Chaque mois, dans ses 10 derniers jours, tout comme je le fais pour la cinéma (dans ses 10 premiers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une de mes trois immenses passions: la littérature.
Lire c'est entrer dans un monde nouveau, c'est ouvrir les vannes de l'esprit et de l'imagination. Lire c'est un peu beaucoup mon métier de traducteur. Je lis en tout temps. Souvent trop. Je prends du poids. Je disgresse. Lire, c'est s'ouvrir les yeux. C'est zoomer sur autre chose que soi. C'est accepter de plonger dans l'inconnu. Ou l'inverse. C'est comprendre les autres et aussi, parfois, se comprendre soi-même. Lire, c'est voir le monde différemment.
Lire c'est apprendre à respirer d'un nouveau souffle. Et respirer, c'est vivre.
CHIEN BLANC de ROMAIN GARY
J'ai tant aimé la plume de Romain Gary que j'ai longtemps hésité avant de vous présenter un de ses livres. Je n'arrivais pas à choisir entre Éducation Européenne, Les Racines du Ciel, La Vie Devant Soi, Adieu Gary Cooper, La Promesse de l'Aube, L'Angoisse du Roi Salomon et Chien Blanc. Ils ont tous leurs mérites et leurs raisons d'être recommandés.
J'ai finalement choisi son livre de 1970 car je crois que, 51 ans plus tard, il est encore extrêmement d'actualité.
Récit à moitié fictif d'un moment de la vie du couple Gary/Seberg, qui se sépare, dont l'action se situe aux États-Unis et en France dans les années 60 au rythme des manifestations pour les droits civiques qui sévissent dans les rues des États-Unis. Cause qui tenait à coeur à son ancienne partenaire de vie, (et à Romain en partie) Jean Seberg. Celle-ci, activiste, adopte un très joli berger allemand entrainé, pour accompagner leur autre chien, à la maison. Au début, le chien est une nouvelle addition à la famille bienheureuse, un partenaire idéal à toute la maisonnée. Intelligent, fidèle, et s'accommodant fort bien des nombreux animaux peuplant déjà la maison. Mais pour leur plus grand malheur, ils découvrent que le chien, ancien chien de la police de l'Alabama, a été entrainé afin d'attaquer les gens de race noire dès qu'il les aperçoit.
Bien qu'on leur dise qu'il soit probablement trop vieux pour être "déprogrammé", un entraîneur de chien, de race noire, accepte de relever le défi. Les conclusions de la reprogrammation ne seront pas concluantes.
D'abord une nouvelle pour le Magazine Life, puis retravaillée en récit semi-autobiographique, Gary sévit de sarcasme et d'ironie à la fois contre le racisme et à la fois contre les activistes supportant les droits des afro-américains gravitant autour de son ex-épouse. Il écorche aussi Marlon Brando. C'est une dissection de la paranoïa grandissant dont il était témoin dans la collectivité Étatsunienne. Il touche au McCarthysme et au subversives violences raciales qui font rage à ce moment. Et encore de nos jours. Que ce soit en France ou aux États-Unis. Le discours social et révolutionnaire de 1970 comprend une envie de nouvelle réalité et surtout de nouvel ordre social. Ce qui est critiqué de Gary.
Il cible le racisme, mais aussi l'activisme aveugle et le colonialisme libéraliste des personnalités cinématographiques dont Seberg et Brando ont été accessoirement victimes consentantes. Il fait face aussi, avec grand intelligence, à sa propre intolérance face à l'intolérance. Au travers du chien, Gary explore avec lucidité la question suivante " ce qui a été appris peut-il être désappris?". Il se demande aussi "combien" libre peut-on se déclarer lorsqu'endoctriné socialement.
Des sujets extraordinairement de nos jours.
Il est très dur envers certains militants noirs, certains Juifs, certaines célébrités se servant de leur nom pour donner de la visibilité aux causes. Brando et Seberg étant les deux cibles directes. Et certains membres du mouvement des Black Panthers étant, bien entendu, clairement visé aussi. Gary lui-même, personnalité publique, a souvent été une proie à tous ses gens voulant qu'il signe des chèque en faveur de telle ou telle cause.
La croisade qu'il nous propose avec Chien Blanc est, comme toujours d'une très belle sensibilité, d'une belle intelligence, et d'une exceptionnelle dimension.
Une brillante allégorie.
Comme Romain savait les signer.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)