Je n'ai pas connu mes grands-parents.
Il me semble qu'il me manque une partie de bienveillance parce que je n'ai jamais connu la dynamique de trois générations. En tout cas, pas du point de vue de l'enfant. Je n'ai pas tellement connu mes grands-parents.
Trois de ceux-ci sont décédés alors que je n'avais pas encore deux ans et la troisième est décédée alors que j'avais 11 ans et, pourri, n'avais pas du tout saisi encore l'importance d'une telle personne dans une vie.
Plus je vieillis, plus je réalise que cette seconde option, celle d'avoir l'avis, la vision, l'expérience, les conseils, d'une autre réalité que celle de mes parents pouvaient avoir un jour eu un certain impact sur ma vie. Surtout cette grand-maman maternelle, la seule que j'ai un peu fréquenté. l'Atikamecw, l'écrivaine, l'artiste. J'ai un triste souvenir de cette fois où mes parents avaient dit que c'était elle qui allait nous garder et que j'avais réagi en terrrrrrrrrrrible enfant gâté, la blessant surement, en disant "oh noooooooooooooooooooooon!" devant elle.
Quel enfant idiot j'étais.
Si je m'en rappelle, c'est que soit que j'ai été grondé pour mon comportement odieux ou encore que j'ai eu conscience de la peine que je créais. Ou les deux.
Mais à la fin de ma vie, avoir une conversation d'adulte avec des grands-parents aura été une chose qui m'aura toujours manqué.
Mais, faute d'en avoir connu vraiment, j'ai aussi tendance à ne voir que le côté rose d'avoir un grand-parent dans nos vies.
Le côté avantageux pour moi/nous.
Il y a certainement ce moment dans la vie d'un grand-parent où celui-ci devient légèrement plus "égaré" dans les chorégraphies de nos vies. Où les priorités du grand-parent n'ont rien à voir avec les vôtres et que les inquiétudes de l'un viennent agacer la manière de mettre un terme aux inquiétudes de l'autre. Où le fossé entre la réalité de nos jours et tout ce que l'aîné a vu, appris et tout ce qui l'a bâti aujourd'hui, ne fait que se creuser davantage.
Mon père avait une aversion complète pour les cartes de crédit et les guichets automatiques. 1995 l'a rattrapé quand nous étions en Europe dans un lieu qui ne prenait QUE les paiements avec cartes de crédit. Après un temps de confusion et de considération d'alternatives, il a réalisé qu'il avait une carte de crédit, mais qu'il ne l'avait jamais utilisée puisque ça ne rentrait pas dans sa conception de la vie. Quand il a voulu l'utiliser, elle était expirée depuis deux mois...
C'est moi qui ai dû utiliser la mienne pour nous dépanner et il m'a remboursé par la suite.
Mon père était déstabilisé avec son argent dans les mains. Il ne comprenait pas que l'on puisse refuser de l'argent, ça ne rentrait pas dans sa conception des choses de la vie.
Entre les aînés et la société, il doit y avoir de plus en plus de choses qui entrent en conflit avec ce qui ne rentre pas dans leur conception des choses de la vie.
Quand je pense aux grands-parents que j'aurais pu connaître encore aujourd'hui, je ne pense pas non plus aux déceptions potentielles. Les leurs par rapport à nous, les nôtres par rapport à eux, les leurs par rapport à leurs enfants (nos parents) à cause de nous et de nos choix de vie. Je ne connais rien de la dynamique avec les aînés et ça a toujours teinté mes rapports avec eux. Je ne dirais pas que je suis "mauvais" ou injuste avec eux, mais je suis disons, plus ou moins patient avec un aîné.
D'une génération à l'autre, les attitudes ne sont pas toujours au diapason et c'est tout à fait normal. On ne part pas tous d'une même période sociale et la résistance face au changement devient plus grande quand on vieillit.
Je regarde ma propre résistance au simple document Power Point*, que je déteste et que je refuse de créer, comprendre ou réaliser, trouvant l'ensemble aussi irritant, que la création de diapositives, et je me dis que j'ai déjà le pied du côté des aînés . Désagréable, obstiné et têtu je suis là-dessus.
Il doit y avoir un moment où on tolère des commentaires, des comportements, des réactions ou des idées de la part de ses grands-parents en faisant comme si ça ne nous gênait pas alors qu'au contraire, on se trouve fort agacé de la vision, de l'idée ou du comportement en soi. L'inverse doit être aussi fréquent, sinon plus, alors que certaines pratiques de la réalité de nos jours peuvent être de grands irritants pour l'aîné.
Je repense à celui qui nous avait vendu la maison que nous habitons. Il nous en voulait à mort d'avoir fait évaluer la maison qu'il avait bâti lui-même avant de l'acheter. Il refusait obstinément de comprendre que faire évaluer une maison est aujourd'hui obligatoire auprès des banques.
Ou encore je repense à mon père, qui avait très mal réagi à une musique que j'écoutais au primaire. Je ne peux qu'imaginer son propre père si je l'avais connu. Dans la même situation. il aurait gardé ses distances comme on le ferait devant de mauvaises décorations polluant notre réalité.
Mais en général on tolère les gens, les choses qui ne sont pas dans le ton. Sinon on aurait dynamité le Colossus de Laval depuis longtemps. On les tolère même si on ne les trouve pas du tout dans le ton.
C'est à tout ça que je pensais quand j'ai regardé l'amusante capsule du maire de Saguenay Jean Tremblay qui dit sa région prête pour affronter l'Ebola.
On se retient un peu pour ne pas rire.
J'attends avec impatience un autre 55 secondes par rapport à la préparation de Saguenay vis-à-vis d'un potentiel tireur fou s'infiltrant dans l'assemblée municipale.
Ils sont drôles aussi nos aînés.
Surtout quand ils ressemblent à des enfants.
Comme Jean.
*C'est mon fils qui aidera ma fille à produire un document power point pour un devoir d'école.
Je ne veux pas tremper dans cette merde.
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