mardi 26 janvier 2021

La Trève


 Max portait son masque. Il n'aimait pas tout le temps ça. Il n'avait que cette phrase en tête: "ton envie de respirer nous asphyxie". Il l'avait lue quelque part. Elle était adressée à ces anti-masques et ces complotistes, largement égarés et fiers leur ignorance en ce qui concerne la pandémie. Boucar? Étais-ce ce brave Boucar qui avait encore trouvé cette phrase si bien construite? On peut se lasser de la pandémie mais pas de Boucar. 

(ni de Marc Labrèche pensa-t-il aussi). 


Et Max était très las de la pandémie. Confiné avait ses avantages. Mais aussi ses larges inconvénients. Une télé ouverte toute la journée pendant qu'il travaillait, il n'y était pas habitué. Il pouvait soudainement noter de nombreuses subtilités auxquelles il n'avait pas porté attention auparavant. Comme pourquoi annoncer Marie-Soleil Dion, Antoine Vézina et Normand D'Amours pour faire la promotion d'une série télé alors que c'est Noémie O'Farrell la plus intéressante de la série? et que le réal/la scénarisation l'a aussi pensé puisque que c'est elle qu'on voit partout dans la bande annonce, (pas du tout Normand D'Amours). Ou encore pourquoi certaines annonces utilisent le/la même artiste qu'on vient de voir dans un quiz télé, le/la même aussi qu'on a a vu(e) dans une série à venir, et le/la même pour nous demander de recycler? Pour le/la Français(e) du Plateau Mont-Royal, l'auditeur se dit-il/elle "mais ils n'ont que 3 ou 4 artistes ici!"?

Max souffrait donc du masque, du confinement, des restrictions, des gens anti-restrictions, du clivage entre les inquiétés et les pas assez inquiétés. Ça ne l'empêchait pas de travailler. Non , il travaillait de chez lui. Ça faisait même des jaloux. Il ne pouvait pas se rendre à la quincaillerie pour acheter un "panier à tuques ou à mitaines". Pas essentiel. OUI MAIS CHEZ MAX C'EST ESSENTIEL! Les mitaines, les foulards et les tuques trainent partout sans panier dans la garde-robe de l'entrée. 


En travaillant trop fort, un soir, il choisit consciemment l'après-souper pour se rendre au courrier qui n'est plus directement lié à la maison. Il s'agit d'une sorte de boîte postale aux casiers multiples, quelques 300 mètres de chez lui, petite marche qu'il trouve particulièrement agréable quand il a été confiné toute la journée. Si il était fumeur, ce serait sa bonne cigarette du jour. C'est mieux, c'est une marche de santé. Même quand il n'y a rien dans le petit casier appartenant à lui et sa famille, ça restait une belle courte marche de santé. 


Celle de ce soir là, faisait particulièrement du bien. Le Boulevard portait mal son nom. Pas une seule voiture. Le vrai désert. Comme disait Richard Bohringer, c'est beau une ville la nuit. Encore plus quand c'est si calm...OH! mais il était 20h39! IL NE RESPECTAIT PAS LE COUVRE-FEU! voilà pourquoi tout était si calme! Il revint du courrier au pas légèrement plus rapide. Afin de ne pas se faire coincer par les cochons la police.  Mais revenu dans sa propre entrée, il leva le pied. Il avait le droit d'être dehors, chez lui. Il poussa même l'affront à rester dehors quelques instants, sans raisons réelles. Simplement savourant le plein air, sans masque, dans sa propre entrée. L'hiver à pleine bouche. Pas même une musique en tête. Il souhaitait même que la police circule, qu'ils hésitent face à lui, le toise, le questionne même, afin de savoir ce qu'il projetait de faire ce soir, hors couvre-feu, dans le froid de son entrée. 


Au bout de sa rue, se pointa alors effectivement quelque chose...une tête rougeâtre. une boule. Ça ressemblait à une planète avec des petits arbres rouges dessus. C'ÉTAIT LA COVID!

Rendue plus près de son entrée, Max s'adressa à elle. Il ne trouva pas mieux que de lui demander ce que la police lui aurait aussi demandé en pareilles circonstances:


"Qu'est-ce que vous faites là?"

"La même chose que vous" dit le virus, qui parlait chinois originalement, mais qui se débrouillait fort bien dans un français cassé. 

"Moi aussi je suis fatigué de tout ça. Je fais le tour du monde tu sais. Je visite des tonnes de gens sans discriminations et nos cibles faciles ne sont pas très jeunes. Quand on réussi chez les jeunes, on ne prend pas plaisir à ce qu'on fait et réussit de faire. Mais à la guerre comme à la guerre, comme vous dites sur terre." 

(Étais-ce...étais-ce une planète?)

"Je n'ai pas mon masque" a dit Max "il est dans ma poche. Je devrais m'inquiéter de toi qui s'approche de moi?"


"Non. Pas ce soir. Ce soir je propose une trève. Je n'ai pas envie de toujours sévir. Ça use ça aussi, tu sais. Ça ne peut pas être comme ça tout le temps. On agresse, on vainc, on vainc pas, on voyage, on contamine, ça devient moralement toxique pour nous aussi. "


"Alors on fait quoi?" a dit Max, lui bottant un petit morceau de neige glacé. Le virus eu le réflexe de lui rebotter dans sa direction. Il s'en amusèrent et se firent quelques échanges du genre. Un botté vers toi, un autre vers l'autre. Un petit échauffement de soccer entre soldats d'une guerre dont personne ne voulait vraiment. 

Tout ça n'était qu'épreuve de survie de part et d'autre, après tout. Et ce soir ce ne serait que vie. Sans pièges. Candide. 

Ils avaient même chaud dans le froid. La nuit semblait ensuite, moins noire. 

Le lendemain, après s'être amusé sans dangers, les deux ennemis pourraient continuer à s'entretuer.   

Gardant en tête, ce petit moment de trêve, dans une guerre qui n'est pas encore terminée. 

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)