C'est ce qu'ils disent.
Au début des années 80, aux États-Unis, le journaliste Robert Satloff, étudiant son métier à l'université Duke, entend parler d'un certain Frazier Glenn Miller, grand chevalier du Ku Klux Klan de la Caroline. Miller dirige un camp d'entraînement paramilitaire dans une zone rurale de la Caroline du Nord.
N'en croyant pas ses oreilles, que des organisations ouvertement racistes, soient établies à moins d'une heure de grandes entreprises et universités, Satloff sollicite une entrevue auprès de Miller. Ce dernier accepte mais à la condition que Satloff ne soit pas juif, ni noir et qu'aucune de ses deux races ne soient représentées pendant l'entrevue. "Nous ne sommes pas des gens qui favorisent la diversité" lui expliquera-t-il.
Robert Satloff est juif. Il se fait donc couper les cheveux en brosse et porte une croix chrétienne au cou. Pour faire bonne mesure, il se fait faire une fausse carte de presse au nom de Robert Statler Jr et demande au photographe Shep Moyle de l'accompagner. Moyle est blond, a une belle gueule au nez fin et est tout ce qu'il y a de plus aryen.
Arrivés à la ferme, Satloff & Moyle découvrent beaucoup d'hommes en costumes militaires. Tout le monde est armé. Même les femmes et les enfants. Les premières sont presque toutes enceintes avec un enfant au bras et une arme dans l'autre main. Les enfants ont des armes en plastique et "jouent aux grands".
La première chose que Miller dit en voyant Satloff est "T'es juif?", ce que nie Satloff. "Je ne laisse aucun juif entrer sur mes terres, alors aussi bien ne pas me mentir avait-il alors menacé. Mais Satloff a gardé sa menterie secrète. Les premières 10 minutes sont banales et les questions inoffensives. Satloff croit avoir réussi sa supercherie. Toutefois, une corpulent homme déguisé en Nazi est apparu et a demandé à Miller de venir le voir pour discuter à l'écart. Miller est revenu et reniflant comme un cochon a dit "Ça sent le juif ici!". C'est d'ailleurs tout ce qu'il dira pendant les 15 minutes d'entrevues qui suivront. Plus les questions deviendront pointues sur le "pourquoi" de son organisation, plus Miller trouvera que ça sent le juif. Satloff est renvoyé dans sa voiture, une voiture surveillée par des gardes armés, supervisés par le Nazi, et ce pendant deux heures et demi. Toute les 30 minutes, un des soldats vient lui planter son arme sous le nez afin de s'assurer qu'il ne prend pas de photos de la voiture.
Shep Moyle, le photographe (qu'on a forcé à ranger son appareil) poursuivra l'entrevue à sa place. Miller lui confessera, le voulant complice, "Je parie que ces juifs ne se mêlent pas à vous n'est-ce pas?".
Vers 17h30, ils étaient tous les deux expulsés.
Ils allaient publier un article sur Glenn Miller et son Ku Klux Klan le 15 avril 1981, attirant l'attention des autorités sur cette vision absurde qui se rapproche du point de vue d'une certaine France d'aujourd'hui. Cette organisation de défense et de lobbying des intérêts et des préjugés des éléments traditionalistes et xénophobes par des blancs protestants se revendiquant de la communauté ethnico-religieuse et en appelant de la suprématie blanche, telle qu'interprétée dans la Genèse (9:27) ainsi que dans les doctrines racistes de l'anthropologie du XiXème siècle.
33 ans passent.
33 ans où ni Miller, ni Satloff ne coucheront sous la même lune.
Miller, dans les années 80, passe 3 ans en prison pour port d'armes illégal et pour avoir ouvertement déclaré vouloir tuer le fondateur d'une association de surveillance de l'extrême droite prônant la haine, qui l'avait ciblé. On l'avait libéré en échange d'un rôle de mouchard dans son organisation.
Miller signe aussi régulièrement, sans honte, son passage sur des sites internet antisémites. Il a publié The Aryan Alternative en 2005. Il s'était présenté aux élections sénatoriales de sa région en déclarant à la radio que les juifs étaient tous idiots et que Hitler aurait créé un paradis sur terre pour les blancs en 1984, 1986, 2006 et 2010.
Finissant dernier chaque fois et récoltant un rassurant 7 votes (sur 1 943 875 votes) lors du résultat de 2010.
Dans un autre livre, lancé plus récemment, Miller souhaite voir le sang des ennemis inonder les rues, les rivières et les champs de la nation, pour une vengeance et une justice sacrée.
Le journaliste Satloff gagne sa vie comme journaliste sur ses 33 mêmes années et reste étonné, année après année, de la folie des Hommes.
Mais pas autant que dimanche dernier quand il a ouvert la télévision et entendu cette nouvelle annonçant la tuerie gratuite de trois juifs, un homme de 69 ans, une femme de 53 ans et un adolescent de 14 ans dans un centre de retraite du Kansas, crime dont le seul suspect est Frazier Glenn Cross.
Anciennement baptisé Miller, qui a légalement changé son nom, adoptant le nom évoquant la croix gammée nazie (ou celle du Ku Klux Klan) et qui permet de retracer moins facilement ses allées et venues.
Dans les buissons, embusqué, lourdement armé, il attendait pour inonder les rues du sang des ennemis.
Les idées ne tuent pas disent-ils.
Ça pollue sérieusement le moteur d'un crâne en tout cas.
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