mardi 14 mai 2024

La Bombe

On a toujours des nouveaux au travail. Et des nouvelles. En janvier, on avait aucune femme dans le bureau. Nous étions une douzaine d'employés. Nous sommes maintenant 18 et on a 4 femmes, 5 mois plus tard. Comme nous utilisions les deux salles de bain, homme et femme, un bol chacun, pendant 8 mois, au lieu d'en cochonner une seule, on en a cochonné deux. Des employés de garage, ça salit vite. L'entreprise a donc choisi de faire rénover de fond en comble les deux salles de bain. 2 bols chaque salle. 

Je vous ai parlé récemment de ce que j'imposais comme paranoïa à mon covidiot de patron. Ça fonctionne un peu trop bien. Je le sens fébrile, voire nerveux. Souvent en train de regarder au dessus de son épaule. Regardant par la fenêtre au loin dans son bureau. Comme si il appréhendait un tireur. 

Il est si tata, que lorsqu'il a envie d'aller à la salle de bain, il l'annonce toujours, même si ça fait à peu près une heure que personne ne lui a parlé. Il l'annonce comme le ferait une maturité d'enfant. "J'ai besoin de faire caca". "Avant tout ça, laisse-moi chier", "bougez-pas, je dois faire caca" et ainsi de suite. Je ne sais pas si il veut faire rire ou quoi, mais c'est toujours inadéquat. Il faisait donc caca quand il a remarqué qu'un panneau de styro-mousse du plafond était légèrement déplacé. Prenant un petit escabeau, il est monté pour la replacer et est resorti de la salle de bain affolé.

"Hey les gars ! aidez-moi!"

Personne n'a voulu comprendre qu'il avait besoin qu'on le torche où je ne sais quoi. Il a continué, agité:

"JE...JE PENSE QU'IL Y A UNE BOMBE AU PLAFOND DE LA TOILETTE DES GARS!"

On a tous pris une fraction de seconde pour enregistrer tout ça dans nos têtes. Une bombe ? Vraiment ? Quoi? Hein ?

"..en replaçant un panneau du plafond j'ai vu quelque chose qui ressemblait à une bombe, là, dans le plafond." Sa voix tremblotait. 

On s'est tous levé de nos cubicules sans trop savoir quoi faire, ni dire. Quelqu'un a finalement dit:

"Ben là, 'faut faire quelque chose!"

J'ai ajouté plus sobrement et trop calmement "Pourquoi quelqu'un aurait posé une bombe dans nos bécosses?"

"Pour se venger de s'être fait prendre à voler chez nous en décembre" a dit le covidiot patron.

Ok, cet homme avait peur pour vrai, on le voyait dans ses yeux et dans sa voix. Comme j'étais le dernier à avoir parlé, trop calmement ce qui lui a donné que je n'avais peur de rien, il m'a sommé d'aller valider ce qu'il pensait avoir vu. 

"MOI ? Mais pourqu...? Pourquoi tu penses avoir vu une bombe ? c'était écrit "bombe" dessus ?" j'ai dit, très incertain de vouloir faire la tâche.

"Il y avait comme un décompte numérique..."

Avec courage mais surtout calcul stratégique d'entreprise, j'ai donc proposé Pavlov Pavelski, un nouvel employé d'origine Russe, qui en était à sa première journée de le faire à ma place. Car après tout, si ça lui sautait au visage, ce ne serait pas un sacrifice tellement gros au niveau du staff. Moi, avec mes 7 années d'expériences...

Ça n'a pas passé. Covidiot a gémi et m'a ordonné d'aller voir si c'était une bombe plus fermement.

Je lui aurais pété la gueule, fermement. 

"Mais je ne suis pas spécialiste des bombes! Si c'en est une, serais-je capable de l'identifier comme telle, et si tel est le cas, je fais quoi je vous dis tout le monde dehors? On ne devrait pas faire intervenir une escouade..."

"C'EST TOI L'ESCOUADE HUNTER!"

Ok. J'ai monté l'escabeau. En revisant mentalement tous les noms d'oiseaux que j'aurais qualifié mon covidiot de pas intelligent à ce moment précis. Tout le monde était entassé dans un coin du bureau comme si un tireur leur avait ordonné de la faire. J'étais au haut de l'escabeau et Twit Complotiss m'a montré quel panneau vérifier, avant de se pousser comme une fille face à une araignée. 

J'ai tassé le panneau et je suis resté stupéfait. Une sorte de boule qui aurait ressemblé effectivement à une bombe, avec un décompte qui maintenant disait 5, 4, 3...

ÇA Y EST, J'ALLAIS MOURIR! EXPLOSÉ ! WHAT THE FLYNG F..."

Le décompte maintenant à zéro, après que toute ma vie me soit mentalement passé dans la tête et que mon décédé père m'ai souri du ciel la main tendue, je suis resté là, soumis au sort qui m'étais réservé et me demandant si mon cerveau éclaté irait bien loin. On ne pourrait jamais étudier le cerveau d'un parfait ambidextre qui a sauté une année scolaire "par en avant" (ma 4e année) parce que trop fort dans ses résultats scolaires au primaire, se trouvant ainsi toujours le plus jeune de sa cohorte jusqu'à la deuxième année d'Université.  

À zéro...pas d'explosion...

Toutes les chaines de toilettes ont "flushé" en même temps. Les deux de la toilette des femmes à côté et les deux de la nôtre. C'était une connerie de minuterie pour tirer les chasses d'eau de manière synchronisée. Pourquoi ils ont mis un décom...enfin...

Mon idiot de patron a pensé un complot de synchro.

On m'a laissé retourner chez moi.

Pas pour mon courage forcé.

Pour changer mes sous-vêtements. 

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