lundi 26 décembre 2016

Jean Genet

J'ai un faible pour les enfants terribles.* Jean Genet l'a été tout naturellement.

Son père disparaît dès sa naissance, en décembre 1910, l'assistance publique dévoilera qu'il s'agit d'un homme du nom de Frédéric Blanc, mais c'est tout ce qu'on saura de lui à jamais. Sa mère, femme de chambre, abandonne bébé Jean à 7 mois. Jean relèvera de l'assistance publique et sera élevé dans une famille adoptive. Réservé et taciturne, il éprouve ses premiers désirs envers les garçons, encore enfant. Son premier amour deviendra Divine dans ses livres, puis l'héroïne de Notre-Dame-Des-Fleurs. Il est aussi bouleversé par les hommes virils plus âgés que sont les braconniers et les marginaux égarés. Il est si bon élève en classe qu'il termine premier au certificat d'études primaires.

À 10 ans, il se fait coincer pour vol à l'étalage, ce qui est un point tournant de sa vie. Il en fait un sacre existentialiste et le revivra jusqu'à sa mort. On l'envoie dans un centre d'apprentissage mais il en fugue. Il sera arrêté à nouveau pour vagabondage. Comme il collectionne les fugues, il est envoyé à la colonie pénitentiaire agricole de Mettray, où ses pulsions homosexuelles sont confirmées. Il en sort à 18 ans et devance l'appel militaire en s'engageant dans la légion étrangère. Il découvre l'Afrique du Nord et le Proche-Orient pendant 2 ans. Il y est aussi charmé par la perfection des corps africains.

Revenu à Paris, il vit de petits larcins de subsistance, et vole surtout des livres. Il se fait prendre et passera presque 4 ans en prison pour adultes. En tôle, il y prendra la plume et composera esquisses de romans et poèmes. Perfectionniste, il réécrirait sans arrêt, et le fait. Le secrétaire de Jean Cocteau publie ses premiers écrits, mais comme les écrits de Genet, dans les jeunes années 40, sont tout de suite jugés pornographiques, et sous l'occupation nazie, donc, distribués sous le manteau.

En effet, Genet bouleverse les moeurs en parlant de désirs et de nuits homosexuels parisiens dans son premier roman, ainsi que de travestisme. C'est trop pour les années 40. Genet développe une fascination pour la virilité nazie et le culte du corps qui accompagne le mouvement. Ça le laissera toujours dans une zone grise et il sera visé par des accusations d'antisémitisme toute sa vie. Il était moins antisémite que béat d'admiration pour les corps mâles, allemands ou autres. Ce qui concordait avec l'admiration nazie.

Les Miracles de la Rose, publié en 1946, s'inspire de ses années d'internement à partir de l'âge de 16 ans. Genet ne peut s'empêcher de voler. À une troisième condamnation, il risque la prison à perpétuité. C'est Jean Cocteau qui le tire d'embarras à ce niveau. Jean-Paul Sartre s'éprend de l'écriture raffinée et riche qui exalte la perversion , le mal et l'érotisme de Genet. Ces deux grosses pointures intellectuelles font entrer Genet dans le milieu littéraire parisien. Mauriac en revanche, le méprise. Les enfants terribles dérangent.

Genet publiera du théâtre (8 pièces), de la poésie (5 recueils), 12 romans ou récits et plus de 60 articles ou essais.

En 1948, est publié une oeuvre complète des poèmes de Genet et c'est Sartre qui en signera la préface. Toutefois, Sartre est si enthousiasmé par Genet, qu'il en écrira 625 pages...de préface...qui bien entendu, seront tout simplement le premier tome des Oeuvres Complètes de poésie de Genet. Celui-ci s'en trouvera extrêmement gêné, et, vampirisé par Sartre, sera bloqué d'écriture pendant presque toutes les années 50.  Il scénarise et met en scène un film muet.

Il fréquente tout de même De Beauvoir, Giacometti, Matisse, Brassaï. L'odeur de scandale qui trône autour de ses écrits plait au milieu. Genet prend position contre les position françaises dans le conflit algérien. Il sera nettement plus engagé encore dans les années 60.

Il participe à des mouvements des manifestations sur les réformes de situations carcérales (secteur qu'il connait de l'intérieur), il se positionne contre la violence politique coloniale et quand on lui demande de parler des Black Panthers en Amérique, il s'y rend et se range derrière eux. En raison de son dossier judiciaire, il est interdit de séjour aux États-Unis, mais y sera quand même très souvent. Il se fait l'ami des Palestiniens, ce qui en rajoute sur son "antisémitisme". Il sera le premier européen à entrer à Chatila après les massacres et en tirera un texte important, Quatre Heures à Chatila, qui sera souvent monté en pièces de théâtre, encore aujourd'hui.

Les années 70-80 sont surtout marquées par des positions idéologiques, métaphysiques, théologiques et politiques.

Grand admirateur de Gide, il a tenté de leur rencontrer toute sa vie, sans succès. Genet a toujours inspiré d'autres artistes.

Bukowski et Kerouac le citent de manière élogieuse.

Hélène Martin rend hommage à sa poésie en musique de manière généreuse. Elle s'unira aussi à Jeanne Moreau et Etienne Daho pour honorer Genet.

Bowie avoue un jeu de mots malhabile avec Jean Genet pour l'une de ses chansons aussi. Christian Caujolle compose pour la formation Casse-Pipe un morceau inspiré de Genet. Louis-Pierre Guinard et Philippe Onfray, toujours pour Casse-Pipe font de même pour leur premier album. Shane MacGowan y fait aussi référence pour les Pogues. Bill Pritchard jase Genet lui aussi. Douglas Pearce avoue que Genet est une inspiration majeure pour son band Death In June. Dire Straits font un clin d'oeil à Genet eux aussi en parlant homosexualité. À la fin de son morceau solo, The Last English Roses. Pete Doherty, ancien Libertines, lit un passage de Notre-Dame-Des-Fleurs. Placebo traduit Notre-Dame-des-Fleurs.
John Zorn consacre un album entier inspiré de Genet.  Murat utilise un récit imaginaire sur Genet dans sa tournée de 2000, accompagnant la chanson Polly Jean.  Cocorosie chante aussi son amour pour Genet. Les Têtes Raides, Les Chevals Hongrois et Babx ont tous touché au Condamné à Mort. Michaël Levinas fait un opéra de sa pièce Les Nègres.

Fassbinder adapte son roman Querelle de Brest au cinéma en 1982.  Tony Richardson avait au préalable adapté Les Rêves Interdits en 1966. Madame est Bonne est inspiré de Les Bonnes de Genet.

Angelin Preljocaj travaille un numéro de danse sur Le Funambule de Genet.

Jean Genet célébrait les personnages ambivalents au sein des mondes interlopes. Pas étonnant qu'il eût intéressés les artistes.

Il reste accroc aux barbituriques et erre d'hôtel miteux en hôtel miteux quand son partenaire de longue date s'enlève la vie. Rongé par un cancer de la gorge, il est victime d'une mauvaise chute et décède à l'âge de 75 ans.

En avril cette année, on marquait le 30ème anniversaire de sa mort.

*Je ne devrais donc pas trop m'en faire avec ma fille...


*Voilà pourquoi je ne devrais pas m'en faire pour ma propre fille.

dimanche 25 décembre 2016

Caitlan & Joshua, Probablement, Peut-Être

Il y a des ces nouvelles qui ont besoin parfois d'un peu de perspectives.

Je trouve étonnant que les journalistes, francophones surtout, ne nous éclairent pas davantage sur des sujets du genre.

C'est peut-être l'héritage à accepter de Donald Trump de nos jours.

Il y a un vidéo qui a été mis en ligne cette semaine, laissant croire que deux "voyageurs", l'une Étatsunienne, l'autre canadien, sont prisonniers des Talibans depuis 2012. Eux et leur deux garçons nés en captivité.

Ils le sont.
Peut-être.
Probablement.

Et c'est pour ce peut-être et ce probablement, que le Canada, ou les États-Unis ne lèvent pas le petit doigt pour les aider. Sous Stephen, Barack et maintenant Justin et Donald.

Joshua Boyle et Caitlan Coleman sont caucasiens. Du bon gibier d'otages. Le premier est canadien d'origine, la seconde Étatsunienne.

Intéressons nous à Joshua un peu. Joshua n'est pas un voyageur ordinaire. En 2009, il s'intéresse obssessivement au terrorisme islamique international. Non seulement devient-il musulman, mais il se découvre un intérêt si marqué pour Omar Kahdr et sa cause qu'il fréquente son entourage et épouse la soeur de Kahdr.  Oussama Ben Laden a assisté à l'un des deux premiers mariages de la soeur de Kahdr.

On a beau plaider l'innocence de l'enfant dans le cas d'Omar Kahdr, il n'existe pas zone plus grise. Kahdr est "doute" de toutes les pores de sa peau. Son père était ardent taliban et la élevé jusqu'à ses 15 ans.

N'est-ce pas suffisant afin d'entretenir la suspicion sur la pomme tombée de l'arbre?

Bref, revenons à Joshua. De l'aveu même des parents de Boyle, leur fils est un grand naïf. En 2009, Boyle est si fasciné par le terrorisme, le contre-terrorisme canadien et les questions de sécurité face aux pieux du Moyen-Orient, qu'il peuple lui-même énormément d'informations sur wikipédia sur la question. Il prétend être l,auteur de la plupart du contenu des textes sur wikipedia se liant au terrorisme islamique. Boyle était si près de la famille Kahdr qu'il a été instrumental dans l'organisation de la grève de la faim d'Omar Kahdr en 2008. Un an plus tard, il épousait sa soeur. Ils ont vécu un an ensemble en Ontario.

Le mystère reste complet sur les motifs de divorce mais deux ans plus tard, les deux divorcent. C'est leur droit. Dès 2010, Boyle déménage au Nouveau-Brunswick. Travailleur humanitaire, il avait fait la rencontre de l'Étatsunienne Caitlan Coleman via internet, d'un an sa cadette. Ils tombent tous deux amoureux et emménagent ensemble au Nouveau-Brunswick en 2010, une fois le divorce de Boyle finalisé.

Dès 2013, les collègues de travail et son patron savent qu'il s'est converti à l'Islam et le laisse prier son Dieu quand bon lui semble (à des heures précises en fait). Jamais il n'a été question d'un séjour en Afghanistan. En revanche, souvent il a été souligné de la part de Boyle que le niveau de danger de la région est nettement exagéré. Très tôt dans leur relation, Boyle suggère à Coleman de se rendre dans ses zones de mauvaises réputations afin d'y faire du travail humanitaire et y instaurer le bien.

Ce que ces grands naïfs ne comprennent pas, c'est que du point de vue Afgan Islamique, ils sont le bien.

Le couple se rend, via la Russie, en Afghanistan, en 2012.

Ou si vous préférez, les moutons entrent dans la gueule des lions. Ciatlan est enceinte. Ils sont aussitôt tout le deux pris en otage. Comme ils sont sympathiques à la cause islamique, ils seront de bons otages, bien traités. Caitlin accouche d'un premier garçon, et elle en aura même un second en captivité. Les deux, de son mari Joshua. Elle doit toutefois porter le foulard et se soumettre aux dogmes islamiques.

Vous avez suivi la série Homeland?  Une escouade de l'armée libère un prisonnier Étatsunien de mains arabes, le ramène aux États-Unis, et on doute toute la série si il n'a pas été lavé du cerveau et converti afin de se retourner contre les États-Unis.

Comment, du point de vue Canado-Étatsunien, peut-on savoir si ces gens ne se sont pas trouvé de nouveaux amis? Du côté Afghan, tout est clair. Vous voulez les ravoir? Donnez nous quelque chose en échange. Du point de vue nord-américain, ces gens ne sont pas en danger.

Est-ce que le Canada veut Joshua?
Est-ce que les États-Unis veulent Caitlin, qui les avaient déjà quitté une première fois de toute manière?

Est-ce simple tout ça?

Pas tellement.

Écoutez Homeland, vous verrez que les avenues de danger sont multiples, une fois rapatrié.

Importerait-on la maladie?

Probablement.
Peut-être.

Voilà qui explique l'inaction face à ces deux "voyageurs".
Qui passeront Noël avec leurs nouveaux amis.

Qui ne sont pas nécessairement les nôtres.

samedi 24 décembre 2016

Chapeau!

Je n'avais jamais encore écouté Les Parents à Radio-Canada.

Il y avait trop d'unanimité autour de l'émission où je ne sais trop.
Anne Dorval peut-être, qui en fait souvent un peu trop à mon goût.

J'étais probablement trop occupé à être parent moi-même.

Reste que je suis tombé sur un épisode à la capsule qui m'a fait exploser de rire en plein début d'après-midi. La scène se déroulait comme suit:

Le personnage d'Anne Dorval s'émeut de l'heure du repas où ses trois fils s'y installent avec leur trois blondes et tout le monde s'agite entre eux sans même se soucier de la présence de papa et maman plus loin dans la cuisine. Papa rappelle à maman, que c'est joli maintenant, mais que ça deviendra compliqué avec le temps, quand viendra le moment de négocier le temps des fêtes avec toutes les familles impliquées entre autre. Ceci fait réfléchir Anne Dorval (maman) qui, en s'assoyant à table dit:
"O.K. Maintenant que tout le monde est là, j'aimerais attirer votre attention et vous dire quelque chose à tous: Noël , c'est chez nous le 24 cette année et pour les 20 années à venir."
C'est sans appel. Pas de négociations. C'est un ordre.
Stupeur générale, surtout chez les trois blondes des trois fils.

Puis Dorval me fait exploser de rire en plaçant ses mains en croix au dessus de sa tête en disant:
"Chapeau!"
Comme on le faisait enfant quand on disait une vérité soudée dans le béton.

"C'est pas moi qui y va en premier! Chapeau!"

Immaturité dans le tapis.

Cette scène, comme bien d'autres j'ai constaté par la suite, explique le succès de l'émission.
Cette scène c'est chez nous. On s'y reconnait tout de suite.

Déjà que quand les parents de l'amoureuse étaient ensemble, ce n'était pas facile de négocier le 24, lorsque ceux-ci se sont séparés, nous, habitant 273 kilomètres plus loin, il a fallu rajouter une quatrième soirée à nos visites du temps des fêtes dans le 418. Nous avions mes parents (dans le rôle de ceux qui ont presque toujours monopolisé le 24), ses parents (généralement le 25) et une autre soirée à passer entre amis entre le 26 et le 2 janvier, presque toujours deux, puisqu'au jour de l'an on se revoyait aussi entre amis.

Maintenant, on doit s'assurer 4 soirs. Cette année, ce soir sera chez le beau-frère et impliquant la belle-mère, dans nos environs. Déplacer la belle-mère pour Noël. Une première. Le 25 au soir, ce sera chez ma mère, 273 kilomètres plus loin. Le lendemain chez le beau-père, toujours à Québec et le 27 au soir, entre amis.

L'amoureuse de Monkee, notre plus vieux, ne fera pas le voyage avec nous. Elle a, elle aussi, entre 2 et 4 familles à négocier dans le temps des fêtes. À St-Felix-de-Valois, patrie de mon bien aimé Réjean Ducharme, entre autre.  Dès que 2017 se pointe, elle nous kidnappe notre fils au Panama pendant deux semaines. Ce ne sera donc pas complètement grave que ces deux-là ne se voient pas pendant 3 jours à Noël. Comme ils partent dans la nuit du 1er janvier, on ne les aura pas pour défoncer l'année. Ni même pour la commencer. Puisqu'ils reviennent le 15 et l'amoureuse et moi quittons nous-même, seuls, du 12 au 19, On aura pas notre fils pendant 20 jours.

Et 7 autres sans notre fille.

20 jours...
Sans mon fils...
7 sans ma fille...

2017 commencera vide pour le parent en moi,

Pas le droit de spleen l'an prochain!

Chapeau!

Joyeux Noël à tous ceux qui le célèbre
et passez les plus beaux moments auprès de ceux qui vous sont chers.

Faites la paix avec vous même et inondez nous de cette paix.


vendredi 23 décembre 2016

Blade Runner

J'ai en aversion les suites de film. À quelques exceptions près. Mais elles sont rares.

Les deux premiers Star Wars (1977 & 1980) et les deux premiers Godfather entre autre. Mais si je dois préciser "les deux premiers", c'est qu'il y a en a eu de trop, à mon humble avis.

Ironiquement, les deux films dont j'anticipe le plus la venue en 2017, sont des suites non calculées.

Quand je dis non calculée, c'est pour dire que lorsque le premier film a été lancé, aucune suite n'y était nécessairement prévue.

Les deux films sont Trainspotting dont le seul premier 13 secondes de la bande-annonce me donne toujours le frisson et qui sera lancé en février, et Blade Runner 2049, dont Denis Villeneuve signera l'improbable suite, 35 ans après la sortie du premier film de Ridley Scott et qui lui, sortira en octobre.

Une suite, non calculée est toujours improbable. Et c'est un exploit quand on réussit à donner un second souffle à l'inspiration du premier effort.

Blade Runner est né d'une nouvelle de l'auteur de science-fiction Phillip K. Dick: Do Androïds Dream of Electric Sheep? publiée en 1968. L'histoire racontait le monde post-apocalyptique dévasté de...1992...() où l'on tâche d'oublier le vide d'une existence vidée de ses animaux, cherchant à tout prix des lieux d'empathie comme source ultime de bien être des êtres humains parmi lesquels se trouvent des androïdes, émigrés de la planète mars, que notre héros, Rick Deckard, chasse, tout en voulant remplacer son mouton électrique par un vrai.

Martin Scorsese est l'un des premiers à s'intéresser à la nouvelle dès sa sortie en 1968. Mais ce sera l'agent littéraire (de Philip Roth entre autre), devenu producteur de film, Herb Jaffe qui en achète les droits d'adaptation cinématographiques en 1970. Il fera adapter la nouvelle par son fils, ce qui rend Phillip K. Dick si en furie qu'il se propose pour aller lui péter la gueule en personne. Vers 1977, Jaffe cède les droits et l'acteur Hampton Fancher s'en saisit. Il adapte la nouvelle et le projet est soumis au réalisateur de publicité britannique, mais qui vient de tourner son premier film. Ridley Scott. Ce dernier est plus intéressé à tourner un autre film de science-fiction qui le fera connaître du monde entier. Pendant ce temps. le scénariste David Peoples peaufine le script. Scott commence à travailler sur une adaptation de Dune, mais tout est si lent et lourd qu'il démissionne et saute dans le projet. Fancher vole le titre à une adaptation de William S. Burroughs d'une nouvelle de Alan E. Nourse.

Dick est toujours insulté de voir qu'on ne le consulte aucunement et a Hollywood en grippe. Toutefois, on lui fait parvenir le script et il s'en trouve impressionné. Quand on lui montre un univers visuel, il est encore plus impressionné et séduit et découvre que l'équipe a parfaitement compris le monde qu'il faisait naître de son imagination. Il dira avant de mourir que celui qui commence par le livre verra le film le compléter et vice-versa. Dick décède toutefois prématurément en mars 1982, avant que le film ne soit sorti.

Fancher a écrit les dialogues avec Robert Mitchum en tête dans le rôle de Rick Deckard. On courtise Dustin Hoffman longuement, mais sans succès, Dustin veut trop changer le matériel. On souhaite Hackman, Connery, Nicholson, Newman, Eastwood, Tommy Lee Jones, Schwarzennegger, Pacino ou Reynolds. Mais avec le succès de Raiders of the Lost Ark en 1981, le choix d'Harrison Ford s'impose. Celui-ci veut maintenant un rôle avec une certaine profondeur dramatique de toute manière.

Blade Runner explore le côté moralement douteux du héros, jetant des éclairages sombres au sens propre comme au sens figuré dans un décor dystopien inspiré de Hong Kong , des cours de design de Ridley Scott à l'université, du Bradbury Building de Los Angeles, de Nighthawks d'Edward Hooper, des films noirs et de Metropolis de Fritz Lang.

La facture visuelle, à elle seule, vaut tout le coup d'oeil. Saoûl mort ou sous effet psychotroniques, ce film passant en boucle, sans sons, sur un mur du fond est une sensation remarquable, dans un party.

Le film sort le 25 juin 1982 et ne fait pas l'unanimité. Il reste étouffé par la sortie de E.T. la même année.

Toutefois, il résiste au passage du temps. Et tel un bon vin, devient meilleur avec le temps. Culte, même.

Régulièrement, on le considère comme le meilleur film de science-fiction de tous les temps.

Personnellement, je le regarde facilement une fois par année.
(Et serai tout aussi mordu du film de son frère Tony, lancé l'année suivante: The Hunger)

Voilà pourquoi il me paraissait hautement inconcevable que ce film ait pu avoir une suite.
Qu'on ose retoucher le premier chef d'oeuvre.

Mais depuis qu'une bande annonce a été mise en ligne...
...j'avoue une certaine excitation, presqu'on honteuse.

Une suite à un chef d'oeuvre ne peut que diminuer la première oeuvre en général.

Mais pas tout le temps.

Je me perdrai asssurément dans une salle en octobre 2017.
(en février aussi)

jeudi 22 décembre 2016

La Bataille de Beaumont-Hamel

Décembre 1915.

Le commandant en chef des armées française Joffre souhaite une première attaque conjointe qui se ferait avec les Britanniques. C'est la Première Grande Guerre et les Allemands ont lancé une grande offensive sur Ypres, mais au cours de l'an 1915, le secteur reste calme.

En février de l'année suivante,  la bataille de Verdun précipite les choses. Le maréchal Foch, commandant des forces britanniques, offrent son aide aux Français. Mais les soldat britanniques sont peu expérimentés.

La coalition regroupera des troupes de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Canada, des Bermudes, de l'Afrique du Sud, de l'Inde Britannique, de la Rhodésie du Sud, de France et de Terre-Neuve, pas encore membre du Canada.

Le 1er juillet devrait sonner l'attaque. Dans le département de la Somme au Nord afin de les détourner de Verdun, plus au coeur de la France, là où ils gagnent du terrain. On s'attend à une faible résistance de la part des Allemands. Plus de 50 000 soldats alliés bombardent les Allemands pendant une semaine afin de briser leur ligne d'attaque qui scinde la France en deux.

Mais quand les soldats alliés sortent des tranchées, ils découvrent quelque chose qu'ils n'avaient pas prévu. La ligne offensive allemande est intacte. Le bombardement de plus d'une semaine, que l'on croyait dévastateur, ratait sa cible toute la semaine. Les Allemands n'ont jamais été plus prêts. Les alliés sont presque assiégés sur 4 kilomètres de front. La plupart des divisions sont composées de recrues. On ne pense même pas être obligé de porter un casque. En plus de rater le cible, plus du tiers des bombes larguées, ainsi que les grenades, n'ont tout simplement pas explosées lorsque lancées.

Plus d'un million d'obus dans le vide pendant 7 jours.

De plus, hors des tranchées, les armes s'enrayent. Et les soldats allemands ont des casques en acier de forme concave qui les protège là où les alliés sont carrément nus. L'équipement des soldats alliés est extrêmement lourd (36 kilos), les Allemands, sont libres de leur bras, cachés sous terre. Monter les talus est un désastre. 8 hommes sur 10 sont tués, pesants. Sur 100 mètres on perd près de 80% des escadrons en marche.

Les barbelés allemands emprisonnent les soldats alliés et ceux-ci tentent de les faire exploser avec des obus schrapnel. Sans succès, les barbelés changent à peine de couleur. L'attaque du premier jour fauche à lui seul 19 240 vies alliées, font disparaître 2082 autres, font 35 493 blessés, 585 soldats se font faire prisonniers et 57 400 sont mis hors de combat, soit 18% de toute l'armée de coalition.

À 100 mètres des tranchées alliées, les allemands ont utilisé les reliefs naturels de Beaumont-Hamel, le ravin des collines, afin d'y cacher des bataillons de 1000 hommes. Tout juste sous le nez des alliés. Les allemands ont creusé sous terre, un véritable fort d'artillerie et utilisent la colline comme rempart naturel. Comparées aux lignes allemandes, les lignes alliées sont particulièrement mal organisées.

La coalition compte pourtant 150 000 soldats.  Les Allemands sont beaucoup moins. Ce qui finira par les faire retraiter dans la durée de ce que l'on appellera la bataille de la Somme.

Mais en ce premier jour à Beaumont-Hamel, le chaos règne dans les mouvements alliés et on estime à 30 000 morts dans les 6 premières minutes de la bataille, simplement en sortant des tranchées et dont les cadavres retombaient dans leur propre tranchées. Ce fût un massacre absolu.

On comprend la mesure de la catastrophe, débutée vers 7h30 du matin, seulement autour de 14h00.
Le Royal Regiment de Terre-Neuve à lui seul perd 801 hommes sur 865m soit 92 % de son régiment.

La bataille, que l'on avait d'abord cru courte se terminera 3 mois et demi plus tard. Grâce entre autre à la première utilisation des chars d'assaut dans un conflit guerrier de cette ampleur.

Cette année marquait les 100 ans de ce désastre meurtrier, le plus dévastateur en termes de pertes non civiles, en une seule journée.

Particulièrement pour le Régiment Royal de Terre-Neuve.

Le 1er juillet dernier, le Canada, fêtait sa constitution,
le Québec ses déménagements,
et Terre-Neuve et le Labrador, ses morts vaines il y aura maintenant plus de 100 ans.


mercredi 21 décembre 2016

Plaidoyer Pour l'Hiver

Winter is coming

Cette phrase a pris un tout autre sens depuis 2011.
Depuis le succès de la série télé de HBO, Games of Thrones.

On la mentionne comme une menace sourde qui est à la fois un rappel des dangers imminents en période de conquête territoriale, à la fois source de mystère par rapports à des effets surnaturels qu'ils soient loups, morts-vivants ou dragons, et à la fois pour nous rappeler qu'à cette époque, celui qui traversait les intempéries de l'hiver, pouvait en être fier.

Au sens figuré (et fataliste) craindre l'hiver, voudrait aussi dire craindre peu importe ce qui nous attends de l'avenir.

On pourrait appliquer cette phrase aux lendemains d'une présidence sous Donald Trump.

On pourrait encore plus appliquer cette crainte phrase au marché de Noël des grandes villes du monde après ce qui s'est passé à Berlin.

Qui se risquera au marché de Noël de Paris? de Montréal? de Londres ou New York?

Personnellement, quand l'hiver se pointe (à 5h44 ce matin au Québec) je jubile. L'hiver c'est la saison où on se colle parce qu'il fait froid. La saison du hockey. La saison du Super Bowl. La saison du ski. La saison de deux semaines aussi éprouvantes que réjouissantes en décembre, mais qui généralement ont peu à voir avec le travail. L'hiver c'est la saison du carnaval. La saison de la St-Valentin. La saison blanche où la neige à gros flocons transforme la paysage d'une banlieue plate en une carte postale mémorable.

L'hiver c'est la saison du second (devenu 6 ou 7ème) Star Wars (The Empire Strikes Back). La saison d'Inside Llewyn Davis. De Mon Oncle Antoine. D'Entre La Mer et l'Eau Douce. De La Vie Heureuse de Leopold Z. De Fargo. De Shining. De St Elmo's Fire. De The Ice Storm. De Elf. De The Sweet Hereafter. De Doctor Zhivago. De Reds. Du meilleur Batman, le second (et dernier, je crois) de Burton. De The Gold Rush de Chaplin. D'Alexander Nevsky. De James Bond. Deux fois. De La Femme de Mon Pote  Du Noël de Charlie Brown. C'est Tintin au Tibet.

Vous n'aimez pas l'hiver? Dites vous que c'est aussi la saison pour ne pas se raser les jambes, mesdames, ne pas se raser le visage, messieurs, et cacher un embonpoint dans d'épais manteaux, sous d'épais foulards ou sous de gros gilets chaud. C'est la saison aux éclairages fameux. Il y a si peu de lumière et tant de variétés de la traiter, à l'intérieur d'une maison comme à l'extérieur. La lumière d'hiver me séduit parce rare ou tamisée. Et, oiseau de nuit, comment ne pas apprécier la noirceur à partir de novembre?

L'hiver c'est impossible de porter des babouches avec des bas, de porter des camisoles quand on est un homme ou de se promener torse nu vulgairement, on ne voit pas les tatoos non plus pour ceux à qui ça ruine l'oeil. Vous n'aimez pas la couleur ou la texture de vos jambes mesdames? C'est la saison des bas collants.

L'hiver c'est aussi la saison des bons films. On lance à l'automne ce que l'on croit qui soit du matériel à Oscar, et même si ce ne l'est pas. C'est souvent meilleur qu'à peu près tout ce qui est lancé dans les 8 premiers mois de l'année.

Le jour de l'an est toujours un moment magique où on baigne dans le recul nostlagique des 12 derniers mois, et où on a des visées sur 12 prochains.

Au niveau personnel, c'est la saison de ma naissance.

C'est aussi le moment même, le tout premier jour de l'hiver, d'une autre naissance. Celle de mon union avec l'amoureuse, il y a maintenant 24 ans. Aujourd'hui.

Vous pensez si j'aime l'hiver?

Winter is coming?

Thank fucking god it is!

Luv U babe.