mercredi 22 janvier 2020

Le Dimanche Sanglant de la Place du Palais d'Hiver

1905.

Les conditions de travail soviétiques sont pénibles. On travaille 18 heures par jour. On est pas toujours payé convenablement. Au mérite souvent, ce qui reste subjectif. Les déséquilibres sociaux sont importants.

En décembre 1904, 4 travailleurs de l'usine Putilov, sont limogés en raison de leur appartenance à un regroupement mené par le prêtre orthodoxe Gueorgui Gapone. On dit que ça n'a rien à voir, mais on n'arrive pas à trouver de meilleures raisons de les limoger. Personne n'est bluffé. Les autres travailleurs de la Putilov font une grève en soutien aux travailleurs perdus. Le mouvement fait du bruit et 150 000 autres travailleurs feront de même dans 382 autres usines. La production nationale est paralysée. Mi-janvier, St-Petersbourg n'a plus d'électricité, plus de journaux et tous ce qui devrait être public est fermé.

Le 19 janvier (le 6 en calendrier grégorien), Gapone rédige, avec son groupe, une respectueuse pétition exigeant: La libération de prisonniers politiques, diminuer les heures de travail de 18 à 10 ou 12 heures par jour, de meilleures conditions de travail en général puisque que mourir au travail n'est pas anormal, céder les terres aux paysans, la suppression de la censure. On demande aussi une démocratie dans la Russie Tsariste.
Ils veulent des votes par suffrage universel. Ce que la Russie n'aura jamais vraiment proprement. On veut remettre cette pétition au Tsar Nicolas II, mais celui-ci n'est pas à St-Petersbourg. Il déteste cet endroit qu'il considère un repaire à corruption. Il s'est retiré volontairement au Tsarskoïe Selo, Palais de retraite présidentiel.

Il sait qu'il y a vent d'hostilité et tente d'apaiser la crise en n'étant pas là, où les marcheurs l'attendront.

La marche est pacifique. On sera autour de 3000. Mais les chiffres soviétique sont toujours à douter.
On place les femmes, les enfants, les personnes âgées en avant, pour montrer sa bonne foi. On brandit des pancartes du Tsar pour assurer son écoute. La police ouvre même la marche, ce qui place tout le monde dans de bonnes dispositions sécuritaires. Les éléments plus anarchiques, plus violents et plus dangereux, comme les Mencheviks, les Bolchéviks et les membres du parti révolutionnaire ne prennent pas part à la marche, trouvant que ça manque justement de politique.

Mais ça, les unités de la garde impériale et l'armée, ne le savent pas. Tout comme les marcheurs ne savent pas que le Tsar n'est pas là où tout le monde se dirige.  Les dimanches, habituellement, les familles se rassemblent à la perspective Nevsky, un parc tout près. Comme tout est fermé, il y a peut-être déjà plus de monde là qu'à l'habitude. Ces gens ne sont pas associés à la marche. Mais la marche y dévie naturellement mêlant marcheurs et citoyens au mauvais endroit, au mauvais moment, quand l'armée et la garde impériale choisit de tirer aveuglément sur le groupe de marcheurs, avant leur arrivée au Palais d'Hiver.

Le groupe de Gapone est frappé en premier et une quarantaine de gens meurent tout de suite ou sont blessés. La confusion devient vite totale. Ça tire de partout et sur tout. Les sources anti-gouvernement parlent de 4000 morts (ils prétendaient aussi être 150 000). Certains disent 132 morts. D'autres, autour de 1000. La gouvernement prétend 96. La vérité en Russie...vous savez...

La réalité est que le traumatisme social est immense. On ne sera jamais d'accord sur le rôle du Tsar. Savait-il? A-t-il commandé? Il s'est comporté comme si les initiatives n'étaient pas les siennes, mais le mal est fait. Et punira peu après coup.

Il a perdu une large partie de la confiance du peuple. Gapone s'en tire, mais fuira la Russie.

Nicolas II sera blâmé et le peuple commence à dire qu'il n'a plus de Tsar. Le massacre fait le tour du monde et la Russie paraît mal. Des mouvements de grève poussent comme des champignons par la suite. Hors de St-Petersbourg. Moscou, Riga, Warsaw, Vilna, Kovno, Tiflis, Baku, Batum, la région Baltique, tous se mobilisent et sont aux prises avec des grèves. Près de 414 000 travailleurs refusent de le faire (travailler) en janvier 1905. 459 intellectuels indignés, dont Leon Tolstoi, 77 ans, gravement affecté par le dimanche sanglant, signent une lettre de protestation.

La 11ème symphonie de Dmitri Shoskakovich appelée l'année 1905, et son second mouvement appelé le 9 janvier, sont directement inspiré de ce terrible choc. Le père et l'oncle de Shostakovich étaient  présents sur place, ce triste jour.  Maxim Gorky a écrit La Vie d'un Homme Inutile autour de cet événement. Piotr Yakoubovitch écrit La Neige Rouge, un poème décriant ce crime d'État. Un poème ensuite imposé dans les écoles soviétiques. Avec un certain révisionisme et des marcheurs peut-être plus vils.
Valentin Serov peint Soldats, Héros, Où Est Passée Votre Gloire? la même année.

Ce drame sème le germe de la Révolution qui mènera au Manifeste d'Octobre.

Le massacre aura lieu aujourd'hui, il y a 115 ans.

Entre octobre 1905 et avril 1906, une sourde répression a lieue, on estime à 15 000 le nombre de paysans et travailleurs assassinés, 20 000 blessés et 45 000 autres forcés à l'exil.

Le régime a perdu son peuple.

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