Lire c'est un peu beaucoup mon métier, qui n'est plus un travail mais une extension de mes regards. Lire c'est incontournable dans tout ce que je fais.
Lire c'est accepter de plonger dans l'univers d'un(e) autre, c'est se confronter à des idées les nôtres, c'est nager dans la réalité d'autrui, c'est vibrer au travers de personnages de toutes sortes, c'est voyager à très très peu de frais, c'est faire vivre un autre, en faire naitre d'autre, c'est structurer sa pensée autrement, c'est ouvrir ses sens, c'est explorer des univers, des personnalités, c'est accepter d'apprendre à respirer sur le rythme d'un(e) autre.Et respirer, c'est vivre.
RECONNAÎTRE LE FASCISME d'Umberto Eco.
Umberto Eco est né dans le fascisme et n'a connu que ça, en Italie jusqu'à ses 13 ans. Année de la mort populaire de Benito Mussolini. Il a connu tour à tour, répression et guerre civile entre fascistes et anti-fascistes. Il n'a aussi connu la vie "normale" qu'après ses 13 ans.
Un peu comme certaines personnes ne réalisent pas tout de suite se faire violer quand ça se produit, les États-Unis voient le fascisme se déployer complètement sous leurs yeux et ne savent pas trop comment réagir. Les Démocrates ont bien un Gavin Newsom, dont une femme de son organisation pastiche un de ses comptes de réseaux sociaux en imitant le style ignoble du gnome mental qu'est le président des États-Unis, mais ça outre faire rire, ça ne renverse rien.Umberto Eco a eu la chance de voir le dictateur capturé par des militants communistes alors qu'il tentait de fuir vers la Suisse avec sa maitresse, qu'ils ont exécutés et exhibés les cadavres à la Piazzale Loreto. Le peuple s'est tourné contre lui. Mais aux États-Unis, au Canada, ailleurs, plusieurs attendent chaque matin l'annonce du décès de l'homme au mauvais toupet. Umberto, adulte, a longuement étudié le phénomène fasciste qui a meublé les 13 premières années de sa vie. Dans le New York Review of Books Magazine, dans les années 90, il chroniquait ce qu'il avait compris du fascisme, et comment le repérer. En 14 points. C'est ce qui est réuni dans ce livre toujours extraordinairement pertinent. Publié chez Grasset, en français.
Selon lui plusieurs points sont contradictoires entre eux et ne peuvent pas s'organiser en système clair. La fascisme a besoin de chaos. Inutile de préciser qu'il est omniprésent en ce moment aux États-Unis, le chaos. Le despotisme et le fanatisme sont des ingrédients nécessaires à la recette fasciste. Et selon lui, toujours, un seul de ces points qui survient, pourrait imposer un fascisme absolu.
1. Le culte de la tradition. Le progrès est toujours ennemi du conservatisme. La connaissance et l'instruction sont des maux. À bas les médias.
2. Le rejet du modernisme, en lien avec le premier point. si il y a indice de refus du capitalisme, vous êtes problème. Modernité = dépravation. Transexualité ? Dégénération.
3. Exemple par l'action. Comme envahir les rues des États-Unis dans le but d'y trouver du crime. Effrayer l'intelligentsia. La mater en secret au besoin. Réfléchir après les dérapages.
4. Pour le fascisme, le désaccord est trahison. Le gouvernement des États-Désunis valorise avant tout "la loyauté".5. Désaccord= diversité, le fascisme a besoin de troupeau consensuel. Plus facile à manipuler. La fascisme d'emblée est raciste parce que contre la diversité.
6. La classe moyenne doit être frustrée (check) souffrant d'une crise économique ou d'un sentiment d'humiliation politique (check), et effrayée de que des groupes intérieures (ICE) pourraient faire (check). Fragilisée, plus facile à contrôler aussi.
7. Aux personnes privées d'une identité sociale claire, comme les immigrants, si ils ne sont pas prêts à épouser très rapidement le nationalisme, ils activent la xénophobie naturelle du fasciste qui y voit diversité et résistance. Obsession et rhétorique du complot au menu. Les étrangers sont tous des criminels.8. Incapable de discerner les forces ennemies, ils s'en invente.
9. Il n'y a pas de lutte pour la vie, mais une vie pour la lutte. Le pacifisme est un compromis déshonorant à partir du moment où la vie est comprise comme un combat.
10. Chaque citoyen appartient au meilleur peuple au monde. Tant qu'il joint le parti et est outil d'avancement pour le parti. Et ses élites.
11. L'ultime récompense fasciste est la mort héroïque. Ou passer près d'y passer.12. Machiste, misogyne, intolérant de toutes le formes de sexualités qui ne soient pas l'hétérosexualité. Intolérant à toutes formes de variations sexuelles.
13. Populisme sélectif, comme la part naïve religieuse, comme entité monolitique, rassurante, rassurée, alliées.
14. Le fascisme peut inventer une langue, comme la Novlangue inventée par George Orwell, un autre fin observateur du fascisme, dans 1984. Les vérités alternatives pour parler d'un mensonge en sont un clair exemple.
Vous croyez que ce livre, qui réunit des textes d'il y a 30 ans, cette année, ne serait pas pertinent à lire en ce moment en Amérique du Nord ?
Il faudra bientôt que la terre tremble en faveur de la bonté humaine.
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