(Aux innocents de l'Ukraine, Russie, Palestine, Israël)
Chaque mois, tout comme je le fais pour le cinéma (dans ses 10 premiers jours) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parles de l'une de mes 3 immenses passions : La littérature.
Lire pour moi, c'est à peine travailler. C'est le prolongement de l'air que je respire au quotidien. Je lis tout le temps. Je suis traducteur. C'est donc dans la nature de ce que je fois faire, tout le temps. Je traines des livres partout, souvent à des endroits où je ne serai pas en mesure de lire. Mais y arrive parfois dans des drôles de moments.
Lire, c'est plonger dans de nouveaux mondes, explorer de nouveaux univers, parcourir des corridors mentaux, développer les siens, s'ouvrir les sens, comprendre des choses, confronter ses peurs, accepter de nouvelles perspectives, s'évader du réel, baigner dans le réel, apprendre à respirer sur le rythme d'un(e) autre.Et respirer, c'est vivre.
CATCH-22 de JOSEPH HELLER.
Dans Le Procès de Kafka, vers la fin de sa torture bureaucratique, Joseph K. est approché par un prêtre qui lui lance une étrange parabole: un homme est venu à la porte de la loi mais un gardien en bloquait l'accès. L'homme a demandé si il pouvait passer. Le gardien a dit "oui, mais pas tout de suite". L'homme s'est assis près de la porte et a attendu. Il tenta de soudoyer le gardien. Il a attendu longtemps. Très longtemps. Le gardien ne fléchissait pas. Malgré tous les cadeaux que l'homme lui offrait, il n'y avait rien à faire. Le temps a passé. L'homme attendait toujours. Devenu vieux et mourrant, l'homme lui a demandé pourquoi le gardien se comportait ainsi. Le gardien lui a répondu que la porte n'avait jamais été pour lui, mais puisque l'homme n'avait jamais pensé entrer quand même, la porte lui était condamnée pour toujours.
Joseph K. ne se trouve pas dans Catch-22 de Joseph Heller. Mais on y trouvera John Yossarian, un alter ego de Joseph Heller. (Joseph H.).
Yossarian est un officier de la US Air Force basé sur une petite île de la côte italienne en 1944. Il attend lui aussi. Il attend d'être relevé de son poste et renvoyé chez lui. Son commandant lui dit lui aussi continuellement "Pas tout de suite". Yossarian poursuit les missions de combat et son commandant lui en impose davantage. Le temps passe. Ses soldats meurent. Yossarian devient faible, irrévérencieux, sans espoir. Les règles sont absurdes, paradoxales, arbitraires, impénétrables, mortelles. Mais au moins ce décret a un nom: Catch-22.
Joseph Heller n'a écrit que 7 romans. Mais il a aussi écrit 5 nouvelles, 3 pièces de théâtre dont une adaptation de Catch-22, un épisode télé de McHale's Navy, 2 autobiographies et trois scénarios dont une co-écriture de la satire de James Bond, Casino Royale en 1967. Film pour lequel, il a refusé de voir son nom au générique. Catch-22 a été élevé au panthéon des meilleurs romans d'Amérique de tous les temps. Un livre sur la guerre, antiguerre. Lancé en octobre 1961, le livre a bénéficié du timing de moment alors que la folie de la peur communiste/nucléaire était à son sommet. Le livre a vite atteint le statut d'oeuvre culte tout en devenant une des oeuvres favorites de la contre culture Étatsunienne. L'impact de ce livre a été si important sur la société d'Amérique que l'expression Catch-22, pour dire qu'on est condamné et qu'on ne pourra pas s'en sortir, est passé à l'usage dans la langue anglaise d'ici. Heller écrit de manière unique et non conventionnelle. La narration n'étant aucunement chronologique. Sa prose est tendue, passant avec frénésie d'une situation à l'autre, d'un personnage à l'autre dans l'agitation. C'est un livre d'action. Les dialogues se multiplient et on a l'impression d'être nous-mêmes plongés en situation de guerre. Des phrases sont répétées comme des mantras à des oreilles sourdes. Comme dans toute guerre. La technique créé une forme d'absurdité déconcertante, un rythme rapprochant de la folie. Il y a des traces de Céline, Beckett et Ionesco. Les évènements décrits sont circulaires, récurrents, répétitifs, à la limite de l'exaspérant. L'action se déroule dans la campagne italienne de la Seconde Guerre Mondiale. Le danger de chaque mission est senti. Les hommes se comportent de manière irresponsables, le portrait du corps militaire est dysfonctionnel. Les victimes et les blessés s'empilent. On tente de faire du mieux avec ce qu'il y a de pire. La satire est grotesque, c'est anti-héroïque, anti-romantique, c'est nettement encore d'actualité. Vers la fin, l'horreur nous prends à la gorge.Le livre n'est pas qu'un livre sur la guerre, c'est un livre sur les parcours mentaux les atmosphères qu'on y trouve. L'ennemi n'est pas externe. L'inadéquat et le toxique, désormais importé en politique en temps de paix, déroute. Ce livre est post-moderne Apocalytpique. L'expérience d'Heller sur le terrain est palpable.C'est aussi plein d'humour. Noir.
On a tenté d'adapter en film. George Clooney a aussi fait en série télé pour Hulu. Ça n'a pas rendu justice. Mais Heller l'écrit, justice is a knee in the gut from the floor on the chin at night sneaky with a knife brought up down on the magazine of a battleship sandbagged underhanded in the dark without a word of warning.
Heller est décédé il y a 25 ans.
Son livre est toujours pertinent.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)