jeudi 28 janvier 2010

Jerôme David Salinger (1919-2010)


Plusieurs le croyait déjà mort tellement il était sauvage.

Le Réjean Ducharme Américain avait tourné le dos au monde public il y a déjà presque 40 ans.

Moi qui vient de perdre mon père, j'en perds presqu'un deuxième. Si je parle de paternité chez Salinger c'est qu'il es apparu dans ma vie à un moment charnière qui a complètement fait basculer l'homme que je suis.

Il y a eu un "Avant" Salinger et depuis sa découverte en 1989 je vis dans l'"Après".

Quand j'ai lu The Catcher in the Rye j'avais exactement l'âge de son héros, Holden Caulfield. C'étais un pur hasard (où l'étais-ce?)J'étais tout aussi brouillon (sinon plus)et mon tempéremment (pas toujours approprié) était la source de pratiquement tout ce que j'entreprenais. Salinger m'a renvoyé un miroir qui m'a procuré un effet de "renaissance". Pas que j'étais mort mais disons que j'étais plus ou moins bien né. Je penchais dangereusement vers les sentiers les moins féquentables. Un renvoi scolaire plus tard, Salinger me donnait la clé de la vie adulte. En me disant "r'garde de quoi t'as l'air, allume!".

Sa toute première nouvelle (The Young Folks, 1940)raconte justement la errance d'une certaine jeunesse qui fait tout aussi écho à ma vie.

Le ténébreux J.D., de ses 6'3, forme un couple avec la fille d'Eugene O'Neill (Oona) avant que celle-ci ne le laisse pour un certain Charles Chaplin. C'est que J.D. est un être légèrement asocial. À l'instar d'Holden Caulfield, ses rapports avec les autres sont plus troubles et intenses que chaleureux.

7 nouvelles de Salinger (dont I Went To School With Adolf Hitler) sont rejetées par le New Yorker avant que Slight Rebellion off Madison ne soit acceptée. Toutefois l'histoire ne paraitra jamais puisque son personnage, Holden Caufield introduit pour la toute première fois, entretiens des propos et des idées jugées trop intenses par rapport à la tension à l'égard de la guerre. Les Japonnais viennent tout juste de bombarder Pearl Harbor et mettre de l'huile sur le feu serait innaproprié pense-t-on.

Salinger part donc faire la guerre en 1942 prenant part à l'action sur Utah Beach lors du débarquement de Normandie et lors de la bataille des Ardennes. Il y rencontre Ernest Hemmingway alors correspondant de guerre à Paris et les deux développent une admiration commune.

Salinger, qui parle français et allemand, est utilisé lors des interrogatoires des prisonniers de guerre, nazis ou les collaborateurs français. Il est aussi parmi les premiers soldats à entrer sur les sites des camp de concentration maintenant libérés. Il participe à la "Dénazification" des pays voisins de l'Allemagne après la fin de la guerre.

Ces expériences le dégoûteront de la nature humaine. Il ne s'en remettera jamais.

Ses écrits sont rejetés dans leur presque totalité par le New Yorker et autres magazines des États-Unis durant toute la période de la guerre alors qu'il écrit toujours. Il travaille même une pièce de théâtre qui couvrirait son texte presque publié Slight Rebellion off Madison et où il jouerait Holden Caulfield lui-même.

Largement traumatisé par son expérience de guerre Salinger se tourne vers le boudhisme. La déstabilisante et fort habile nouvelle A Perfect Day for Bananafish séduit tant le New Yorker qu'il lui donne un contrat sur-le-champs. Cette nouvelle introduit la famille Glass dont les 7 enfants seront les héros des romans subséquents de Salinger.

The Catcher in the Rye est publié en juillet 1951. Écrit à la première personne, le roman relate les deux jours durant lesquels Holden Caulfield vit seul dans New York, après avoir été expulsé de son école privée. Au travers du livre, il est clair pour le lecteur (mais pas pour Holden) que l'adolescent est effrayé et nerveux à l'idée de grandir, de devenir adulte. À la fin du livre, Holden ne veut pas parler de son présent, le trouvant sans importance. Il devient clair que l'adolescent âgé de 17 ans se trouve dans une sorte d'hôpital psychiatrique. Il se qualifie de "malade" et parle "du psychanalyste d'ici". Il nous précise qu'il entrera dans un nouveau lycée au mois de septembre, et avoue que les personnes dont il a parlées avec fiel dans le roman lui manquent.

Le roman est d'abord décrié par les institutions morales de par ses propos largement libéraux, sur le sexe et la prostitution entre autre, qui sont jugés pervers. Toutefois le roman est un succès majeur en librairie et reste plus de 30 semaines dans les meilleurs vendeurs.
Au début des années 60, 9 ans plus tard donc, le livre est encore considéré comme une référence. Il est le plus populaire dans les écoles secondaire. Ce, même si les institutions scolaires le bannisse en raison des idées évoquées précédemment mais aussi parce que l'on utilise les mots "goddam" 237 fois, le mot "bastard" 58 fois, le mot "Chrissake" 31 fois et , ô disgrâce absolue, le mot "fuck" 6 fois.

Dans les années 70 les professeurs qui proposent le livre en lecture à leurs élèves sont renvoyés ou forcés de quitter leur poste. Le livre obtient l'étrange titre du "livre censuré le plus lu et le plus enseigné dans les écoles".

Mais malgré sa soudaine popularité, Salinger se tient loin des feux de la rampe. Il vit en hermite et se plonge corps et âme dans le boudhisme.

Son roman Franny & Zooey raconte en partie sa relation avec Claire Douglas l'étudiante qui lui donnera deux enfants. L'actrice Zooey Deschanels, duquel je suis aussi amoureux fou, a été baptisée en l'honneur de ce personnage. (Drôle de coincindence qui me ramène encore à Salinger)
Bien entendu la bebitte Salinger ne vit pas longtemps avec sa femme et la rend presque folle. Il passe de femme en femme dans les années qui suivent et son isolement du monde extérieur le fond glisser légèrement dans la démence. Démence contrôlée car l'homme est extrèmement intelligent.

Son expérience de stress post traumatique le laisse toutefois lourdement cicatricé psychologiquement et ses humeurs deviennent imprévisibles.

Je regarde les photos de Salinger plus jeune et je suis frappé de remarquer qu'il ressemble beaucoup physiquement à mon père au même âge. Il a de plus, lui aussi du sang irlandais.

Allez! bonne nuit vieux monstre!

Je t'aime, je t'aimais et je t'aimerai.

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