En effet, tout ceux et celles qui disent que ce n'est pas si drôle, vous ne vous trompez pas beaucoup. Ça se dit depuis 1980. L'humour n'est pas le même pour personne. On écoute même parfois sans rire une seule fois. Surtout dans le segment Weekend Update qui devient de plus en plus narcissique. Narcissisme que les médias sociaux engraissent depuis des années. Et qui enfle encore.
Mais en l'écoutant je me suis rappelé la fonction de cette émission. Elle a été créée par Lorne Micheals (et beaucoup d'autres) dans l'esprit de croiser en fin de nuit Richard Pryor dans une ruelle, Tom Waits à la pizzeria à la fin d'un set, Crispin Glover rentrant chez lui après être passé au dépanneur. Paul Auster, en train de fumer dans le New York de fin de soirée. On vous fait du "en direct" pour que la poussière retombe. Et tous ce que je vous ai cité, c'est de la poussière qui retombe. Pryor était humoriste et super drogué, errant facilement. Tom Waits travaillait dans une pizzeria de NY avant de chanter dans les bars de NY, à des gens qui n'écoutaient pas toujours. Crispin Glover a habité un temps le même complexe d'appartement que celui de Robert DeNiro, à Tribeca. Paul Auster était loup de NY. Faisait parti du bitume des buildings. Quand nous étions dans l'adolescence/vingtaine/trentaine, nos fins de soirées finissaient souvent dans la nuit de la ville de Québec (et plus tard dans celle de Montréal), nuits qui se rapprochent beaucoup de celle de NY. J'ai croisé dans la nuit, Eric Lapointe, Dumas, Marie-Annik Lépine, Yves P. Pelletier, Jean Leloup, Mike Keane, Matthieu Schneider. Ces deux derniers ont tous deux deviné vite que j'étais partisan des Nordiques.¸SNL, avant de se coucher, c'est, et a toujours été depuis sa conception, des poussières de fin de soirée, un samedi soir dans une ville grisée de sa jeunesse. Un après party. Une zone.
Vendredi dernier, une autre zone s'est réouverte. Pour la génération X surtout. La formation britannique The Cure, qui nous a vu grandir, a lancé son premier album depuis 16 ans. Un premier de leur trois derniers, dit-on. Un bijou auditif. Mais surtout une zone pour la génération X. Samedi, sur les réseaux sociaux, ça en devenait même désagréable de voir qu'on ne parlait que de ça toute la journée. Leur nouvel album.
Mais il faut confesser quelque chose à tous ceux et celles qui ne sont pas de la génération X ou qui ne connaissent que de loin, The Cure.
Robert Smith est un héros. Il a racheté tous les billets des revendeurs et les as revendus à prix intelligents pour nous. Mais surtout, ce dernier album, est sombre, comme ils l'ont toujours été, atmosphérique, et face aux feuilles qui tombent des arbres, cathartique. J'ai 52 ans, mais en même temps, en écoutant leur dernier effort, j'ai aussi 15, 17, 21 ans. J'ai écouté trois fois entre vendredi midi et samedi 18h00. Deux autres fois dimanche. Une fois lundi. Une fois mardi. Encore ce matin. Me demandant comment mon monde s'était transformé sur 37 ans. Ils m'ont replongé, moi et tellement d'autres, d'après les réactions sur le réseaux sociaux, dans une zone.
J'ai toujours fait la paix avec mon âge. Physiquement, ça écoeure, c'est certain. Mais émotivement, et mentalement, c'est dur d'expliquer à quel point sa voix, inchangée, leur style, se rapprochant des sons de leur chef d'oeuvre de 1989, Desintegration, et même de Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me étalonné sur 49 minutes de rappel d'identité, nous place, X (et autres générations surement) dans une poussière d'étoiles de fin de soirée. De fin de vie peut-être, pour certains.
Le parfum sonore de vendredi dernier, qui généreusement était accompagné par un spectacle en direct sur Youtube, et qui nous a bordé tout le week-end m'a fait glisser vers ma liste de lecture de plus de 3h15 du band.
Trame sonore de pas mal toute ma vie d'auditeur. Trame sonore de ce qui peuple mon coeur. Allez lire les paroles. Robert nous parle encore.
Vendredi dernier, nous étions des milliers en amour.
Dans la zone de nos jeunesses. Dans nos états actuels.