Chaque mois, dans les dix derniers jours, tout comme je le fais pour le cinéma (dans les 10 premiers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une de mes trois grandes passions: la littérature.
Lire, c'est apprendre. Apprendre sur soi, apprendre sur les autres. Apprendre sur la vie. C'est s'ouvrir sur de nouveaux univers. C'est confronter ses acquis. C'est accepter de plonger dans des mondes inconnus. Des états d'âmes peu fréquentés ou encore c'est l'occasion de se reconnaître.
Lire c'est pas mal mon travail (de traducteur) et je lis presque constamment sans toujours m'en rendre compte. Enfin, sans pleinement réaliser que je travaille. Lire, c'est respirer différemment.
Et respirer, c'est vivre.
DON QUICHOTTE de MIGUEL DE CERVANTÈS
D'abord paru sous le titre El Ingenenioso Hidalgo Don Quixote de la Mancha, le personnage titre est un homme à la santé mentale fragile qui a lu tant de livres sur la chevalerie qu'il en devient fou. Il décide d'imiter les chevaliers d'antan et se procure d'abord une armure en carton et une monture (un pauvre cheval efflanqué), et tente de se faire adouber chevalier.
Il se présente dans une auberge pensant que c'est un château, rencontre des prostituées pensant que ce sont des nobles dames, et pense se faire adouber en montant la garde devant son armure toute la nuit.
Écrit et publié entre 1605 et 1615, en Espagne, la transformation grotesque des rites sacrés de la chevalerie en des équivalents matériels ad hoc, le livre, souvent publié en deux tomes, reflète le processus de désacralisation de la chevalerie qui avait lieu en Europe à cette époque.
Tout au long de l'oeuvre, c'est le lecteur averti, plutôt que les personnages et l'action, qui est la cible implicite du narrateur. Cervantès est le père de la littérature moderne. Il invente la forme littéraire du roman en mettant en scène le lecteur. Le livre de plus de 850 pages commence par un prologue adressé directement au lecteur fainéant et cette adresse se prolonge implicitement dans tout le premier volume, alors que ses amis tentent d'enrayer sa plongée dans la folie en brûlant tous ses livres afin qu'il ne puisse plus lire. Ce faisant, nous faisons la rencontre de toutes sortes de lecteurs et toutes sortes d'occasions de lire.
C'est en 1615 qu'il publie le second tome. Dans lequel Quichotte n'est plus le personnage qui lit, mais le personnage lu. Car nombres de personnes qu'il a rencontrées ont lu le premier volume et sont maintenant familier avec le personnage. La constante juxtaposition de cette lecture passée et une continuelle réinvention absorbent le lecteur jusqu'à la fin.
Plusieurs des thèmes abordés sont encore extrêmement pertinents de nos jours. Cervantes évoque entre autre chose du rejet islamique. Un thème totalement 2020. La dynamique du tandem Quichotte/Sancho Panza a été maintes fois répétée depuis. Le grand mince vieux pleins d'idéalisme et d'utopies et le petit, rond, mieux ancré dans la réalité. Que ce soit le Lone Ranger et Tonto, Scully ou Mulder ou encore Sherlock Holmes et Watson. Quand le livre a d'abord été publié, on le présentait comme une comédie.
Toutefois, après la Révolution Française, on a vu le livre pour ce qu'il était. Une tragédie post-chevaleresque où l'idéalisme et la quête de noblesse peuvent guider vers la folie. La mission pouvant être défaite et rendue inutile en raison d'une réalité commune.
On peut choisir d'y lire que l'individualisme pouvait avoir raison et que le société pouvait être désenchantée et complètement dans le tort. On peut y lire un vrai commentaire social.
C'est définitivement un effort titanesque qui a marqué les fondations de la littérature moderne, drôle, aventureux, narrativement intéressant, et foncièrement brillant.
Quichotte ne voit pas le monde comme il se présente, il le voit comme il se l'imagine. Et s'attaque à plus fort que lui. Les moulins à vent.
Ça peut certainement encore inspirer plusieurs de nos dirigeants.
À l'époque, son livre avait été perçu comme une folie comique écrite par un vieil écrivain raté. Cervantès avait même fait de la prison car il avait des difficultés à payer ses comptes.
Mais il a fallu reconsidérer le sérieux du propos derrière la folie.
Le réel dans l'illusoire. Le tragique du réquisitoire.
Quichotte était le fruit d'une société qui l'avait aussi abimé.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)