Lire c'est penser, prier, parler à un ami, l'écouter se confesser, exprimer ses idées, forger les siennes, écouter de la musique, suivre un rythme, vivre des moeurs, adverses ou nouvelles, découvrir de nouveaux angles, explorer de nouvelles lumières. Lire c'est marcher sur une plage de la vie s'ouvrant sur le monde et les gens qui le compose. Lire c'est apprendre la vie par les yeux, par la tête et le coeur. Lire c'est la vie des autres et la sienne aussi.
Chaque mois, vers la fin, je vous entretiens sur un livre dont l'auteur, le contenu ou le sujet m'ont bouleversé. Parfois les trois. J'essaie de vous dire pourquoi.
Je ne connais pas l'ennui ayant toujours un livre (ou deux, ou trois) en main. Lire, c'est un peu aussi mon métier.
Ça ressemble beaucoup à respirer.
THE END OF THE AFFAIR de GRAHAM GREENE.
Il a existé plusieurs Graham Greene. Il y a eu l'écrivain de thriller (The Third Man, 1949), l'entertainer (Our Man In Havana, 1958), le romancier de politique contemporaine (The Quiet American, 1955), le polémiste (The Comedians, 1966), le sérieux existentialiste religieux (The Power & The Glory, 1940). Tous ces Graham Greene méritent notre attention. The End of the Affair est particulier puisque, publié en 1951, il semble tracer la ligne entre ses romans plus "sérieux", et ses romans plus "divertissants". Il brouille aussi la piste du "roman" en soi, puisqu'il s'inspire de la vie de Greene, de l'adultère qu'il pratiquait avec Catherine Walston, ce qui place le livre dans l'autofiction.
On parle ici d'un romantisme plus ou moins sale. Greene était marié, avait une maîtresse depuis longtemps, et une amie prostituée qui l'aimait assez pour carrément l'appeler chez lui et prendre rendez-vous de temps à autre. Catherine Walston, pour sa part, était une séductrice consciencieuse qui avait à la fois une petite armée d'admirateurs, mais qui était aussi sous appel. Pendant les 4 ans de fréquentations au lit avec Graham Greene. elle a eu de sérieuses affaires avec un ministre du parti travailliste (avant de le marier), un général Étatsunien, un leader de l'IRA, tout en ayant une réserve de prêtres catholiques (au pluriel) qui acceptaient les confessions dans les draps. Tout en étant mariée au premier, bien entendu. Pourquoi se contenter des qualités d'un seul homme quand on peut avoir les atouts de tous les hommes ?
L'histoire d'adultère se situe à Clapham pendant le blitz (avant la guerre, Greene possédait une maison à Clapham). Maurice Bendrix, écrivain de deuxième ordre, veut écrire à propos d'un travailleur du gouvernement. En approchant le ministre travailliste qui est son voisin, il fait la rencontre de sa femme, vis-à-vis de laquelle il tombe follement empreint de désir et follement jaloux de l'autre. Ils ont une affaire et les huiles du moteur sont pour lui la jalousie et pour elle, la culpabilité.
Quand Bendrix est presque tué par une bombe pendant le blitz (La maison de Greene avait été atteinte d'une bombe pendant le blitz), la maîtresse choisit alors de mettre un terme définitif à leur relation. Seulement rétrospectivement, le sens de ce geste incompréhensible pour Bendrix, cet acte de réjection, trouvera une explication.
Deux ans passent et le mari de la maîtresse, ignorant tout, approche Bendrix pour lui dire qu'il soupçonne que sa femme ait une affaire avec un autre homme. Intrigué par sa naïveté, le cocu engage même un détective sur le sujet. Greene stipule très tôt dans le livre qu'une histoire n'a ni de début, ni de fin.
Greene utilisera un soigneux mélange de retour en arrière. de flot de conscience et de narration conventionnelle pour raconter la suite. Il utilisera même le journal de sa maîtresse pour tenter de comprendre et nous raconter ses états d'âmes à elle. Elle veut attraper la vérité comme on attraperait une maladie et en mourir. Le troisième homme, une figure récurrente dans toute l'oeuvre de Greene, se trouvera à être Dieu, lui-même. Sa maîtresse devenant ainsi une fiancée du christ. Cet élément de catholicisme n'a pas merveilleusement vieilli, mais le portrait d'amoureux passionné en temps de crise sociale majeure (la guerre) est tout simplement formidable.
L'intensité d'une guerre rivalise avec la violence intérieure d'une passion adultère dans ce roman.
Deux fois l'autofiction sur sa passion pour l'intouchable sera adaptée et tournée pour le cinéma.
4 ans après la sortie du livre, en 1955, avec Van Johnson, Deborah Kerr, John Mills et Peter Cushing.
Puis en 1999, mettant en vedette Ralph Fiennes, Julianne Moore, Stephen Rea et Ian Hart,
Réalisé par l'excellent Neil Jordan, celui-là.
Romantisme brutal et rendez-vous avec soi-même.
En cette ère de tricheurs, ce livre me semble toujours pertinent.
Brighton Rock (1938), The Confidential Agent (1939)
Greene était de toute les couleurs.
Toutes brillantes.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)