jeudi 11 septembre 2025

Les Japonneries de Charlie

Chaplin.

Oui, lui.

1932. Charlie Chaplin est la plus grande star du cinéma au monde. Il visite l'Asie dans le cadre d'une tournée promotionnelle. Au Japon, la situation politique est alors tendue. Instable. Des factions militantes ultra nationalistes prennent de plus en plus d'assurance et se glissent dans les rangs du pouvoir politique. On est alors très hostile à l'égard des influence étrangères et plus précisément des influences occidentales.


 Bien qu'il soit britannique d'origine, il habite Los Angeles depuis 1914. Il est donc représentant des valeurs américaines depuis plus de 15 ans. Et en plus, sur grand écran. Il est donc, pour certains, symbole de décadence. La junte d'un certain Hirohito voudrait bien que le peuple s'insurge contre l'occident. 

Le nationalistes Japonais, et ça se reproduira dans quelques 9 ans au prix de la vie de milliers de gens de Nagasaki et Hiroshima, veulent en découdre avec les États-Unis. Si on arrive à assassiner une célébrité de chez eux, peut-être arriverait-t-on à forcer les États-Unis à répliquer et à alors, obliger une mobilisation militaire des armées japonaises. Une guerre qui accélèrerait la fierté nationale nippone. Un certain Hirohito voudrait bien installer sa junte au pouvoir, et le fera. 

Le guide, assistant depuis au moins 15 ans, et interprète de Chaplin est mal avisé**. En après-midi, il le fait rencontrer des gens qui devaient être importants, issus aussi du milieu du film. Mais non, ce sont plutôt des militants nationalistes qui veulent montrer un de leurs essais filmiques, un film porno. Ce à quoi Charlie dit "non merci". Ce qui est pris comme la pire des insultes. Le petit acrobate juif, comme l'appellent les Allemands, se considère trop important. On le hait rapidement.  

Le 15 mai 1932, un groupe de nationalistes de l'extrême droite (les mêmes ?)et des officiers de la marine japonaise décident d'exécuter un plan qui tuerait le Premier Ministre japonais Inukai Tsuyoshi et Charlie Chaplin, qui devait le rencontrer à sa résidence, en soirée. Mais le fils du Premier Ministre invite Chaplin à assister à un match de sumo, ce qu'il accepte volontiers.

Un groupe de 11 assaillants entre sur le terrain de la résidence privée, à Tokyo, du Premier Ministre et n'y trouveront que celui-ci, dans le salon. Avec quelques membres de sa famille qui voulaient voir aussi Chaplin. Mais ce dernier est retenu par le sumo. Qui lui sauvera la vie. Tant qu'à être sur place, on assassine le Premier Ministre, devant toute sa famille. Il a eu le temps de leur dire "Si on se parle, on pourra surement s'entendre"  ce à quoi un des leurs dira "le dialogue est inutile" avant qu'on le tue froidement devant tout le monde. 

On prévoyait un si gros coup qu'en parallèle, un autre groupe attaque les quartiers généraux de son parti. On y fera aucun mort. Un autre groupe attaque une banque avec des grenades, repart avec beaucoup d'argent. Pas de morts non plus et dommages limités. Une attaque mineure a aussi lieu contre les quartiers généraux de la police, mais sans grand impact, ni réel succès. 

Tous les gens impliqués seront jugés et auront tous des sentences assez légères car la population est assez sympathique à leur cause nationaliste. Plus de 10 000 personnes les soutiennent et certains se portent volontaires pour aller en cour à leur place. Depuis 1927, Mao Tsé Tung est en pleine montée dans le milieu politique. Et le culte de l'image sera beaucoup inspiré de ce que Chaplin inspire ce soir-là. Lui qui voit une balle réservée pour lui, en tuer un autre parce qu'il a, avec chance, choisi d'aller voir du sumo. 

C'est de coutume avec lui, en 1924, une autre histoire aux conclusion glauques impliquant une balle pensée pour lui mais qui en tuera un autre aurait pu salir à jamais sa réputation. 

Sur le yacht personnel du magnat de la presse William Randolph Hearst, Chaplin a les mains baladeuses sur la maitresse de celui-ci. Hearst lui en veut et tire en direction. La balle le rate et tue le producteur Thomas Ince à la place. On enterre très rapidement Ince, une fois à terre, on lui invente une mort suite à des inconforts en mer, et on fait brûler son corps rapidement. Car quand on est riche et qu'on contrôle l'info. On peut faire croire n'importe quoi à n'importe qui. Il a la main lourde sur ce qui se sait ne sait pas. Il a fait soustraire ce passage du scénario de Citizen Kane d'Orson Welles et Herman J. Mankiewicz, largement inspiré de sa vie*. Chaplin ne sera jamais égratigné par ceci publiquement. Hearst encore moins. Il contrôle les médias. Peut faire croire, ce qu'il veut.   

Comme la station de propagande télé Fox et l'administration actuelle aux États-Unis fait croire n'importe quoi aux moins nantis intellectuellement.

Quand Charlie lance son chef d'oeuve The Great Dictator,  le 15 octobre 1940. critique du fascisme régnant alors en Europe, fascisme impliquant assez nouvellement le Japon, allié des Nazis et de l'Italie de Mussollinni depuis le 27 septembre 1940, bien entendu, on est pas content du contenu du film qui vise assez clairement les Allemands. Hitler et Chaplin sont nés à 4 jours d'écart, la même année. Certains disent qu'une partie du magnétisme Hitlérien était en parti généré par cette petite moustache "copiée" sur l'internationalement, (mais pas partout visiblement) aimé vagabond du grand écran. 

On bannira la diffusion du film dans en Allemagne, bien entendu, mais au Japon aussi. Et le passage de Chaplin au Japon sera interdit pendant plusieurs années. Il représente la subversivité occidentale à ne jamais épouser. 

20 ans, après le jour d'infamie aux États-Unis et 16 ans après Fat Man & Little Boy, Charlie est retourné dans un Japon moins hostile.

Toujours guidé par son assistant depuis toujours, Toraichi Kono, vedette locale, à Los Angeles dans Litlle Tokyo, mais surtout, homme à tout faire pour Charlie.

Qui maintes et maintes fois lui a sauvé la vie. 

Mais qui était peut-être un espion aussi...

Et qui mériterait lui aussi, un complet portrait, un jour ici.    


*Rosebud était le nom d'amour que donnait Hearst au clitoris de sa maitresse, Marion Davies.

**ou dans le coup ?         

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