucoup, au risque de transgresser les discriminations établies dans la société raciste de 1902. "Gentleman" Jim Corbett, un blanc, utilisait la même technique entre 1891 et 1886 et on le qualifiait de "très intelligent boxeur".

En 1903, bien que sa fiche officielle eût été de 9-3, 5 combats nuls et 2 combats sans verdict, Johnson avait déjà plus de 50 combats dans le corps, contre des blancs et contre des noirs. Le World Color Championship offre alors le titre de poids lourd. Que Johnson remporte contre Denver Ed Martin. En 1908, les noirs ont accès au titre de poids lourd mondial. Johnson la ravit à Tommy Burns, à Sidney en Australie en 1908. Son règne de champion poids lourd chez les gens de couleur aura été l'un des plus long (le 3ème) des 60 ans d'histoire de ce type de boxe avec 2151 jours de titre*.

Johnson défendra son titre 17 fois. Contre noirs ou blancs. Souvent des blancs ouvertement racistes et déclarés comme tel. Contre Stanley Ketchel, après celui-ci l'eût envoyé au sol, il lui arrache les dents d'un violent coup de poing et doit même en enlever deux restées prises dans son gant.

Il adopte un style de vie relativement flamboyant. Fanatique des courses automobiles, il défie des champions de course (mais perd) dans des courses sur circuits privés. Au civil, il se fait arrêter pour excès de vitesse et doit payer une amende de 50$. Il donnera un billet de 100$ à un policier et lui dira de garder le change. Il épouse des femmes blanches, les couvre de bijoux et de manteaux de fourrure dispendieux. Ce qui est considéré comme des bravades. Il a de la gueule et nargue les blancs comme les noirs. Il se met d'ailleurs les intellectuels noirs, à dos. Il n'a peur de rien.

Sa première femme le quitte pour un ami du couple et le nouveau couple quitte le foyer avec le luxueux linge et les bijoux achetés par Johnson. Il les fait arrêter par la police. Il épousera ensuite une mondaine de Brooklyn et ancienne femme de courseur automobile mais celle-ci se suicide en 1912.

En décembre de la même année, il épousera Lucille Cameron. Jack Johnson dérange. Un noir avec tant d'assurance choque. Le 4 juillet 1910, James J. Jeffries, ancien champion poids lourd blanc, jamais battu, sort de sa retraite pour affronter Johnson dans le seul but avoué que les blancs seront toujours supérieurs aux noirs. On appellera ce combat le combat du siècle et 65 000$ (près de 2 millions de nos jours) seront remis au gagnant. La tension est si grande à Reno, où le combat a lieu, qu'on interdit l'alcool, les gens intoxiqués à l'alcool et les armes à feu. On y fait jouer la chanson raciste "all coons look alike to me" (tous les noirs ont la même face) et la foule sera encouragée par les promoteurs pour criez "Tuez le nègre!".

Mais le nègre est supérieur de toute les manières possibles. À la 15ème ronde, Jeffries est knocké deux fois pour la première fois de sa vie. Il lance la serviette à la ronde suivante.

Des émeutes ont lieues dans l'Illinois, le Missouri, l'Ohio, la Pennsylvanie, le Colorado, le Texas, New York et Washington. Des dizaines de personnes y trouveront la mort. Plusieurs États imposent l'interdiction de diffuser des images du combat. Règlement avalisé par le président des États-Unis lui-même, Théodore Roosevelt.

Le racisme est bien transparent à cette époque.

En octobre 1912, quand Johnson conduit sa future épouse d'un État à un autre, il est arrêté selon le raciste Mann Act, qui dit qu'un homme ne peut amener une femme hors d'un État dans le but d'avoir des relations sexuelles avec elle. On trouve des traces de prostitution dans le passé de Lucille Cameron et ça suffit pour dire que Johnson en abuse illégalement. Il écopera d'un an et un jour de prison. Le Mann Act n'éxistait même pas quand Johnson a été arrêté et semble avoir été créé juste pour lui.

Johnson fuira à Montréal, oui, oui, chez nous, avec sa femme, avant de prendre l'avion pour la France, oui, oui, chez vous. Il vivra en exil en Europe, en Amérique du Sud et au Mexique. Mais revenant aux États-Unis en septembre 1920, il est arrêté et envoyé au bagne jusqu'en juillet 1921.

Miles Davis lui rend hommage en 1971 sur un disque.

Après qu'on eût refusé de le servir dans un restaurant de la Caroline du Nord, il se rue dans sa voiture et conduit à toute vitesse, fou de rage. Il perd le contrôle de son véhicule et se tue, en juin 1946.

 Aujourd'hui, il y a 72 ans.

On lui a accordé un pardon présidentiel la semaine dernière.
Pardon d'avoir été puni pour avoir été si fameux.
Un héros pour toute une communauté.

*Harry Wills et Peter Jackson auront fait mieux.

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