samedi 13 février 2016

Clepto Mélane

(à J.S.)

"Écoute, Mélane, j'ai repensé à ta demande de promotion et je ne pourrai pas l'honorer"

Mélanie se décomposa.
"Pourquoi?"

"Parce que j'ai réétudié ton CV, fait les vérifications des références que tu avais faites quand tu as appliqué il y a 5 ans, et j'ai constaté que deux de tes 3 références sont inexistantes dans les compagnies notées sur ton CV..."

"C'est parce qu'elles ont été achetées par d'autres compagnies et que ses gens n'y travaillent plus, tout ce qu'il y a de plus normal, mais tournez vous vers les ressources humaines dans ce temps-là ou encore utiliser la troisième référence, c'est bien pour ça qu'on en met trois. De toute manière en quoi ça a rapport avec ma demande?"

"La troisième référence nous as dit que tu volais des accessoires dans la boutique..."

C'était une boutique érotique et Mélanie partait effectivement avec les produits démos qu'on allait jeter aux poubelle, mais est-ce qu'on pouvait vraiment appeler cela voler? Sur son CV, elle avait mis "Gérante de boutique de linge" sans préciser qu'il s'agissait plutôt de commis dans une boutique d'accessoires érotiques. Et comme la boutique s'appelait FWB accessoires, quand on y appelait rien n'était trahi. Vanessa avait toujours été jalouse de Mélanie, car son chum la trouvait tant de son goût qu'il avait fini par coucher avec elle. Ça oui par exemple, Mélanie lui avait volé son chum.

"De toute manière Megatronic Informatix a dégagé de l'argent pour commanditer une famille de Syriens et toute idée de nouveau poste a par la même coup été annulée" a conclu la patronne feignant soudainement une nouvelle urgence sur sa tablette qui mettait fin à la conversation.

En fin de journée, Mélane se mit à marcher dans les rues de sa ville. Une ville soudainement pleines de briques qui formaient comme un mur autour de sa personne. Elle était prisonnière de son job chez Megatronix informatix et n'arrivait pas à en sortir. On lui avait fait sentir qu'elle était chanceuse d'avoir un emploi, précisément parce qu'on avait pas vérifié comme du monde ses références il y a 5 ans. Absurde. Ne rendait-elle pas de fiers services à son entreprise depuis? Les reproches qu'on lui faisait ne faisait aucun sens.

Elle se rendit dans une boutique de disques usagés, de livres usagés et de dvd du même genre. Vous savez le genre de boutique où on se débarrasse de nos livres quand on ne les lit plus et de nos CD et de nos dvds quand on a appris à pirater le contenus du net. On leur laisse pour 3$ la copie et ils la revendent entre 5 et 10$ selon la valeur du produit, sa rareté et la demande anticipée.

Mélane errait dans la section de la musique du monde. Elle avait des pensées noires. Comment raisonnait sa conne de patronne? Comment pouvait-on lui reprocher de ne pas avoir suivi les carrières d'anciens patrons d'il y a entre 5 et 12 ans?  En quoi ça la rendait moins apte à une promo? Et voleuse? pourquoi la qualifiait-on soudainement de voleuse?

Elle avait un disque de The Smiths dans les mains. Il n'était clairement pas dans la bonne section. Johnny Marr, Morrissey, Andy Rourke, Mike Joyce, ils sont bien du Royaume-Uni mais ce ne sont pas des musiciens de musique du monde.  Mais ce sont du monde. Ils n'étaient donc pas complètement égar...QUOI? 31$ POUR UN DISQUE DE THE SMITHS? double, oui, mais christ, ça se trouve sur le net pour rien du tout! Mais Mélane était follement tombée amoureuse du gars sur la pochette du CD.
Une pochette facile à trouver sur le net, mais avoir le vrai morceau dans ses mains...Hmmm...dans son salon....Hmmmmm....oui, elle voulait soudainement ce garçon, et ce CD aussi. Mais jamais à 31$. Elle regarda sur sa gauche, regarda sur sa droite, devant, derrière, au plafond afin d'y voir si il ne s'y cachait pas des miroirs ou des caméras et une fois tous ses regards posés, elle enfouit le cd dans sa sacoche.

Mélane serait une voleuse.
Mais qui volait qui à 31$ le cd?
Même la pochette suggérait le vol.

En se rendant chez elle, elle poussa l'audace jusqu'à jouer le personnage jusqu'au bout. On me pense voleuse? Let me take over! En passant tout près d'une boutique où on y vendait des fleurs, elle nota que personne ne surveillait, que la rue était déserte et absente de regards étrangers, et elle happa un bouquet sans ralentir le pas, sans le payer et se rendit chez elle, inatteignable.

Nouveau CD, un bouquet de fleurs qu'aucun garçon ne lui donnerait de toute manière, Mélane avait en l'espace d'une petite heure, volé deux articles.

Et elle en était grisée.

Elle mit le cd de The Smiths dans un système et le fit jouer.

Elle se versa un verre de vin et se mit à danser devant le miroir. De plus en plus, elle se sentait au sommet du monde. Elle dansait avec beaucoup de plaisir et se trouvait même séduisante dans le processus.

"Il faudrait que j'appelle Sylvain" pensa-t-elle.

Suivant son état d'esprit qui était passé de frustrée à aérien en l'espace de quelques 4 heures, elle pris le téléphone et composa son # dans l'espoir qu'il répondrait.

"Sylvain?...c'est Mélane...Ça va?...es tu toujours en couple avec Vanessa?..."

Dommage qu'elle ne connaisse pas le chum de sa boss de département.

Elle volerait encore.

Fallait pas lui suggérer l'idée.

Fallait
juste
pas...

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