Chaque fois, il avait tenu la caméra de son oeil si avisé et si aiguisé qu'on lui avait presque toujours prêté la co-réalisation à juste titre.
Il avait aussi réalisé un documentaire où la plupart des noms mentionnés plus haut s'y trouvaient. L'ONF était une petite famille tissée serrée.
Il avait finalement tourné un court-métrage mettant en vedette de très jeunes Louise Marleau et Geneviève Bujold et même le frère non artiste (mais historien) des deux Arcand artistes. Brault tournait nos hivers uniques. Il tournait notre Québec. Mon Québec du 418 dans le court-métrage Geneviève. Un carnaval qui passait devant chez nous, une Terrasse Dufferin 1001 fois empruntées. Une traverse de Lévis tellement connue. En 1965, ma mère habitait le quartier de Bardy, mon père St-Pascal de Kamouraska. Kamouraska...un nom qui servirait justement Geneviève Bujold quand elle aura 29 ans dans un film de Claude Jutra, avec derrière la caméra...Michel Brault.
Mais en automne et en hiver 1965, Brault a 37 ans, Geneviève 23, mais en parait 17. La chimie fonctionne si bien entre les deux qu'elle sera aussi de son prochain projet: son premier long métrage.
Brault fait la rencontre de Denis avec un "Y" Arcand, frère de Bernard dans son court-métrage et découvre le chansonnier Claude Gauthier. Aussitôt, avec Bujold, on tourne un peu de ce qui deviendra Entre La Mer et l'Eau Douce, inspiré du moment de vie de Claude Gauthier en temps qu'artiste, parti d'un petit coin du Québec (St-Irénée) pour venir faire son nom dans la grande ville; Montréal.
Le film est formidable. D'abord la photographie est parfaitement maîtrisée par Brault lui-même (et ce, depuis toujours et pour le reste de sa vie), mais aussi parce qu'on a réèllement l'impression, au visonnement du film, d'assister à ce que j'appelle une capsule du temps. À un morceau de 1965-1966, arraché à la mémoire de la vie. Comme le scénario signé Arcand est refusé, parce que les gens de l'ONF en ont assez que l'on parle toujours de marginaux, Brault se tourne vers son ami Jutra pour peaufiner l'histoire. Gerald Godin, journaliste pour le MacLean's et recherchiste à Radio-Canada se joint à la production et incarnera Steeve. Il y met son grain de sel dans l'écriture, genre qu'il connait bien. Même Marcel Dubé y met du sien.
On y suivra la vie d'un jeune homme de St-Irénée, en quête de carrière, assez mollement, dans le Montréal perçu comme hostile parce que surpeuplé d'immigrants, grand et anglophone. Le jeune homme est chansonnier, craque pour une jolie serveuse (Bujold) avant de remporter un concours d'interprète qui le fera se produire à la télévision et à la Place-Des-Arts.
Le film est tout ce qu'il y a de plus charmant. D'abord parce que Geneviève Bujold, Louise Latraverse et Claude Gauthier n'y auront jamais été aussi beaux. On y aperçoit aussi une jeune Denise avec un "Y" Bombardier, déjà désagréable, de jeunes Robert Charlebois, Reggie Chartrand (nous offrant un laïus sur sa vision nationaliste) Suzanne Valéry, Gérald Godin et même un caméo de son amoureuse, Pauline Julien. Brault fait même un clin d'oeil à un personnage qu'il a filmé 6 ans plus tôt pour Gilles Groulx: Ronald Jones, en le plaçant dans son film au resto de Geneviève et Denise avec un "y".
Sa
vou
reux.
Même si l'ONF voulait un film qui mettrait en vedette "des gens normaux", des citoyens d'Outremont, deux enfants, deux chars. avec des maison de 40 000, 45 000$ et un chalet au Lac Ouareau, Brault leur livrera un film tourné sur la (fabuleusement jolie) rue Mentana.
La fiction réalisée dans l'esprit et avec plusieurs techniques du direct fait merveilleusement le pont entre le réel et l'artifice.
Entre La Mer et L'Eau Douce achevait son tournage débuté en octobre et novembre 1965, poursuivi en janvier, novembre et décembre 1966, à Montréal, Trois-Rivières et l'Isle-Aux-Coudres, avant d'être officiellement lancé en salle en mars 1967, aujourd'hui, il y a 50 ans.
Pour la somme de 116 000$
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