vendredi 7 février 2014

Décharger

Je ne sais pas combien de temps je vais durer avec ce rythme de vie.

5 fois par semaine, de 4h du matin à 13h, en intensité physique aussi sévère que 6 à 7 heures d'entrainement en salle.

Quelques fois je me couche en après-midi mais pas toujours. La vie de tous les jours, mes traductions, l'amoureuse, les kids, le hockey de l'un, la danse et les devoirs de l'autre, les attentions à la grande qui se dit veuve, la vie quoi! entre en ligne de compte.

"T'as l'air fatigué, Hunter. Travailles tu toujours chez Rye & Die?" m'a demandé un voisin.

Yip
& I die.

C'était mon anniversaire mardi, qu'on avait célébré le samedi précédent. Parce que justement, Monkee, notre fils, allait être absent, Punkee, notre fille, aussi de 17h30 à 19h00 et l'amoureuse arriverait vers 18h30 à la maison ce soir-là. De plus, ce serait le 5ème jour de ma semaine de rythme mongol et je serais au sommet de ma fatigue. Ce que j'ai été ce jour-là.

Les Jones, j'y ai repensé en déchargeant une caisse de rye, ont toute une lignée de débardeurs, de marins et de déchargeurs de cargaison. Il y a quelques années, un pur inconnu découvrait entre les murs de sa maison de Québec un album photo. En cherchant, suivant les notes manuscrites inscrites derrière certaines des photos, il remontait jusqu'à mon père, Bevan Jones. Nous découvrions alors toute une série de photos de marins en charmante compagnie dans les ports d'un peu partout dans le monde et trouvions l'identité de cet arrière-grand-oncle qui était le héros de cet album photo. Les traits du visage étaient sans équivoque, c'était bien un des nôtres. En fouillant, on découvrirait que plusieurs des grands oncles/cousins de mon père travaillaient dans les ports. Comme déchargeurs/chargeurs, matelots, marins, découcheurs, fêtards. Les photos, pour l'époque, nous suggéraient quelques jours de congés émêchés pour ses cous qui se tordaient pour mieux s'entendre rire.

Du côté de ma mère aussi, son père à elle, d'origine Atikamekw, tout comme son épouse, travaillait comme soudeur pour le CN. Et chargeait/déchargeait aussi les wagons.

Je continuais donc la tradition sans vraiment y avoir réfléchi. C'était l'instinct du sang familial.

L'amoureuse, convaincue à tort que je trouverais ma journée d'anniversaire plate, se démenait pour la rendre agréable:
"Qu'est-ce que tu veux souper? dis-moi ce que tu veux, je vais te le donner"
"J'ai pas faim, honeybee...je suis crevé..."

Finalement j'ai cédé pour quelque chose que je savais que le trio que nous étions aimerait: de simples sushis.

Mais fatigue aidant, j'ai mangé plus ou moins distraitement tout en jetant un oeil à la télévision sur le match des Canadiens, club que je n'écoute plus en raison de mon horaire de hibou. Et sans m'en rendre totalement compte, j'ai enfilé entre mes dents et jusqu'à mon estomac une motte complète de wasabi...

Le temps que la sueur gagne mon front, que mes joues rosissent, que ma fille et ma douce explosent de rire et que je fasse du feu avec mes narines, les yeux parfaitement expulsés de leur orbite, les joues gonflées, je calais d'un seul coup la bouteille qui était sur la table, cette fois parfaitement réveillé.
Cette bouteille n'étant pas suffisante, j'en ai prise une autre dans le frigo, aussitôt la première terminée. Comme c'était deux bouteilles de vin rouge j'ai eu le hoquet presque tout de suite. Deux bouteilles de rouge coup sur coup n'atténuaient pas l'incendie dans ma bouche et je calais un 2 L de Pepsi, terminant sur le plus gros rot de l'humanité, désolant les deux filles et enlevant toute forme de classe à la soirée.

Même la chatte a fui à toute jambe.

Après avoir survécu à tout ça, ma langue ayant maintenant la texture du bacon, j'ai pris une douche ne serais-ce que pour changer ce linge tout suintant, l'amoureuse avait préparé dans la courte pause, l'option gâteau.

Quand j'avais 11 ans, un ami du même âge que moi buvait un café et voulût me faire goûter la même chose. Ce que j'ai alors fait en buvant un au complet.
Je l'ai vomi pendant trois jours.
Depuis cette initiation dans une rue de la côte Salaberry en 1983, chaque fois que mon corps détecte indice de café, tout remonte et je vomis aussitôt ingurgité. C'est psycho-somatique.

Vous me voyez venir, non?

L'amoureuse avait, comme toujours fait bien attention pour s'assurer que le gâteau ne contenait pas de cacao ou de parfum de café, ce qui fût fait, toutefois la petite plaquette qui portait le Bonne Fête Hunt! et dans laquelle je mordais pleine dent allait me faire sursauter et courir jusqu'à l'évier afin de vider mes intestins ainsi qu'un peu de mon estomac de tout ce qui y était entré dans le dernier 24 heures.

C'était de toutes les couleurs...

Je sais, je vous écoeure.

Je suis déchargeur.
Et Jones, du foie jusqu'au menton.
En passant par le colon.

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