jeudi 20 mai 2021

Juillet 1987


 "C'est où donc qu'on l'a croisé lui?" que je demandais à un ami de jeunesse avec lequel j'ai partagé deux écoles, primaires et secondaires, ainsi que des millions d'aventures pas racontables. 

"Je ne peux plus te suivre avec ta mémoire photographique, Jones" m'a-t-il répondu. "Je pense que tu le confonds avec Bruno Lafleur". Peut-être. J'ai récemment confondu le nom du chanteur de Kiss avec un défenseur des Jets de Winnipeg et celui d'un producteur d'Hollywood décédé pour celui du #71 des Canadiens. 


J'ai aussi demandé à l'amoureuse: "dekisséksédon? on le connait comme dans "je t'ai côtoyé autrefois"

"Pas moi" a-t-elle dit. 


Puis j'ai trouvé! À 15 ans, donc en 1987, à l'été, j'ai fait un voyage échange en compagnie de Bruno Marchand, qui avait aussi autour de cet âge, un an plus vieux, ou un an plus jeune. C'était organisé avec le YMCA au coin de la rue. Des jeunes de notre âge, issus de Victoria, en Colombie-Britannique, gars et filles aussi, étaient pairés avec nous et passaient une semaine entière avec nous et nous allions faire la même chose, la semaine suivante. Dans la famille de notre "twin". C'était dans cet ordre et c'était fameux. J'y avait trouvé l'amour auprès d'une jeune blonde au nom de famille juif, qui, sous une frange faussement blonde, se prénommait Karina. Elle s'habillait tout en noir, tout le temps. Ce qui, homme de la nuit que je suis, vampire, ne pouvait que m'attirer Nous étions tous pairés avec quelqu'un de notre sexe, sauf moi. Qui avait Maria, une splendide et très intelligente jeune femme d'origine Russe. On a correspondu tous les trois longtemps après. Par écrit, sur du papier. Ancestrale tradition. 


Leur séjour avait été un séjour de découverte entre la jeunesse du reste du Canada et la nation Québécoise. Notre animatrice était obèse morbide et justement parce qu'elle n'entrait pas dans les bancs d'avion, n'avait fait que gouverner le passage Québécois sans nous accompagner quand, à notre tour, nous nous sommes rendus de Québec à Victoria. Ma soeur Janiper Juniper, qui n'a que 13 mois de différence avec moi était aussi du voyage. Nous avions donc deux "twins" chez nous, quatre filles (si on compte ma plus jeune soeur, Greenjelly, qui avait 12 ans) et moi pendant leur séjour au Québec. Ça avait rendu mon père à moitié fou. N'arrivant pas à assoeir une certaine forme de présence d'autorité dans nos bulles adolescentes. À cet âge, mon père qui vivait sa vie en accéléré, me faisait conduire la voiture régulièrement. Pressé de me voir tenir le volant. Plus que moi. Je me souviens qu'il avait fini par s'énerver quand j'avais refusé de conduire avec les twins à bord et mes soeurs. Nous avions passé un fameux temps au chalet. On avait un décor de rêve à leur offrir. Elles avaient beaucoup aimé leur séjour chez nous. Karina m'avait aimé discrètement, plus que les autres. 


Bruno était des Québécois (bien entendu), nous étions peut-être une dizaine. Avec deux autres formidables amis, on se moquait du rap et on avait composé, à 3, sans Bruno, une chanson qui allait comme suit:

"I was walking on the street, on 70 street, when suddendly I heard the beat of the Street. I said to my brother, follow me, we're gonna hit the street tonight! Keep it Up! Oh Move it Doooooooown! Keep it up! Oh Move it Doooooooooooooooown!"      

Nous étions les Pogo Boys et notre hit s'appelait The Street. Des millions de revenus jamais enregistrés pour la postérité. On nous trouvait formidables. Mais Bruno n'était pas des formidables. Il était trop émotif. Rougissant facilement et se mettant tout à l'envers pour souvent bien peu. Sans le rejeter, il se trouvait souvent en marge par lui-même. Parce que facilement bouleversable.


Rendu au moment où c'était nous qui passions à l'Ouest, j'étais maintenant en couple avec Karina. Dans les photos à bord de l'avion, Karina et moi, on s'enlace en amoureux. Et lui, était en liaison avec Annie. Une Québécoise extrêmement émotive elle aussi. Ils s'étaient connectés dans l'émotivité. Je me rappelle avoir vu Annie pleurer souvent, mais ce n'était pas la faute de Bruno. Si il était émotif, elle était nettement plus émotive et intense. Et si bouleversée par moments que elle, on finissait par la rejeter sans le vouloir complètement. Même son amie blonde et lunettée stylée, très sympathique, avec laquelle elle avait choisi de faire l'aventure, commençait à prendre ses distances d'elle en cours de deux semaines. Un soir de plaisir partagé par tous, sur un bateau, le pauvre Bruno consolait Annie qui vivait on ne sait trop quel drame intérieur encore. C'était un regard de pitié qu'on posait finalement sur le pauvre Marchand qui vivait trop d'aventures en même temps. 


PFFF! je peux bien parler! lors du dernier soir, j'avais passé tout droit le matin et presque manqué l'avion du retour à la maison. J'avais raté toutes les photos de groupe et l'urgence m'avait fait rater aussi toutes les scènes de larmes. Ce qui n'était pas une mauvaise chose en soi. Mais au retour, j'allais commencer une relation très intéressante avec Nadine, qui était de la cohorte Québécoise. Une Femme que j'ai beaucoup aimé. Gauchement. Alors pour les "aventures", j'ai pas de leçons à donner.


Au retour, l'urgence était aussi au rendez-vous. C'était le 15 juillet de cet été là. J'avais acheté, longtemps avant, des billets pour le show de Bon Jovi au défunt Colisée. Oui, j'avais 15 ans. J'avais écouté l'album 5150  de Van Halen, le premier avec Sammy Hagar comme chanteur, en boucle dans l'avion (Get higher and higher, straight up we'll climb!). Je conclurai des années plus tard que j'aimais mieux David Lee Roth et sa période au même poste. Dans l'année scolaire précédente, j'avais oscillé entre Slippery When Wet, grand succès du moment, et les deux albums précédents de Bon Jovi, 7800 Degrees Fareinheit et leur album éponyme, que j'aimais davantage. J'étais définitivement un jeune rockeur. Girls digged rockers then, I guess

"pas de trouble, Pogo Boy!"

On arrivait à l'aéroport le même jour que le spectacle et j'étais donc parti en coup de vent de Victoria, le 15 au matin et reparti de l'aéroport de Québec tout aussi en coup de vent afin de me rendre au Colisée directement. J'y avais croisé ma tante Janice, la plus jeune soeur de mon père, celle qui n'a que 8 ans de plus que moi. J'avais manqué la première partie et était arrivé tout juste pour la première chanson. Like a runaway

Merci Bruno de me faire revivre mes 15 ans. 

Tu as assurément appris à ne plus tomber en marge. 

 Souhaitons-le pour tes projets de mairie.    

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)