Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parles de l'une de mes trois immenses passions: le cinéma !
Je l'ai surconsommé, le surconsomme encore, je l'ai étudié, en fût diplômé, y ai travaillé, en fût récompensé, en suis sorti, mais le cinéma n'est jamais sorti de moi.
Je vous parles d'un film qui m'a touché par son histoire, ses personnages, ses interprètes, sa cinématographie, sa trame sonore, son décor, son sujet, ses thèmes, sa réalisation, son audace, souvent tout ça, bref je vous parles d'un film dont j'ai admiré pas mal tous les choix.
Je vous parles cinéma.
PAT GARRETT & BILLY THE KID de Sam Pekinpah.
Sam Peckinpah avait déjà revisité les histoires western dans Ride The High Country en 1962 et The Wild Bunch, en 1969, venait de travailler avec le scénariste Rudy Wurlitzer sur Two-Lane Blacktop, en 1971. Dans la foulée du giga succès d'Easy Rider, on avait tenté de faire un peu la même chose en mode voiture cette fois, avec les musiciens James Taylor et Dennis Wilson, dans une sorte de road movie existentialiste.
L'acteur James Coburn fait savoir à Pekinpah qu'il aurait envie d'incarner le mythique shérif Pat Garrett. Pekinpah y voit la chance de compléter une sorte de trilogie western. Wurlitzer lui écrit sa version de l'histoire "vraie" du shérif et de Billy The Kid. Mais Sam réécrit tout le film à sa manière et Wurlitzer et lui seront brouillés à jamais. Il restera très très peu de "vrai". Wurlitzer ira même jusqu'à écrire un livre complet sur Pekinpah, le peignant de manière peu flatteuse. Sam, vivant assurément sous une roche, n'avait jamais entendu Bob Dylan chanter.
(yeah right) Quand il entend Dylan jouer
Knockin' on Heaven's Door, il le choisit aussitôt pour jouer dans son film. Qui comprendra encore son lot de musicien(ne)s. Kris Kristofferson, Bob Dylan et Rita Coolidge, au moins.
Kristofferson, comme toujours au cinéma, sera un drôle de choix. Il sera toujours meilleur musicien qu'acteur. Mais surtout, il a 36 ans, pour incarner Billy The Kid, un "kid" de 21 ans, maximum. Sa blonde Rita Coolidge, sera Maria, et Bob Dylan sera l'étrange Alias.
En 1881, au Nouveau Mexique, le shérif Pat Garrett devient shérif sur le territoire de Billy The Kid. Après l'avoir fait capturer, Billy s'évade et Garrett est forcé de se monter une équipe pour le retrouver. Jusqu'à la confrontation finale à Fort Sumner.
Mais les plans pour le "nouvel ouest Étatsunien" ne sont pas nécessairement ce que Garrett anticipait.
Au début, Pekinpah voulait Bo Hopkins dans le rôle de Billy The Kid. Il choisit finalement Kris Kristofferson. Il voudra peupler son film de personnages mythiques du cinéma western des États-Unis. Tous ces caméos sont d'un charme certain pour les amateurs de westerns des années 50-60-70. Dans des rôles secondaires, on y trouvera Elisha Cook Jr, Chill Wills, Katy Jurado, Jack Elam, Slim Pickens, Dub Taylor, R.G.Armstrong, Paul Fix et Barry Sullivan, ce dernier qui avait incarné Pat Garrett pour la télévision de 1960 à 1962. Jason Robards avait déjà joué pour Pekinpah et est revenu jouer pour son ami Sam. Richard Jaeckel, Charles Martin Smith, Harry Dean Stanton, Matt Clark, L.Q.Jones, Emilio Fernandez, Don Levy, Aurora Clavel, Luke Askew, Jack Dobson, Richard Bright et John Beck seront aussi au menu de cet impeccable distribution. James Coburn, dans la peau de Pat Garrett, bien entendu.

MGM étant dans les contraintes financières, Pekinpah a été forcé de tourner son film à Durango, au Mexique, avec des équipes mexicaines. Ça a amené son lot de problème, plusieurs membres de l'équipe de tournage des États-Unis, attrapant l'influenza. Au sommet de son alcoolisme, Pekinpah sera comme à son habitude, assez cauchemardesque sur le tournage. Insatisfait d'une séquence entre Dylan et Kristofersson, il se lève debout et urine sur les plans qu'ils ont tourné. Le tournage s'éternise et dépassera son délai de production de 21 jours. Coûtant aussi 1,6 millions de plus que prévu.
Afin de détendre l'atmosphère, Kristofersson demande à Dylan de faire venir son ami Willie Nelson. Il viendra sur le plateau et jouera 10 heures de musique consécutive avec Dylan. Un bijou de moment qui prend un Sam Pekinpah à jeun, pour le coucher bien avant la fin du 10 heures, fin saoûl. Les 3 finissent par jouer ensemble du Django Reinhardt.
Le premier montage de Pekinpah sera de 3h15. Rien pour plaire au studio. Sa seconde version du montage sera de 2h04. Martin Scorcese qui vient de terminer l'excellent Mean Streets, voit cette version et en est tout excité. Pekinpah sera expulsé de la salle de montage et la version du producteur sera finalement d'1h46. La version de 2h04 ne verra le jour que dans plus de 10 ans. La version du producteur ne fera que 2,7 millions sur un budget de 4,64 de tournage, mais quand la version de deux heures est lancée, on atteint facilement le 11 millions de recettes en distribution domestique en Amérique et en Europe.
Oeuvre mature d'un réalisateur immature, le film est aussi drôle. Et un brin nostalgique alors que les westerns, dans les années 70, se meurent. Hommage à la poésie brute de l'ouest des États-Unis, le film n'est pas sans rappeler les comptes que les gens se rendent en ce moment aux États-Unis entre Démocrates et Républicains, et entre pays entre États-Unis et Canada.
Intimidation de toutes sortes au rendez-vous.
Règlements de compte et trahisons. Se trouve ici l'unique photo de Garrett et Billy The Kid, les vrais, qui ont été un temps partenaires.
Le film est composé parfois de dialogues inintelligibles entre personnages assez inoubliables.
Culte en quelque sorte.