lundi 9 octobre 2023

Cinema Paradiso**************Tchao Pantin de Claude Berri

Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parles de l'une de mes trois immenses passions: le cinéma !

Je l'ai largement consommé (le fais toujours) l'ai étudié, en fût plus d'une fois diplômé, y ai travaillé, en fût récompensé, puis en suis sorti.

Mais le cinéma ne sortira jamais de moi.

Je vous parles d'un film dont j'ai aimé l'histoire, l'interprétation, l'audace, la cinématographie, l'univers, les thèmes, la musique, la réalisation, le son, le ton, bref je vous parles d'un film dont j'ai aimé pas mal tous les choix.

TCHAO PANTIN de CLAUDE BERRI

Je vous parles, ce mois-ci, d'un réalisateur qui a connu des années 80 remarquables. Le réalisateur producteur Claude Berri, entre 1983 et 1993, a été une sorte d'artiste béni à qui on pouvait donner carte blanche, il savait livrer du parfait haut calibre de cinéma. Je vous ai déjà parlé de ses deux Pagnols, indissociables pour moi. Mais je ne peux résister de vous parler du film qu'il a tourné, quatre ans avant, tiré du livre d'Alain Page de 1982, un film que j'ai découvert par hasard, adolescent, sur les ondes de Radio-Québec, la nuit, au retour d'une soirée arossée entre ami(e)s, seul dans mon sous-sol. Je devais avoir entre 16 et 20 ans. La solitude du moment avait rejoint la solitude de Lambert, incarné par l'humoriste Coluche, qui fait tout ici, sauf faire rire. 

Coluche est d'une réserve méconnaissable dans ce film. Sa solitude est lasse et presque amorphe. Coluche dira de ce personnage qu'il était le plus près de sa personnalité au civil et qu'il a "aimé" le jouer, parce qu'il n'a jamais eu l'impression de vraiment le faire. Un jeune Richard Anconina incarne une petite fripouille d'origine arabe qui se sauve des traques de la justice, qui le file avec raison, pour ses coups pendables, la nuit. Il fair circuler de la drogue et vole de temps à autres. Lambert, garagiste, prend sous son aile l'orphelin d'âge adulte. Coluche traversait alors une dure période de sa vie personnelle, vivant mal le décès précoce de son ami Dawaere et la dépression se lit dans son regard. 

"Je parles plus à personne depuis 5 ans" dit Lambert en tentant de comprendre davantage ce jeune arabe qui arrive toujours dans son garage avec une nouvelle mob, fraichement fauchée. Si Lambert insiste afin de savoir des choses sur son nouvel ami, quand vient le temps de parler de lui-même, il demeure muet. Son passé est traumatique et jamais il ne s'en est remis. Lambert passe l'heure et demi (durée parfaite) avec nous, à s'ingérer dans le monde du jeune arabe qui le place dans de difficiles situations. Il se plonge dans la merde de Benssoudan (Anconina) dans l'espoir que ce dernier change de style de vie. 

Le film commence dans la nuit de Paris et dans la pluie. Je suis large partisan de Richard Bohringer qui dit que C'est Beau Une Ville, La Nuit. J'aime aussi la nuit de par ma nature de vampire (chuuut!) Je découvrais ce film, la nuit, seul. Il cochait toutes les cases du moment. Lambert veut sortir Benssoudan de sa vie. Benssoudan veut se trouver une pute qu'il sortira de cette vie. Il y a un ailleurs chez chaque personnage qui les rends moins utiles dans l'agitation du jour, et plein de projets quand tombe la nuit. 

Ce film est une ambiance. Accentuée de la voix graveleuse de Charlélie Couture à la trame sonore. 

Depuis toujours, La Nouvelle Vague Française le soulignant davantage, les Français éclairent leurs films très souvent de la lumière naturelle. Ce qui donne un sentiment de vérité dans ce qu'on regarde. Quand Anconina fait un face à face inattendu avec ses souteneurs, on est aussi saisi qu'il peut l'être. On habite facilement ce film. Encore plus si on l'écoute la nuit, semi-intoxiqué.

Il est très ville, très nuit, très sale, mais aussi, très simple. On a un sentiment de proximité avec le coeur d'une France endolorie. 

Et lourd en même temps. Coluche est si trash qu'il ne parait aucunement déplacé dans une foule punk qui se tire les uns sur les autres, face à un spectacle. Un personnage croise le visage d'Elvis sur un poster dans ce film. Il y a un peu de la tristesse autour du king dans ce film. 

Quand j'ai vu ce film, l'habituel désopilant Coluche était mort. Tué depuis deux-trois ans en moto par un putain de camion de 38 tonnes qui l'avait coupé. Ça ajoute peut-être une couche à son interprétation quand on la découvre pour la première fois. Une tristesse taciturne. Coluche gagnera le César du meilleur acteur pour ce film. Coluche dira que ces cons-là lui avaient refilé un César alors qu'on avait que filmer sa perrsonne en pleine déprime. Berri a le flair d'engager aussi la bouille de Phillipe Leotard. Une fameuse tête. Ancocina gagne aussi 2 Césars. Meilleur second rôle, meillleur espoir. Bruno Nuytten gagne la meilleure cinématographie.

Alain Page, aux dialogues, sera aussi l'auteur de ce que deviendront les films La Piscine, en 1968, La Part du Feu, 10 ans plus tard et Taxi Boy, qu'il réalisera aussi. 

Ce film est une portion de solitude nocturne touchante, intense et bouleversante. 

La pluie revient aussi vers la fin de manière épique. Laver la saleté de la nuit. 

Ce film a 40 ans, cette année. 

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