(À G.D.)
Avec moi tout commence toujours avec les yeux.
C'était il y a près de 20 ans. Nous étions tous les deux collègues de travail. Moi dans le bureau aux murs de pierres, le plus beau des bureaux que je n'aurai jamais eu, toi devant, dans un angle de 45 degrés, toute petite derrière une large table ingrate. Quelques fois je voyais passer ton bras. D'autres fois ta couette. Tu t'occupais de ramasser le matériel que l'on recevait. Je le commandais. Nous n'étions pas complètement une équipe car ton département n'était pas le mien, mais de par la proximité de nos espaces de travail, tes yeux bruns croisaient souvent les miens. Et quelques heureuses rares fois, tu recevais effectivement ce que j'avais commandé pour le magasin.
Nous commencions tôt le matin. Quand le soleil ne faisait que se lever. Le ciel était gris-bleu. Notre sous-sol centenaire de travail, aussi.
Tu recevais du livre, je commandais du disque. J'essayais toujours de te faire de la conversation légère. Il y avait un livre qui se titrait "meilleur que faire l'amour". Je t'avais dit, simplement pour te voir les joues rosir: "Ça, ça ne se peut tellement pas...rien n'est meilleur sur cette planète...". Tu n'avais pas osé dire quoi que ce soit. Tu avais rosi.
Peu à peu, par la force des choses, on s'était connu. Collègues. Toi en amour avec un claviériste. Tu trouvais ça poche d'être en amour avec un claviériste. T'aurais voulu être en amour avec un guitariste ou un chanteur. Moi en couple aussi. Je n'aimais pas que tes yeux, ton rire, tes traits. Ton aura.
Tu me confessais tous tes problèmes avec ton claviériste. Je ne te disais rien de ma vie amoureuse à la maison, que tu connaissais de toute manière. J'étais ton épaule de temps à autre, mais pas trop, question de ne pas envoyer de mauvais signaux. L'amitié entre un gars et une fille du même âge existe-t-elle sans désir? Ça ne nous importait peu. Tu es plus jeune que moi. Je crois ne jamais avoir eu de copines plus jeune que moi de plus d'un an ou deux. Tu es de 5 ou 6 ans ma cadette.
Tu me parlais aussi de tes parents. Rien de facile avec des parents séparés. Une mère un peu trop animée. Tu avais peur d'elle. Tu ne savais pas comment l'aborder. Je t'ai guidée parce que tu me l'as demandé.
Quand ton claviériste a échappé un bébé dans ton ventre, vous étiez trop jeunes. Vous ne vous imaginiez pas le garder d'aucune manière. Il ne voulait pas payer pour la suppression. Il disait que ce n'était pas lui. Il te prêtait des intentions. Il était lâche. J'allais t'aider de toutes les manières possibles quand il a eu honte de lui et a finalement choisi de prendre ses responsabilités. Mais personne n'était sur de rien. Surtout pas de prendre les bonnes décisions. Puis, la vie a choisi de régler ça pour vous toi. Pour vous deux. Avant un quelconque investissement où que ce soit, tu l'a perdu.
Tu perdais aussi ton amoureux dans la mésaventure. Un temps. Le temps que le poussière retombe.
Tu as voulu aller chez ton père dans le creux du 450. Je t'y ai amené. On a bu ensemble, on s'est jasé. On a mangé au resto. Une chanson à la radio nous as collé aux sens. On a beaucoup roulé dans la nuit. Dans l'hiver. On a jasé. Je t'ai reconduite chez ton père. Jamais je ne t'avais trouvé plus belle. Tu l'es restée. Quelque chose est resté suspendu dans l'air. On l'a regardé filé comme une étoile dans le ciel. L'éclairage entre nous deux avait changé.
Pratiquement dans la même semaine, tu enterrais quelqu'un de ta famille près de chez moi. Là aussi je te reconduisais sur place. Tu t'étais arrangée endeuillée. Toute en noire. La plus jolie spleen girl du 450. On allait ensuite rouler ensemble dans la nuit, juste à se jaser. Ne trahissant personne sinon l'ennui.
Sinon la nuit.
Encore une fois une chanson s'extirperait de ma radio pour venir rejoindre nos sens. Nous avions créé notre moment. Avions nous vu le jour se lever? Je ne sais plus. Nous avions, entre nous deux, une chanson. Tu la faisais jouer au bureau pour me sourire de loin. Nous étions complices.
J'avais l'impression de tellement tricher.
You could have it all, my empire of dirt.
Tu as rencontré le gars parfait. Ce n'était pas moi. Ça ne pouvait pas être moi.
Cette fois, les bébés ont trouvé le chemin de la sortie. Le coup du roi, un gars, une fille, comme nous. Ils sont l'extension de te beauté. C'est touchant de vous voir.
Ironiquement, j'emprunterais les lieux de ton ancien chez toi et tu habiterais là où je le voudrais.
Avions nous vu le jour se lever?
Étais-ce un matin gris-bleu?
Nous avons su nous dire adieu.
Tes yeux n'ont pas changé. Ils portent la folie, la tendresse, la frondeur et la bienveillance.
Recette étrange.
Bonne recette.
Tu est fêtée aujourd'hui.
Don't be hurt today.
Bonne fête, jolie ouistiti.
XxXxX
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
Certaines Conditions S'Appliquent:
Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)