Quand on entend les sirènes de police dans le secteur de la réserve, tout le monde s'offre une prière intérieure pour que ce ne soit pas pour régler un cas trop grave chez quelqu'un qu'on connait.
Parce que tout le monde se connait.
Ce jour-là, il faisait tellement froid au Lac Simon.
Thierry Leroux avait 26 ans. Cela ne faisait que 6 mois qu'il avait été affecté à la région du Lac Simon. Il était policier. Dans le secteur, ils ne sont que 16 policiers.
Maintenant 15.
Thierry était originaire d'Amos. À Amos ils sont 12 856 habitants. Dans la réserve algonquine du Lac Simon, ils ne sont pas plus que 1500. Tout le monde se connaît. Absolument tout le monde.
Thierry répondait à un appel de violence domestique. Il est apparu chez Anthony Raymond Papatie, 22 ans, et celui-ci a accueilli le jeune policier de balles de fusil. Leroux est mort sur place. En devoir.
Papatie a pris le temps d'entrer chez lui, d'aller changer son statut Facebook et d'annoncer son départ à lui aussi.
DSL tout le monde, menvo asteur jai tuer un police qu'il a signé comme dernier commentaire. Il s'est enlevé la vie par la suite.
Deux jeunes hommes aux grands rêves venaient de s'effacer de la terre dans un égarement d'intensité futile.
Il y a une semaine, Papatie écrivait sur ce même site:
Quand je serai mort, ne venez pas me dire que vous m'aimer sur ma tombe, ce sont des mots que je veux entendre de mon vivant*
Ce sont 5 fusils que possédaient Papatie. Dont un semi automatique de confection soviétique précurseur au AK-47.
Mais un registre des armes à feu ne servirait à rien vous dirait les enthousiastes du gun.
Dites-ça aux Leroux.
Dites-ça aux Papatie.
Dites-ça à la communauté qui pleure autant le policier que le tireur.
Ghislaine jouait au bingo avec la mère du tueur. Une autre femme nommée Ghislaine. Elles se saluaient toute les deux en s'appelant par leur prénom. Ça les faisait rire chaque fois:
"Salut Ghislaine!"
"Salut Ghislaine!"
La prochaine fois, elle ne riront pas. Et rien ne sera échangé sinon une grande peine, des larmes et probablement une grand accolade bien sentie.
Le malheur rapproche mais étouffe aussi.
Suicide, drogue, alcool, manque d'ambition sont monnaie courante dans la communauté
Ils sont moins de 1500 au Lac-Simon.
Il faisait -19 là-bas.
-67 dans les coeurs.
-2 dans la population.
Le désespoir est partout.
Le corps policier est en état de choc.
La communauté est en deuil.
Les Forces Armées sont dans l'embarras. Ils avaient fait passer à Papatie avec succès trois semaines de test en novembre dernier, comme un camp d'entrainement pour joindre les rangs des soldats.
Rien à signaler.
Papatie voulait même être policier dans la GRC.
La douleur est si grande dans une communauté si petite, que parents et amis ne trouvent plus de mots pour parler de la chose. Des psychologues et des thérapeutes abondent dans la région.
"I can help you"
"Not if you can't raise the dead"
Les aidants diront la première ligne,
les éplorés penseront la seconde.
Ces lignes sont tirés du fabuleux film sur le deuil d'une communauté The Sweet Herefater d'Atom Egoyan.
We're all citizen of a different town, now.
dit ce même film.
Il faut que ces gens retrouvent une route.
À Amos comme dans la réserve.
En Malbaie aussi où Leroux a longtemps habité.
Il peut faire moins froid.
Le tonnerre est un bruit produit par l'expansion brutale de la fine colonne d'air qui a été chauffée très rapidement par la foudre au cours d'un orage.
Il se manifeste sous la forme d'un claquement sec ou d'un roulement sourd dont l'intensité est d'autant plus forte que l'éclair est plus proche du lieu où se situe l'observateur.
Il a tonné très fort sur Anthony et Thierry.
C'est ce claquement sec qui fût le dernier son de leur vie.
Notre nordicité nous propose parfois des rapports brutaux avec la réalité.
C'est quoi le secret des Islandais?
*Texte corrigé de ma part
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