mardi 12 février 2019

La Fraude Fyre Festival

Billy MacFarland et le rappeur Ja Rule se sont liés d'amitié dans le premier grand projet d'entreprenariat de MacFarland: Magnises. Une carte noire magnétisée visant les milléniaux, et leur permettant des accès privilégiés, des entrées dans des clubs privés, de vagues avantages sociaux dans certaines grandes villes des États-Unis.

Rapidement, cette carte n'était reconnue presque nulle part. MacFarland, en bon escroc, s'est poussé rapidement et a vite pris le large, vers les Bahamas afin de mettre sur pied son prochain projet botché: le Fyre Festival, un festival de musique avec séjour dans de luxueuses villas, une série de spectacles, tenue du 28 au 30 avril 2017 et du 5 au 7 mai peu après, qui ferait aussi la promotion de la nouvelle application Fyre qui serait une sorte de UBER pour réservations de spectacles.

Qui dit UBER, dit aussi "en marge des lois".
Ils annonçaient leurs couleurs dès le départ sans 100% se l'avouer.

Tout partait si bien. On avait trouvé le lieu. Une île ayant prétendument été achetée par MacFarland (non, louée) et qui aurait, au préalable déjà appartenu à Pablo Escobar (non plus, au cartel de Medellin, à Carlos Lehder Rivas, un associé de Pablo). On avait loué sous la stricte condition de jamais faire référence à Pablo Escobar.

On a engagé des top modèles, on a tourné avec elles, un soixantaine d'adultes mâles, devenus préados, ont passé quelques jours avec elles, caméras en main, afin de tourner une pub fantasmagorique, on a payé grassement quelques "influenceurs" populaires comme Kendall Jenner, Bella Hadid et la top modèle Emily Ratajkowski dans les 250 000$ pour une seule publicité sur le potentiel spectacle à venir sur Instagram. Toutes les modèles impliquées dans la pub originale ont aussi eu comme mandat de publier de la pub pour le festival à venir.

Du point de vue du consommateur, c'était du bonbon. Ça a très vite vendu. Mais dès la première publicité, on violait les accords. On disait clairement que cette île avait anciennement appartenu à Pablo Escobar. Le locateur a viré tout le monde, allez jouer ailleurs!

De toute manière, les connections électriques, la capacité de réunir plus de 1000 personnes sur l'île, la logistique, étaient impossibles.
Et tout ça le resterait.

Personne n'était terriblement qualifié dans l'organisation de spectacles. On a fait travailler beaucoup de gens des Bahamas, mais sans vraiment les payer. Les villas luxueuses étaient en fait des tentes de survie achetées de la Federal Emergency Management Agency des restes d'un ouragan des États-Unis. Les billets étaient entre 500$ et 1500$. On a loué un autre coin de pays qui n'était pas vraiment une île, mais un quartier en développement futur, près de l'eau. Une baie. On a photoshoppé autour pour le net afin de faire croire à une île. On a peu à peu cesser d'envoyer trop de photos sur le net. Et de plus cessé de répondre aux questions des acheteurs.
30 groupes et artistes étaient promis, Pusha T, Tyga, DesiignerBlink 182, Major Lazer, Disclosure, Migos, Kaytranada, Little Yachty, Matoma, Klingande, Skepta, Claptone, Le Youth, Tensnake, Blond:ish et Lee Burridge (et Ja Rule bien entendu)entre autres.

On les as prévenu que des spectacles au printemps seraient sujets aux intempéries, que la même chose en Novembre serait mieux. On a fait la sourde oreille. En mars, MacFarland, faisant surtout la fête et étant assez peu porté sur la saine gestion financière, engage un vétéran promoteur de spectacle qui lui suggère de tout repousser ou de rembourser les gens si il ne veut pas voir de problèmes. Rien ne ressemble à ce qui était promis et les lieux ne seront jamais prêts. On a changé la compagnie devant fournir à manger et on aura beaucoup plus cheap. La plupart des artistes n'ont jamais eu de sommes payées en gage de confirmation d'engagement. Il faut le dire aux gens. Mais MacFarland ne fait rien sur le sujet. Il ment davantage. Il dit ouvertement qu'il vend du rêve aux perdants d'Amérique et de partout ailleurs.

Il cauchemarde sans vouloir l'avouer.

Il demande à un certain moment à un associé, mentor, gay, celui qui rassure tous ceux qui s'inquiètent de MacFarland, d'aller sucer un investisseur, pour sauver la tenue du festival, ce qu'il se rend faire. La personne à sucer refuse l'offre mais aidera à financer le désespoir. Pathétique.

Le monstre créé devient beaucoup trop gros pour ses sous-qualifiés architectes.

Quand les premiers invités, dont certains des 250 influenceurs à qui on a promis logement et alimentation gratuite (qu'on ne peut pas offrir!), arrivent le 27 avril, la consternation est totale, la confusion, partout, le darwinisme se met en marche, l'inexistante organisation oblige tout le monde à courir vers des tentes, premier arrivé, premier servi, des tentes dans des états lamentables puisque une lourde tempête de pluie a tout investi dans la nuit.

On avise très tard que l'événement sera "sans argent" et on encourage les clients à mettre des fortunes sur une montre bracelet qui serait aussi une carte de crédit virtuelle, mais le wi-fi des lieux est atroce. Rien ne fonctionnera. MacFarland signe lui-même un courriel suggérant de mettre entre 300 et 500$ par jour prévu sur l'île dans leur (inutile) bracelet. 2 millions ont été placés dans les poches de MacFarland bracelets. Ceux qui n'avaient pas d'argent se retrouvaient sans ressources face aux taxis, jamais dans le coup du bracelet.

Les transports, justement, avion comme autobus, étaient tout sauf ce que promis. Les vols d'avions étant même suspendus par le gouvernement, emprisonnant des gens sur le retour sans eau ni aliments toute une nuit. Une fois qu'on eût déclaré que tout ça serait "reporté".

Les organisateurs promettant le rêve, ne livrant que le chaos. Et un seul spectacle

MacFarland, même accusé de partout pour fraude, bris de contrat, bris de confiance, et de fausse représentation, et arrêté fin juin 2017, il avait continué à tenter de soutirer de l'argent aux mêmes gens qu'il avait plus ou moins volé, en leur proposant des "rabais" sur des achats futurs.

Billy MacFarland a écopé de 6 ans de prison en octobre dernier.

Tout ça est beaucoup mieux raconté, nombreuses images spectaculaires à l'appui, dans l'excellent documentaire sur Netflix Fyre: The Greatest Party That Never Happenned.

Le grand perdant d'Amérique ou d'ailleurs n'étant que Billy MacFarland.

Dans ce qui ressemble à un large moment de vacuité Instagram incarné en...inhumain.

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