mercredi 30 juillet 2025

Rubik's Cube

L'intensité de cette semaine est surmontable. Mais lourde. Dès le dimanche soir, j'en sentais le poids. Je remplace au travail deux personnes, en plus de combler mes tâches habituelles, et chaque jour me rend victime de surcharge de travail et d'heures supplémentaires non rémunérées. Je ne ferai pleurer personne, mais mon travail m'étouffe. C'est à moi de jouer autrement et ailleurs.

Mais ce qui rend la semaine plus lourde aussi c'est que ce sont les 5 derniers jours en tant que résident permanent de notre fils de 26 ans, Monkee. Monkee Jones, charmant petit singe. Qui quitte le foyer familial et ira vivre en appartement avec son amoureuse qui elle, vit plus intense encore, elle quitte le 418 pour Hochelaga-Maisonneuve, et débute un emploi sur la Rive-Sud qui lui demandera beaucoup d'adaptation aussi. Et un trafic à braver qu'elle ne connait que de réputation encore. 

Mon amoureuse et moi, on s'est rendu à leur appartement dimanche dernier pour la première fois. Quand il faisait 33 dehors et 27,5 dans leur appartement. On a déménagé quelques petites choses pour eux car on y sera pas le week-end officiel de leur entrée en logement, soit à partir de vendredi. Mais la sympathique locataire nous laisse nous y rendre avant, le logement (neuf) est libre. La climatisation n'a pas encore été installée, on a pas pu rester très longtemps. On suait tout le gras qu'on avait. On a vite eu envie de la piscine chez nous.

Comme on est en vacances le week-end prochain, des vacances prévues avant qu'ils ne signent de bail, notre part du déménagement se fait pas mal avant vendredi. Donc depuis dimanche. Et avec emprunt d'un camion au travail, gracieuseté de mes employeurs. Aujourd'hui on fera un voyage de camion. 50 minutes de chez nous. Mais 17 minutes de mon travail. Et du camion. Qu'il faudra remplir à la maison donc aucun avantage. De la sueur les amis, de la fatigue et du "attention on va faire des conneries on est trop fatigué(e)s". Mais ce sera quelque chose comme mon 7e personnel à vie et j'ai dû aider les déménagements des autres 3 ou 4 fois aussi. Ce sera un  peu ça aussi aujourd'hui: déménager quelqu'un d'autre. C'est pas le même stress. 

Mais bon, on se sent tout chose.

Ce qui est latent, c'est le spleen de voir notre garçon partir. On a déjà une sorte de mini deuil qui se fait naturellement depuis un peu plus d'un an, il vit de nuit en raison de son travail de paramédic la nuit et quitte dès qu'il a congé pour aller voir sa blonde dans le 418. Il y était dimanche, dans le 418, quand on est allé chez eux, sans eux. Comme il disait avoir tout son temps entre lundi et jeudi pour faire des voyages de matériel, il ne semble pas réaliser que son départ créera aussi un effet domino pour nous. Y aura plein de choses dont on se débarrassera. Plein d'autres qu'il faudra changer. Une petite soeur qui descendra de l'étage au sous-sol pour en faire désormais son nouveau royaume à elle. Et sa chambre actuelle qui changera de vocation. 

Un Rubik's Cube dont les couleurs bougent continuellement. Une sauce continuellement brassée. Un riff de guitare shoegaze en loop créeant une tapisserie sonore colorée. Une sorte de fluide insaisissable.

On passe du noir au blanc, aux couleurs. On s'endort aussi de bonne heure. 

Ce qu'on vit cette semaine est à la fois universel et intime. L'enfance nous semble donc toujours infinie, l'adolescence, consumée sans tellement le réaliser, l'âge adulte où les deuils ne font que s'accumuler. Ils auront notre âge un jour. Regarderons derrière, trouveront que tout passe trop vite. On essaie tous de faire notre Rubik's Cube en brassant le cube. Pour avoir ses 2-3 couleurs sur 6 surfaces. Les meilleurs auront 6 surfaces de la même couleur, mais la plupart auront quelques couleurs, seulement. Et parfois, c'est amplement suffisant. On grandit, on change, on perd, on gagne. Le temps marque nos corps, nos relations, nos souvenirs. Il me semble que c'était hier qu'il renversait son plat de spaghetti sur sa tête dans son banc de bébé. Me semble que c'était hier qu'il marquait ce but en 3e période qui faisait 2-2 en finale d'un tournoi pour ensuite créant la chance pour que la rondelle se rende à un coéquipier qui ferait le but en surtemps et leur donnerait le tournoi. Il avait été nommé joueur du match et avait terminé les séries de cette année-là, sans atteindre la finale, premier compteur des éliminatoires de la saison.

Il a 26 ans maintenant. Certains diront "il était temps". Essayer de louer ou d'acheter à Montréal et ses environs pour le fun. On était content de l'avoir avec nous. On ne sera jamais plus loin que le téléphone. Il est à 17 minutes de son travail. À Anjou. Je suis aussi à 17 minutes de mon travail, à Anjou aussi. Je pourrais y coucher un soir de chicane avec ma tendre moitié. 

Donc jamais.

La piscine va lui manquer, il reviendra souvent nous voir. Les chats vont lui manque mais au moins, mieux il pourra respirer (sa mère et lui sont tous deux allergiques, mais tiennent à avoir des minous !). 

La vie est un Rubik's Cube. On la prend en main avec curiosité, on la tourne, on l'observe, on s'emmêle, au début, on ne comprend pas tout, ça bouge dans tous les sens, les couleurs se mélangent, les coins ne s'accordent pas. Parfois on croit avoir trouvé un ordre, une face complète, un moment d'harmonie, mais dès qu'on tourne à nouveau, tout se défait. Un pas en avant, deux en arrière.  On cherche des formules, on regarde les autres résoudre plus vite, On se dit qu'il doit y avoir une méthode, un algorithme de l'existence. Mais certains ne résolvent jamais tout le cube. Et pourtant, ils aiment quand même. Ils apprennent à voir la beauté dans le désordre. À apprécier chaque couleur même si elle n'est pas à sa place. 

Parce qu'au fond, la vie, ce n'est peut-être pas de tout aligner. 

C'est d'avoir eu le courage de tourner. 

Encore, encore et encore. 

Comme disait Françis, c'est que le début, d'accord, d'accord.

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