mardi 31 juillet 2018

Déni, Aveuglement, Ignorance, Voile et Viol

Les dérivés de la "fake news", une absolue plaie d'Égypte, gagnent du terrain. Les dommages collatéraux poussent comme de la mauvaise herbe.

Un immonde président aux États-Unis, lourd sur la contre-vérité, n'aide en rien.

Les 5 mots du titres sont des plantes carnivores en pleine croissance.

Il y a quelques semaine, le magazine Forbes, toujours aux États-Unis, a déclenché une petite tempête avec deux mots malheureux. Un mot, en fait. Composé.

self-made.

Il existe une réelle déconnection entre réalité et aliénation suite à un aveuglement volontaire. En commençant par le président lui-même, qui a prétendu, sans rire, qu'il n'avait pas été beaucoup aidé par son propre père qui ne lui avait prêté qu'un "petit million" pour se partir dans la vie.

Le Forbes a placé en Une de son édition sur les Femmes milliardaires, Kylie Jenner, la qualifiant de self-made billionnaire.

On lisait, ailleurs aux États-Unis, l'histoire d'une jeune fille de 21 ans qui vivant sur un salaire de 25$ de l'heure, comme stagiaire dans une firme de marketing, dont les parents paient pour toutes les dépenses entourant son téléphone cellulaire, son assurance santé, ses études en parallèle, son loyer, en plus de lui donner une allocation de 800$ par mois. Le grand-père donnerait par dessus un 300$ supplémentaire à cette même jeune fille.
Pour New York, c'est une histoire peu remarquable. Les enfants privilégiés sont fréquents. Et pas tous à New York.  Mais les gens se sont trouvés irrités par la manière dont se défendait la jeune femme de ses privilèges. "Notre chef personnel prépare des tacos dans notre retraite aux Hamptons les weekends! nous ne sommes pas si privilégiés!" disait-elle sans réaliser la poutre dans son oeil.

L'irritation est devenue insupportable quand le Forbes a utilisé les mots autodidactes concernant la fille de l'ancien Bruce Jenner (maintenant Caitlyn)et Kris Houghton, ancienne épouse du riche avocat Robert Kardashian, devenue personnalité télé, Kylie.

La réaction a été immédiate. On est pas self made quand l'argent nous tombe du ciel. On est chanceux d'avoir atterri au bon endroit, au bon moment. Comme son président.

Kim Kardashian, soeur de Kylie, l'a vite défendue en insistant qu'elle était bel et bien autodidacte. Qu'elles l'étaient toutes.
"On ne le serait pas parce qu'on est issues d'une famille qui a eu du succès? pour moi, ça ne fait pas vraiment de sens!" a-t-elle vociféré.
Pour ajouter l'insulte à l'injure elle a rajouté "Moi, Kylie, nous toutes, n'avons jamais dépendu de nos parents pour autre chose que des conseils. Mon père ne m'a jamais rien donné. Personne ne travaille plus fort que mes soeurs et ma mère!".

Ok...

Le problème repart du président. On a trouvé anodin qu'il ne parle que "d'un petit million". On s'est rendu complice d'un déni. D'un déni de la raison.

Ce n'est pas cool d'être aveuglément privilégié. C'est un absolu privilège. Une chance que la plupart voudrait avoir.
De voir des privilégiés du genre tenter de dévier leur chance vers la prouesse de s'être fait tout seul est un sacrilège moral. Un gosse de riche ne peut surtout pas s'être fait tout seul. C'est 100% inaproprié. Une contre-vérité. C'est s'étouffer avec la cuillère avec laquelle on a été élevé(e).

Les "lucky fews" ne réalisent pas toujours complètement qu'ils le sont.
Ici, ils le nient. Ils jouent les aveugles. Ils fakent leurs compétences.

Le délire illusoire que le Forbes a affiché en Une est en porte-à-faux avec tous ceux qui ont déjà volé des rouleaux de papier de toilette dans les années universitaires ou triché le nombre de bouteilles ramenées à la consigne pour 1 ou 2$ de plus dans ses poches.

C'est dérangeant de voir le vocabulaire de la survivance en société être ainsi violé et d'imaginer que cette jeune femme, payée 25$ de l'heure, + 800$ +300$ -70% des dépenses sociétaires, parlera peut-être un jour de ses années "pauvres". Où son chef faisait des tacos au chalet! Hahaha! ces maigres années...

Les formes de déni se raffinent.
Et sont pollution.

Investissons massivement dans la décontamination.
Déracinons les plantes carnivores.

Je vous parle encore d'équilibre.

lundi 30 juillet 2018

Queen

En 1968, au London Imperial College. le guitariste Brian May et le bassiste Tim Staffell veulent se partir un band et se cherchent un Ginger Baker ou un Mitch Mitchell. Ils auditionnent et engagent un étudiant dentiste, Roger Taylor et deviennent Smile.

Staffell se fera ami avec Farrokh Bulsara, un autre étudiant, né au Zanzibar, qui se fait appeler "Freddie". Très vite, il devient fan de Smile et leur suggère d'oser davantage. On découvre des affinités musicales, Freddie est engagé comme chanteur. Quand Staffell quitte pour joindre le groupe Humpy Bong, Freddie propose de changer le nom du band pour Queen. Plusieurs bassistes se succèdent avant que John Deacon ne soit le choix final.
Après avoir composé leur 4 premières chansons, le chanteur Freddie Bulsara enterre son nom et devient Freddie Mercury, en référence à une cinquième chanson  composée, My Fairy King, où Mercury chante "Mother Mercury , look what they've done to me".

Mercury, May, Taylor et Deacon joueront pour la première fois ensemble sur scène au Surrey College près de Londres. Ils ont respectivement 24 ans, 24 ans, 21 ans et 18 ans.

Élève du College d'Art lui aussi, Mercury design le logo du groupe qui comprend le nom du band et les 4 signes astrologiques de ses membres: deux lions pour Deacon et Taylor, un crabe représentant le cancer pour May, et deux vierges pour Mercury.

Le heavy metal et le rock progressif est en montée au début des années 70. Queen en profitera et sera vite signé chez EMI. Leur premier album, éponyme, sera lancé en juillet 1973. Mercury compose la moitié des chansons, May l'autre et Taylor une aussi, qu'il chante également. L'album est lourd et axé sur le métal ou le prog. On les compare un peu à Led Zeppelin. L'oreille est tendue même si l'album vend peu.
Le second album éponyme est lancé en mars de l'année suivante. On y explore davantage les différentes tonalités de voix, les harmonies, les styles de musiques variés. Mick Rock design une pochette qui fera école et sera maintes fois imitée. Queen est remarqué par son intensité et sa vigueur, vend mieux, mais pas encore beaucoup.

Le band ouvre en tournée depuis 1973. Pour Mott The Hoople. Brian May s'effondre et est diagnostiqué souffrant d'une hépatite forçant l'annulation du reste de la tournée en 1974. Ce qui pousse le groupe en studio pour enregistrer un nouvel effort qui voit le jour en novembre 1974. Sheer Heart Attack laisse tomber un peu le côté progressif et explore le hard rock, le music hall britannique, le carnaval, la ballade, le ragtime et même le style des Carraïbes. On salue l'audace. On aime. L'album vend beaucoup en Angleterre. Le groupe peut tenir des spectacles comme principaux artistes. Ils repartent en tournée.
L'équipe change de gérance, maintenant qu'ils font le tour du monde (Canada et Japon entre autre) et flirte avec Peter Grant, l'animal derrière Led Zeppelin. Mais ce sera plutôt le gérant d'Elton John qui deviendra aussi le leur.

En novembre 1975, Queen lance son quatrième album. C'est à l'époque l'album le plus coûteux à produire. On y mettra le paquet. On y ajoute humour (dans le titre de l'album, une référence à un film des hilarants Marx Brothers), Deacon y compose son premier morceau qui deviendra un single pour le band et un classique y est glissé.

Avec un clip, faisant un clin d'oeil à la pochette de Queen II, la chanson fait un malheur et sera leur premier #1. Pour 9 longues semaines. Ce sera, avec le temps, le single le plus vendu  en Angleterre , surpassé par la suite par deux singles liés à des causes, Do They Know It's Christmas et Candle in the Wind. La tournée qui suite les fait passer par l'Europe en entier, les États-Unis, le Japon et l'Australie.

On avait beaucoup composé pour l'album précédent, on retravaille alors tout ce qu'on a mis de côté pour l'album de décembre 1976. On reprend même l'idée du titre hommage aux Marx Brothers. L'album sera un très bon complément au précédent, explorant les mêmes thèmes, dans la continuité. Groucho Marx, le plus célèbre des frères Marx les invitera chez lui à L.A., en 1977. Les tournées deviennent épiques. 150 000 personnes viennent les voir. On passe des arénas aux stades.

Les Sex Pistols révolutionnent le son et l'image de la musique en Angleterre. Queen est directement visé par les attaques de la bande à Johnny Rotten sur le progressif et lyrique.

On vise historique. On compose consciemment deux chansons pour qu'elles soient chantées ad vita eternam dans les stades. Ça fonctionnera à merveille. On explore le jazz, les influences latines, le punk rock, le blues et on touche au disco. L'album est moins bien accueilli par la critique mais le public répond. Les tournées sont surpeuplées.

En novembre 1978, on lance un album dont le titre éloignera l'idée du progressif. Mal reçu lors de sa sortie, il gagnera en reconnaissance avec le temps.  Queen fait encore le tour du monde en tournée. Et jouera avec McCartney.

Les années 80 commencent en lion avec leur 8ème album. Qui contiendra deux hits majeurs, dont un suggéré comme single par Micheal Jackson et écrit par Deacon. Ce sera le seul album à atteindre le #1 en Amérique de Queen. Le groupe travaille aussi la trame sonore du film Flash Gordon, la même année.

Le groupe devient le premier d'envergure à se produire en tournée, en Amérique du Sud. En novembre 1981, c'est à Montréal que Mercury livre une de ses plus mémorables performances. Le groupe chérira ce moment sur dvd pour la postérité.

David Bowie passe en studio quand Queen y enregistre. On zigonne une chanson qui fera sensation. Mais l'album suivant sera critiqué parce que franchement trop pop. May et Taylor détestent sa conception. On sera plus rock et plus funk sur l'album suivant. Un de leur clip sera censuré, ce qui leur fera une splendide publicité. Après 10 ans de vie trop intense. Le band lève le pied.

Roger Taylor y va de projets solos. Eddie Van Halen y collabore. L'album de 1986 vend moins, même si des morceaux sont utilisés dans le film Highlander.

Entre 1987 et 1989, Brian May vit des problèmes de mariage et Freddie Mercury est diagnostiqué du SIDA. Mais on tient tout ça sous silence publiquement.

Le 14ème album de Queen est lancé le lendemain des mes 19 ans. Ce sera le dernier avec Freddie (très affaibli) vivant et le dernier aussi avec Deacon à bord. La dernière chanson du disque reste un touchant cri du coeur. 

Mercury meurt le 24 novembre 1991. À 45 ans.

Le groupe aura Paul Rodgers comme chanteur de 2004 à 2009 et Adam Lambert de 2011 à nos jours.

Made in Heaven est lancé en 1995. On retravaille alors des morceaux que Mercury avait entamé, mais jamais terminé.

Un film sur le groupe sorti au prochain halloween.

Le 31 octobre.

Je ne sais pas si c'est la prothèse dentaire, la bande annonce française ou encore la lourde et longue gestation du projet, (qui a rejeté Sacha Baron Cohen), mais ça me parait déjà plus ou moins raté...

dimanche 29 juillet 2018

À La Recherche Du Temps Perdu**********La Nausée de Jean-Paul Sartre

Chaque mois, vers la fin, je vous parle de littérature, qui a marqué ma vie, comme je le fais pour la musique (vers le milieu) et comme je le fais pour le cinoche (vers le début).

Lire c'est un peu beaucoup mon métier (de traducteur), ce n'est jamais travailler pour moi, c'est comme marcher ou respirer. C'est explorer la vie d'un autre, la vision d'un autre, l'époque d'un autre. C'est accepter de se faire transformer.

Lire c'est vivre*.

LA NAUSÉE de JEAN-PAUL SARTRE

Antoine Roquelin a 35 ans. Célibataire travaillant un ouvrage sur le marquis de Rollebon, un aristocrate de la fin du 18ème siècle, vit de ses rentes après avoir abandonné un emploi en Indochine. Il tient son journal qui sera le corps du premier roman de Jean-Paul Sartre publié en 1938. Peu à peu, il sent son rapport au monde changer. Tout lui paraît désagréable. Expliquant une certaine nausée perpétuelle. Il éprouve presqu'en tout temps, du dégoût et tente de comprendre pourquoi. Il oppose humanisme et individualisme dans ses rencontres et se désintéresse du sujet de son livre, de sa rampante bourgeoisie.

En totale crise existentielle, il pense trouver refuge dans l'imaginaire et l'écriture d'un roman.

Il veut chasser sa nausée. Trop insistante.

Quand Sartre termine son service militaire, il a 26 ans et les offres d'emplois affluent pour ce premier de classe. Il souhaite travailler au Japon, mais non, on le prendra au lycée du Havre. Il vivra l'amer quotidienneté d'une vie qu'il a toujours craint, une vie rangée. Il y vit toutefois de vifs succès. Comme enseignant, il est vivement aimé par ses jeunes élèves, même (surtout) si il secoue la vieille garde des enseignants. Il vit toutefois la vie ennuyeuse des professeurs de province. Le roman qu'il écrira, au contact de Voyage au Bout de l'Enfer de Céline,  sera principalement autobiographique. Il écrira pour exorciser son malaise intime.

Le roman calque très bien l'action au Havre (ville imaginaire Bouville dans le roman) et le journal débute en janvier 1932, moment de l'arrivée de Sartre au Lycée du Havre. Janvier-février 1932, c'est la montée des régimes autoritaires en Europe. On y trouve des allusions au parti nationaliste-socialiste des travailleurs allemands, à Hitler et au Nazis, ce qui place le livre dans un contexte historique extraordinaire. Les conséquences économiques et sociales de la crise de 1929 sont implicitement abordées, ce qui ajoute au réalisme de l'écrit. La Première Guerre Mondiale est aussi évoquée. Les tensions internationales qui commencent à se profiler entre Nazis et communistes y sont aussi mentionnées.

Sartre commence à écrire ses idées en 1930. Mais les retravaillera pendant 8 ans. Son idée d'approche philosophique disgressant de la conscience et de la contingence devient oeuvre romanesque quand il découvre Céline, George Duhamel, Kafka et Queneau. Simone de Beauvoir, son amour nécessaire, annotera toute ses réécritures de ses observations.

Le titre initial devait être Melancholia, par référence à la gravure de Dürer, mais Gaston Gallimard, qui le publiera après l'avoir fait expurger une cinquantaine de pages jugées trop populistes et/ou trop sexuelles, le convaincra de retitrer La Nausée.

Morbide mais lucide, brillant, Sartre commençait fort une carrière d'auteur formidable. À 33 ans.
Camus, ami, parfois rival, trouvera qu'il s'est arrêté à la moitié du chemin.

Moi j'ai trouvé de 249 pages d'existentialisme, c'est juste assez court, mais profond, pour faire réfléchir longtemps.

Sartre sera phénomènalement célèbre (Simone aussi), et écrira de fameux livres et pièces de théâtre dont Huis Clos, Les Mots, Les Mouches, Les Mains Sales, L'Existentialisme est un Humanisme, L'Âge de Raison, Le Sursis et La Mort Dans L'Âme. 

*Cet hyperlien est à peu près faux toutefois...

samedi 28 juillet 2018

L'Accident

Robert Lepage est au volant d'une solide locomotive culturelle depuis les années 80.  Il brille facilement. Pas juste ici, partout dans le monde. Il a scoré comme on dit. C'est un nom d'importance dans le théâtre mondial, dans le cinéma et dans la mise-en-scène en général.

Mais depuis quelques mois, c'est lui qu'on a mis en scène. Une scène agitée.

Le spectacle SLAV mettait en vedette Betty Bonifassi, retravaillant un hommage aux chants d'esclaves noirs, hommage qu'elle honore depuis quelques 20 ans déjà. Autrement et ailleurs. Le Festival de Jazz a choisi d'annuler le spectacle après quelques représentations tumultueuses, afin de taire ce qu'on trouvait être trop de bruit.

Mais ce n'était pas un bruit gratuit. Un spectacle rendant hommage aux esclaves noirs sans noirs, c'est aussi absurde qu'un spectacle rendant hommage aux Québécois, sans Québécois. Ça se fait. Mais ça frisera toujours l'iconoclasme. La problème avait été soulevé à l'interne, dans les mois qui ont précédé la production, et on avait, au final, rajouté deux choristes noires.
Rajouté.
Il était là le problème. De ne pas y avoir pensé avant, naturellement, laisse une drôle de sensation dans la bouche.

Ce problème de régie interne a gonflé publiquement et le malaise est devenu si grand, l'hostilité si intense qu'on a plié bagages.

On a tant souhaité que le peuple se lève depuis toujours, il l'a fait. Ça a fait réfléchir. Jaser. Et c'est ce qu'il fallait faire. C'est le devoir du théâtre selon moi. Des arts. Faire réfléchir. Jaser.

Lepage avait un autre spectacle dans sa besace. En collaboration avec la France, celui-là. Anna Mnouchkine et le Théâtre du Soleil. Kanata. Une vision du Canada en trois temps, dont un des segments raconte la visite au Canada du comédien britannique Edmund Kean, en 1826, et sa rencontre avec de jeunes Hurons.

En 1992, alors qu'il était directeur artistique du théâtre français du Centre National des Arts, Robert Lepage avait monté et présenté Alanienouidet, racontant ce même segment (retravaillé depuis). Ce segment avait alors été supervisé et conseillé par Yves Siou Durand, un autochtone, qui avait aussi tenu un rôle, dont le reste de la distribution était blanche.

Mais en 1992, on s'inquiétait de la bizoune de Bill Clinton.
On regardait ailleurs.  Du théâtre, ça restait du théâtre. Pour initiés.

Les autochtones savent une chose ou deux sur les initiations. La pièce Kanata doit se monter en France, avec 34 acteurs français, sous une direction, celle de Mnouchkine, française. Lepage y est associé avec sa compagnie Ex-Machina. Les autochtones d'ici se sont inquiétés du regard colonisateur français puisqu'aucun acteur autochtone n'y était impliqué. Lepage les as rencontré et on a eu une conversation de 5 heures constructives sur le sujet, semble-t-il.

Mais là aussi, on a annulé. Jeudi. On veut toujours produire, mais l'argent (nerfs de la guerre) est facilement nerveux et il a fui la production.

Le cas de SLAV est fort différent de celui de Kanata. Le premier réclamait ce qu'il a finalement eu. Une annulation complète pour ensuite faire mieux. Autrement, ailleurs. les autochtones ne réclamaient pas la fin de Kanata. Ils voulaient savoir pourquoi? Pourquoi ne jamais avoir pensé aux 33 acteurs autochtones (sinon plus) disponibles ici? Pourquoi les autochtones n'étaient pas impliqués du tout dans le projet cette fois? Robert leur a probablement dit qu'il ne tenait pas le volant tant que ça, que la France avait le projet en main, et qu'il fallait faire avec leur troupe, troupe du Soleil, mais sans autochtones.

Ça a fait du bruit. Comme un accident de voiture. Et l'argent a fui. On a annulé.

Lepage en est en partie responsable. Quand le Conseil des Arts refuse de subventionner la production, un an avant son développement, justement parce que la présence autochtone y est absente, il y a là un drapeau auquel il aurait fallu porter attention.

Ce qui n'a pas été proprement fait. Pas assez en tout cas.

Les deux causes avaient des récriminations légitimes. Les deux shows avaient aussi des failles avant même la production sur scène. Méritaient-ils la fermeture?

Dans le cas de SLAV, la sécurité et la sérénité des représentations étaient menacées. Peut-être que oui. Mais personnellement, témérairement je le concède, j'aurais bravé.

Dans le cas de Kanata, ce n'est pas 100% terminé. On tend toujours la main. Mais ce sera dur de faire, comme les rails le souhaitent en ce moment. Anna Mnouchkine ne sait même pas c'est quoi de l'intimidation, ça vous donne une idée du spectacle qu'elle compte offrir. Elle en a la conception de Safia Nolin.

Lepage est uni aux deux projets et ce qui s'est produit est comme un accident. Avec blessés léger, mais soignable.

Faudra juste mieux étudier la route quand on reprendra le volant.

On fera mieux.
Autrement,
Ailleurs.

Et c'est pas triste ni dramatique.
Ceux qui s'inquiètent des MacBeth qui devront être joués pas des Écossais ou des choeurs Grecs qui devront être Grecs ont besoin d'une petite dose de maturité émotive.

On se relève d'un accident. Lepage survivra. Meilleur conducteur.



vendredi 27 juillet 2018

Les Vrais Cas de Mindhunter

La (très bonne) série Mindhunter sur Netflix est basée sur le livre du même nom de John Douglas, qui devient Holden Ford dans la série, le premier officier du FBI à appliquer des recherches approfondies sur les tueurs en série, (dont on vit l'invention du terme vers le 8ème épisode), les rencontrant, tentant de comprendre leur manière de penser, dressant des profils psychologiques, afin de tenter de prévenir le coups. Donnant ainsi un sérieux coup de main aux traqueurs de désaxés mentaux.

Les acteurs Jonathan Groff et Holt McCallany (aidés par la suite par la charmante Anna Torv dans les développements psychologiques) rencontrent plusieurs tueurs en séries comme l'a fait Douglas et un complice dans les années 70. Tous les cas sont vrais. Certaines scènes sont même le complet verbatim de l'entrevue tenue avec les vrais tueurs en série.

Voici quelques uns des vrais tueurs exposés dans la série.

Edmund Kemper (interprété par Cameron Britton)
Le "coed killer" est un géant de 6'9, ayant tué ses grand-parents en 1964, avant de kidnapper et d'assassiner 5 étudiantes (co-locataires) et un étudiant, sa propre mère et la meilleure amie de celle-ci. Il a décapité ses victimes et a eu une relation sexuelle orale avec les têtes, incluant celle de sa mère. Il a aussi placé les mains de ses victimes comme dans un sorte de casse-tête(sans jeux de mots macabres). Il est toujours en prison, ayant eu droit d'être entendu pour une possible libération l'an dernier. Refusée bien entendu. Ce qui intrigue c'est qu'il a un quotient intellectuel de 145. Brutal. La scène finale de la série s'est déroulée pour vrai, mais dans une pièce de prison où Douglas l'interviewait, pas à l'hôpital.

Monte Ralph Rissel (interprété par Sam Strike)
L'un des plus jeunes tueurs en séries ever. Mais aussi l'un des plus méconnus. Il a commencé à l'âge de 14 ans, violant pas moins de 12 femmes, avant d'en assassiner 5 autres. Il sera arrêté pour ça 5 ans plus tard, héritant de 4 fois la prison à vie. Il a aussi un quotient intellectuel de 120! C'est par lui qu'on établit des prédispositions familiales, potentiels éléments déclencheur de psychose assassine.

Jerry Brudos (interprété par Happy Anderson)
Le "fetish killer" non seulement aimait s'habiller en femme, mais il devenait sexuellement fort excité par les souliers. Ce que les enquêteurs lui ont présenté. Il n'a jamais hésité à se compromettre sexuellement avec un talon haut, devant les agents. Il avait été arrêté pour avoir kidnappé 4 jeunes femmes et pour les avoir assassinées. Déguisé en femmes, lui-même. Collectionnant la lingerie des victimes. Il est mort en prison du cancer en 2006.

Richard Speck (interprété par Jack Erdie)
En 1966, Speck brutalise et torture 8 étudiantes infirmières dans le sud de Chicago. Il en viole une simplement parce qu'elle est ligotée à plat ventre sur un divan, le postérieur presqu'exposé, et les tuera toutes, parce que ce n'était pas leur bon soir. Seule celle qui lui avait ouvert la porte survivra, réussissant à s'échapper et à alerter les autorités pour faire arrêter Speck. Ce dernier avait un vrai tatou sur le bras disant "born to raise hell". C'est comme ça qu'on a pu le retracer facilement. Dans la série, il commence à collaborer quand on s'intéresse à son tatou, qu'il juge "célèbre". Speck est mort d'une crise cardiaque en 1991.

Darrel Gene Devier (interprété par Adam Zastrow)
Celui-là n'est pas un tueur en série, il n'a tué qu'une fois, mais c'est par lui que Douglas réussira à assoeir sa réputation d'interviewer en perfectionnant sa technique d'approche. La scène finale le mettant en vedette est un verbatim complet de la réelle séance. Devier était un émondeur privé coupant des branches d'arbres dans la rue d'une famille qui comptait une jolie jeune fille de 12 ans, trop souvent appétissante dans son costume de majorette, aux yeux de Devier, qui la kidnappera, la violera et la tuera à coups de roche. Il sera électrocuté en 1995.

Dennis Raider (interprété par Sonny Valicenti)
Le BTK killer (Bind-Torture-Kill) ne nous est pas officiellement présenté dans la série. 10 fois, en autant d'épisodes, on commence au Kansas, où on le voit errer, apprendre à faire des noeuds, brûler des photos de femmes ligotées, exprimer de la rage tout seul dans sa chambre, traîner dans des maisons ne lui appartenant pas, jamais plus qu'une minute ou deux. Toujours en ouverture. Sans dialogue. On nous prépare pour la saison 2. La première saison se termine et nos enquêteurs n'en ont pas encore entendu parler.
Un vétéran de l'armée, un leader de scoutisme, un diplômé en administration de la justice, il tue ensuite 8 femmes et deux hommes au Kansas, les attachants avec des sacs de plastique, des cordes, des ceintures, des bas nylons. Il écrira des poèmes à ses victimes et s'habillera en femmes afin d'imiter ses victimes. Il est arrêté en 2005 et sert depuis 10 sentences de prison à vie.

Évoqués, mais non vus,  aussi dans la série: Charles Manson, David Berkowitz(le fils de Sam), Vaughn Greenwood (le Skidrow Slasher), Herbert Mullin, Posteal Laskey Jr (L'étrangleur de Cincinatti) Gerard John Schaefer.

Glauque, mais fascinante série, réalisée au moins 4 fois par l'excellent David Fincher, et dont les reproductions sonores sont une belle reconstitution des années 70.

John Douglas sera derrière le premier profil psychologique du Unabomber, et changera l'histoire dans l'analyse des criminels existants et en devenir.

jeudi 26 juillet 2018

Impulsions

J'ai pas réalisé tout de suite ce qui se passait à l'entrepôt.

On part tôt le matin, on revient souvent tard le soir (15 heures de job lundi le 16) on ne voit pas toujours quelqu'un au boulot. On part très tôt le matin, seul, on conduit, seul et on ferme le soir, parfois, seul. On ne voit pas tant que ça les gars de l'entrepôt. Ceux qui remplissent nos camions ou préparent le stock afin qu'on puisse quitter tôt le lendemain.

Le gars qui avait été engagé pour s'occuper de l'entrepôt n'a pas duré. Il s'est trouvé un nouveau travail. C'est la deuxième fois que le gars avec lequel j'avais le plus d'atomes crochus quitte. Je le savais qu'il ne durerait pas dès la première semaine. Il venait travailler avec sa copie de La Peste de Camus sous le bras. Je l'avais fait rire en confondant Morel (chez Romain Gary) et Rieux (Chez Camus). On avait largement discuté de la théorie de la montée du fascisme comme métaphore de la peste d'Albert. Un type de conversation que je ne pourrais pas avoir avec les autres, aussi sympathiques braves et honnêtes sont ils.

Ce gars d'entrepôt à quitté. Annoncé un mercredi, parti le mercredi suivant. Ça a fait chier la direction. Dont le patron quittait pour ses vacances deux jours après l'annonce du départ. Ça a eu l'effet d'un camouflet sur le boss. Alors qu'on commence tous nos cycles de vacances, on fait plus avec moins. On travaille très (trop) fort.

Il fallait donc remplacer notre ancien gars d'entrepôt.

Les frères Lemieux sont dans le décor depuis toujours. Deux jeunes hommes sans grande éducation. Deux gars que d'un coup d'oeil tu peux dire "gars de garage". Des gars nécessaires qui n'ont jamais peur de se salir. Ils étaient appelés ici et là pour faire des jobs de bras. Le plus vieux, Mario, est excessivement tranquille. Je crois ne l'avoir jamais entendu parler. Sinon pour dire le strict minimum. Il ne regarde jamais personne dans les yeux, comme si il avait un lourd passé à assumer. Et à oublier. Il y a comme une tension perpétuelle dans ce regard qu'il pointe vers le sol, presqu'en permanence. Il n'est pas aussi docile qu'il le laisse montrer. On sent qu'il pourrait, en deux secondes, dégainer un coup de poing en plein visage de quiconque lui tombe sur les nerfs.

Le plus jeune, Matt, est plus énervé. Il plante non seulement son regard dans celui des autres mais pointe souvent les jointures du poing, en guise de poignée de main, pour qu'on fasse de même. Il nous accueille par un gentil "salut comment ça va?" chaque matin. Les deux gars font la job que personne ne veut faire. Les jobs sales. Dures. Les deux frères Lemieux sont des durs.

Peu après le temps des fêtes, la compagnie a fait affaire avec une entreprise qui engageait des temporaires pour , justement, le temps des fêtes. Automne/hiver, ils travaillent pour Noël, pour différentes compagnies. Printemps/été, ils travaillent pour nous.

Ils étaient engagés pour implanter du matériel en région. La compagnie se développe beaucoup. On parle même de l'Ontario et des États-Unis maintenant. Peu, à peu, les 8-9 employés engagés ont fini par quitter. Soit par choix, soit parce qu'ils étaient mauvais, soit par qu'ils étaient si jeunes qu'ils retournaient à l'école, soit parce que le travail ne demandait plus de leurs efforts. Trois sont restés. Puis deux, depuis vendredi dernier. Un chauffeur, investi de Dieu, a choisi de nous quitter aussi. Il n'a jamais eu le sentiment d'urgence nécessaire au travail de toute manière. Et ne parlait que de Dieu en tout temps.

N'en reste plus que deux. Dont un agité irlandais. Patrick Quinn. Il est impossible pour celui-ci de ne cesser de parler. Il raconte toujours des anecdotes beaucoup trop animé, des anecdotes assez anodines, de manière très (trop) expressives. Il est souvent dans l'attitude outrée. Il est plutôt étouffant. Et excessivement vif. Il est tout en impulsions.

Quand le gars d'entrepôt à quitté, il a tout de suite senti le besoin de présenter son grand frère à lui, Billy, pour le poste. La dynamique des deux frères Quinn est inverse de celle des frères Lemieux. Le plus vieux Quinn est si discret qu'il faille souvent lui tirer les vers du nez. Il a la tête d'un boxeur. Le plus jeune est une vraie girouette. Il transpire l'excès.

Le plus vieux des frères Lemieux était présenti pour le poste d'entrepôt. Il l'a occupé pendant la dernière semaine où l'autre a travaillé. Et il l'a pseudo-formé pour le poste.

La semaine dernière, Billy Quinn a traîné, lui aussi, dans l'entrepôt toute la semaine. Avec les frères Lemieux. Le petit frère Quinn, Pat, était si fier de pouvoir montrer ce qu'il pensait connaître de l'entrepôt qu'il a fait conduire à son grand frère tous les lifts (illégal) dans le premier 10 minutes. J'ai dû agir comme ritalin du moment.

Les deux tandems de frères sont composés d'une bombe et d'une tempête qui sommeille avant de sévir.

Deux, des 4, ont des noms de gens connus de l'univers du hockey (Pat Quinn & Mario Lemieux) je m'attendais étrangement à voir des gens lâcher les gants et se battre pendant la semaine.

La semaine dernière était une absurde double audition dans l'entrepôt.

Pour un boss...en vacances...

Mais il revenait cette semaine. Et j'avais oublié son propre sens de l'impulsion.
Il a limogé les 4. Et nous as amené un nouveau barbu.

Salsa Salazar.

Un hispano.

Fun.

Notre entrepôt devient un cirque.