samedi 7 octobre 2023

Solidarité Raciale

Je pourrais littéralement m'endormir dans nos réunions du lundi, au bureau. On se tord franchement le cou pour mieux s'entendre parler. On se gargarise de statistiques et de chiffres, et on rote du marketing shit. C'est souvent déplorable parce que généralement devant moi, il y a ce fier covidiot qui est mon patron, et envers qui il m'est impossible d'avoir toute forme de respect. Il est le plus nouvellement engagé des 15 membres du bureau mais étire beaucoup son statut de "Je ne sais pas ça, moi...je suis trop nouveau".

Patron étron, sais svp. "trop nouveau" c'est pas 10 mois. C'est négligent.

On travaille en double et en triple parce qu'il ne sait pas et de l'aubaine que nous étions, nous passons aux abusé(e)s qui en font trop pour trop peu. On passe notre temps à engager/réengager/former des nouveaux/nouvelles parce qu'il les choisit mal en entrevue. Il vient d'engager une jeune femme qui semble directement issue du désabusement du pont Williamsburg, à New York, quand les junkies et les suicidaires l'envahissaient la nuit avec Sonny Rollins qui pratiquait son saxophone tout près. 

Les oiseaux qui volent sous les orages, ça a un certain charme, mais on a parfois envie de soleil.

Comme nos bureaux sont dans le Nord-Est de Montréal, notre secteur est très peuplé en population à la peau noire. Notre bureau, sur 15 employé(e)s, compte même 6 humains à la peau noire. 5 gars et une Femme. Il y a ce parc tout près où, sur l'heure du midi, il fait bon se délier les jambes. Ce jour-là, je déliais les noeuds qui gardaient ma tension bien réelle dans mes nerfs et faisaient fondre ma patience.

J'ai assisté à une bataille. De jour. En plein parc. Je l'ai regardé. Comme on fait au hockey. OH! c'est pas beau les batailles, c'est pas du sport! Mais wow ! Xehaj sur Kassian ! way to go, bro ! Les batailles ont cette qualité d'accident sur lequel vous êtes forcés de zoomer. Un peu comme une masseuse qui vous ferait soudainement "un extra" sans que vous l'ayez demandé. On se dit, o.k....regardons où ça nous mène...

Je marches alors près de ce parc, et je vois cet homme blanc crier de l'autre bout du parc à un homme à la peau noire "Hey ! fucking n..oisette!"

Non.

Mais vous savez de quel mot je vous parles commençant en N. Celui qui vous fait perdre votre travail si vous enseigner à Ottawa er citer le titre d'un livre. Celui qui fait trembler dans la rue quand vous l'entendez ainsi crié. Je tremblais. J'allais mourir. Les deux premiers effets sur ma personne au mot hurlé de 6 lettres (ça se passait en anglais). 

Un homme, vivant peut-être dans un buisson, je ne sais trop, à la peau noire, en est sorti en hochant "non" de la tête. Je semblais en être l'unique témoin, je me suis dit "OH! je vois cet homme!" de manière un peu surexcité. Un film juste pour moi allait se jouer sous mes yeux. Il a pointé sa cible, le blanc qui avait crié, et a vite foncé dessus pour le plaquer comme l'aurait fait un joueur de football. 

J'avais une somme de tension en moi et par réflexe, j'ai hurlé à mon tour "GET HIM!". Je sais pas pourquoi, je voyais la tête de mon boss chez le blanc.

Mais ça m'a pris une fraction de seconde avant de réaliser que j'étais le seul autre blanc autour. Et que 7-8 têtes pas souriantes du tout d'humains à la peau noire se sont tournées vers moi. Là, j'ai vite dit "NO!". "Him! the white guy, get the white guy!" Je raffinais le message mais je ne convaincais pas. Je disais "Him! him!" en pointant le blanc, mais disait aussi "Our him!" contradisant la couleur des peaux impliquées. Ça devenait confus. Voilà pourquoi 2 ou 3 on dit "WHAT?" et "..the fuck?" de manière un peu agressée. J'ai regardé mon téléphone faisant semblant que mon attention était ailleurs, mais c'était pire, ça leur donnait l'impression que je les filmais et que j'allais ne montrer, ailleurs ensuite, qu'une agression sur un blanc. J'étais cuit. 

J'ai vite tourné les talons. Ils ont brutalisé ce blanc-bec. Et je m'en sacrais. Parce que la solidarité entre blancs n'existe pas.  Enfin il y en a une, mais elle est facile à repérer, ils portent de cagoules blanches et des torches, sont Afrikaneers, ou brandissent des drapeaux confédérés et sont Républicains, aux États-Unis. Certains germent aussi au Parti Québécois sous la parapluie identitaire. On ne veut pas de cette solidarité là. 

Je suis un peu jaloux de leur solidarité. Deux noirs en train de se battre, quelques frères interviendront. Même entre Asiastiques. On se portera volontaire pour sauver un frère, sans nécessairement connaître complètement la nature du conflit. Mais une bagarre entre blancs ? On va sortir le téléphone d'abord. On va aussi penser "Je sais pas c'est qui, je ne sais pas c'est quoi, je ne m'implique pas

La raison exacte pour laquelle mon fils avait eu une retenue au primaire. Sauf que moi je connaissais l'origine de la bagarre.

Mon fils avait été en retenue pour ne pas être intervenu dans une bataille impliquant deux autres gars de sa classe. Qui était en fait une agression de l'un des deux, mais mon fils ne connaissait pas l'origine de la bagarre. 

Puis j'ai vu le Montgomery Riverfont Brawl, en Alabama. Par hasard, au bureau. Par errance volontaire et pour mieux m'appartenir au travail.

J'ai été ému de voir des humains à la peau noire défendre et attaquer des blancs qui avaient agressé un pauvre homme à la peau noire et son aide, un adolescent de 16 ans, blanc, ne faisant que leur travail. 

4 rats blancs qui pensent avoir tous les droits ont été arrêtés pour agressions physiques. 

Et comme il n'y a pas de justice aux États-Unis, c'est réconfortant de voir qu'un paquet de gens (et bien que blanc, je me serais joint à eux) sont capable de prendre les choses en main quand il y a abus physique contre autrui. 

Je vous reviens avec un autre type de solidarité du même ordre m'impliquant, demain.

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