Soudainement, mon téléphone a vibré. Ça m'a pris quelques secondes de réflexion avant de comprendre ce que je lisais.
"Alors, tu viens ?".
J'ai regardé qui me demandait et c'était un # de téléphone que je ne connaissais pas. C'était même plus que ça, c'était plusieurs # de téléphone que je ne connaissais pas, dont le mien au milieu. J'étais au coeur d'une discussion qui ne m'était pas adressée. Une discussion de groupe.La chose mature à faire était de leur faire savoir que je n'étais le destinataire souhaité.
Mais la maturité, un samedi, c'est toujours surévalué. Surtout à cette période de l'année où commencent les "tu vas pas rester en dedans, il fait si beau?". Je suis construit à l'envers du monde, je n'aime pas l'été. Pour un top ten de raisons. Je vous en donnes 5 qui me naissent à l'esprit à l'instant, spontanément:1. Il y a un terrain à entretenir, je suis un gars d'appartement.
2. Il y a une piscine, il faut aussi l'entretenir. J'ai été elevé autour d'un lac. Je suis autochtone. "contrôler l'eau" c'est 100% pas naturel.
3. Avec le temps, j'ai développé des allergies. Quand je me suis fait tester on m'a dit que j'étais allergique à certaines herbes et à certains arbres. Donc, allergique à l'été. Pas surprenant, et pas étonnant que j'éternue d'avril à septembre. Pas étonnant non plus que le confort des autres soit mon inintéressant inconfort.4. Le verbe "falloir" se conjugue à tous les temps dans la bouche de l'amoureuse qui a plein de projets pour moi, des projets que je n'aurais jamais et qui me plaisent rarement. Qui m'arrachent toujours à autre chose de beaucoup plus intéressant.
5. La radio, la télé, le cinéma, les arts deviennent moins nichés et plus mous. On a les équipes B, les stagiaires, ça laisse la place au facile, au vulgaire, tout est "acceptablement moins bon". Et dans les milieux de travail, c'est pareil. Il faut accepter des tonnes de délais parce que les gens ne savent pas planifier les vacances.
Je pourrais vous en trouver au moins 5 autres. Donc l'acceptabilité du bruit partout. Ta musique, ton char, ton BBQ, ta moto...enfin...
Anyway, il y avait ce texto qui me demandait pas erreur "Si je venais"...Étais-ce une ligne érotique ? Il n'y aurait pas d'autres # dans la convo si c'était le cas. Étais-ce Pete Hegseth ? Non, ce n'était pas Signal, c'était par texto. J'aurais pu être une bonne personne et leur dire "Erreur de destinataire, bonne journée" avec un émoticône qui sourit. Mais j'ai fait gagner la mal dans mon esprit. J'ai alors répondu : "Je réfléchis afin de voir si j'en ai vraiment envie, j'y penses". J'étais devenu le personnage principal d'une conversation de groupe. 5 séries de bulles, (vous savez quand un(e) autre commence à écrire, répondre) se sont vite agitées et des "!??!", "Hein?" "Quoi?" "Ben voyons!" ont ensuite apparus. Quelqu'un avait aussi mis un simple émoticône de bonhomme surpris. Le même message est vite revenu "Tu t'en viens ? on t'attends!". Je réponds alors, huile et briquet en main, "Je ne sais pas trop, je n'en ai pas tant envie". Une première personne a dit "On t'attend tous", une seconde a écrit "WTF?" une 3e a envoyé un émoticône de sourcil qui se questionne. J'ai écouté le dernier 15 minutes de mon film. Dans Mosquito Coast, le personnage de tête brûlée d'Harrison Ford dérape solide. La fin est forte. Et un ami m'avait parlé du band Tame Impala. Je me suis ensuite comme fait une liste de lecture en écoutant leurs 5 albums. En ai gardé ce qui me plaisait. J'ai donc non seulement un peu oublié que je leur parlais sur mon téléphone, un certain temps a passé. Si j'étais eux, ça ferait longtemps que j'aurais appelé. Mais ça devait être des passifs agressifs introvertis. Quand je suis retourné à la conversation, il y avait de la colère et de l'impatience. Pour me justifier, j'ai simplement répondu "Oh! désolé, traffic". Ce à quoi quelqu'un a vite répondu "?!? T'es pas en haut?". Je me suis resaisi et j'ai répondu "Ben oui! le trafic de mes pensées! j'étais aux prises du traffic de mes pensées. Tant de chose à penser" Ce à quoi quelqu'un a répondu "As tu fumé un j ?".Là, je ne savais pas qui j'étais vraiment pour eux. Un homme ? une femme ? un ado, un adulte ? À mon excuse de traffic, le # qui ne s'exprimait que par émoticône, que j'ai secrètement baptisé Harpo, a répondu "des yeux surpris", une autre personne a demandé "N'es tu pas en haut ?".
Oh fuck! les gens se textait d'un manoir. Là où on ne s'abaissent pas à appeler les gens pour leur parler. Là où on se texte d'un étage à l'autre sans se déplacer. Là où Robin Williams a grandi, enfant, un château moderne. J'étais peut-être un ado. Quelqu'un (ma mère?) a dit "Viens en bas maintenant !". Avec un point d'exclamation d'impatience. Dans l'esprit adolescent soudainement installé en moi, j'ai répondu "Et si ça ne me tentait pas ?". Ils m'ont répondu "On attend juste après toi depuis 2 heures, et le mariage est dans une 1h30".
Oh!J'ai donc répondu "Je ne l'aime pas". Festival de bulles en vrac. Tout le monde est furieux. "WTF" reviens, "QUOI???" en majuscules, "Qui?", demande un(e) autre, "Mais qu'es-ce qui te prends?", et "!!!!" ma pertinence étant en jeu, + un émoticône fâché rouge. Mais encore des bulles pour plus long: "Mais de quoi tu parles? Tu fais des manières et ça commence à nous agacer !".
Je ne sais toujours pas qui je suis. Sinon leur centre d'intérêt. Leur agaçant centre d'intérêt. Mais ma curiosité est aussi agacée. Je veux savoir, je demandes "Notre maison est grande comment?" Parce que, 1-Pourquoi tu m'appelles pas ? 2-Pourquoi tu me cries pas de l'étage ? on me répète la question: "Comment est grande notre maison????". Une autre personne demande "N'es tu pas dans ton appartement en haut, Fariza ?"FARIZA! je suis Fariza! je suis peut-être la mariée. Mais je n'avais pas compris le contexte, là je comprends. Ils sont dans un appartement plus bas. Je leur réponds (de ma maison): "Je ne me sens pas à l'aise d'y aller". Rapidement, du # qui avait le moins parlé et qui semblait représenter le sommet de la hiérarchie, cette personne a dit: "C'est le mariage de ta soeur et tu viendras la supporter. C'est une journée pour elle pas pour toi et tes caprices."Je suis la petite soeur jalouse.
Mais je ne sens pas le personnage. Je peine à être jaloux dans la vie et je n'ai jamais incarné une petite soeur. Je me révèle parce que là, ils m'appellent et font sonner mon téléphone. Je leur écrit: "Ok. Je ne suis pas de votre famille ?" avec un point d'interrogation car j'assumes juste un peu "Je ne suis qu'un gars dans la mauvaise conversation, qui vous niaise...mais vous devriez appeler la bonne personne, elle, est probablement, elle, très en retard."
Festival de bulles à nouveau, qui part et reviens. Certain(e) abandonnent et quittent le groupe. On semble commencer une série d'injures mais on recommence à réécrire, freinant la rage, et pour être plus clair(e)/moins méchant(e)/plus direct(e). "Je n'ai pas le temps de niaiser avec ça maintenant, mais quand j'aurais le temps, je te trouverai et je te réserve un chien de ma chienne".
...un chien de ma chienne...C'est la brique et le fanal, le goudron et les plumes, la baffe sur la joue et le coup de pieds entre les jambes.J'ai le dernier mot, alors que 5 des 6 # de téléphones ont quitté la conversation:
"Mais c'est vous qui m'avez texté!"
J'ai quand même une réponse.
C'est Harpo. Il m'envoie un émoticône de personnage sans bouche.
C'était vraiment Harpo Marx, celui-là.
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