J'ai été un amoureux des Stones. Précisément la période entre parenthèses dans le titre. Oh! il y a bien eu quelques moments de petites renaissances entre 1974 et nos jours, mais le meilleur des Stones pour mon oreille reste celui de Brian Jones suivi de Mick Taylor.
Rien à redire contre Ron Wood toutefois, mais dès qu'il est officiellement un Stone, la synergie du band me rejoint moins.
Voici 35 moments sonores qui font MES Stones préférés.
Et qui les racontent en quelque sorte.
As Tears Go By. 1963
Les Beatles ont lancé Yesterday et obtiennent un succès immense. Andrew Loog Oldham, gérant des Stones, leur recommande d'écrire, eux aussi, des morceaux de leurs mains. Les Stones ne seront un band qui ne fait que des reprises de morceaux blues qui leur plaisent pendant facilement deux ans. Brian Jones est celui qui tire le groupe dans cette direction. Oldham le méprise bien assez vite et suggère au tandem Jagger/Richards de composer. Ce qu'ils feront. Ce morceau est l'un des tout premiers écrit de la main de Richards et Jagger. jugé trop soft par les deux auteurs, ils n'en veulent pas. Et Oldham, quand il entend Yesterday, veut aussi y mettre un quartet classique. Mick & Keith n'en veulent pas. Ils suggèrent que leur gérant la donne à d'autres. Oldham la donnera à Marianne Faithfull, qui elle...se donnera à Mick, avant que les Stones, finalement, ne la réenregistre deux bonnes années plus tard. Et ne la place discrètement sur une face B.
Play With Fire. 1965
Le morceau est important. La face A du single est The Last Time. Et il s'agit d'un titre fameusement prophétique. Brian Jones est la principal compositeur de The Last Time. Mais ce seront Mick & Keith qui seront crédités comme les auteurs. C'est encore le band fondé par Brian Jones, mais c'est assurément la dernière fois qu'il pourrait en paraître le leader. Son riff accrocheur sera l'antithèse de ce qui sera produit sur la Face B. Le morceau dont je veux vous parler. Comme le fait Chuck Berry, comme le font les Beach Boys et bientôt les Beatles, les Stones identifient des endroits bien de chez eux (Knightsbridge, Stepney, St-John's Wood) et Brian a la main lourde sur les accords de harpe que jouera jack Nistzche au final, si bien que la chanson est signée Nanker Pheldge, un nom bidon qui veut dire que les droits seront répartis sur plus de deux paires de mains. Enregistrée la nuit avec seulement Richards, Jagger, Nitschze et Phil Spector. Ballade nocturne qui sert d'avertissement: je suis un bad boy, prends-garde.
(I Can't Get No) Satisfaction. 1965.
Bill Wyman a envie de pisser, le band s'arrête à une station service qui fermait ses portes et qui refuse l'accès à ses pouilleux. Les bad boys prennent forment. Mick, Brian & Bill pissent alors contre le mur de l'endroit. Ils seront arrêtés dans le tumulte et sous les cris du proprio ("get off my forecourt!") et sous les vociférations des bad boys (Brian: "get off my foreskin!"). Cet incident est mineur comparé à ce qui suivra dans le futur. La publicité autour de ce désordre en font le contraire des Beatles et la phrase I can't get no satisfaction montre une impatience que seuls les rebelles savent porter avec adresse. Les Stones ont les mots No Satisfaction en tête depuis des années, Brian commence à s'effacer et personne n'est certain si il prend part au morceau. Sur scène, il fait le con et joue les notes de Popeye-the sailor man, quand Keith commence le hit. Les Beatles proposent au même moment Ticket to Ride. Le morceau des Beatles est plus Dylanesque, psychédélique et intellectuel, tandis que les Stones commencent à se concentrer sur leur sujet préféré: le sexe.
The Under Assistant West Coast Promotion Man. 1965.
Les Stones sont pris en main par Allen Klein, qui les crossera pendant des années. Mick & Keith sont complices d'Andrew Loog Oldham, tandis que Jones et Wyman ne leur font aucunement confiance. Charlie s'en moque il ne veut que groover. Klein sera leur contact d'Amérique et il leur offre un chaperon du nom de George Sherlock qui guidera les bad boys en Californie. Les Stones s'amusent à ses dépens et écrivent une chanson sur lui. Jones a encore une bonne part d'écriture sur le morceau, le titre est donc signé Nanker Pheldge. Un de mes morceaux favoris.
I'm Free. 1965.
La pression est forte pour qu'un single soit lancé tous les trois mois. Get Off of My Cloud y fait directement référence alors qu'on pourrait le traduire librement par "arrête de me pousser dans le cul, je suis bien en ce moment sur mon nuage!". La Face B est toutefois tout aussi intéressante sinon plus. Un croisé entre Junior Walker et The Temptations, le morceau offre une guitare riche qui fait écho à un album lancé presqu'au même moment, lui aussi riche de Rickenbacker à 12 cordes. Mick chante une liberté qui tracera la route à suivre pour le restant de la carrière du band.
Under My Thumb. 1966
Malgré les indices de mauvaises relations que chante Mick là dessus (il parlait de sa relation avec Christie Shrimpton), les Stones sont alors au contraire tous en couple. Mick avec Marianne Faithfull, Keith avec Linda Keith, Charlie et Bill sont mariés et Brian et Anita Pallenberg sont le couple princier de tout Londres. Toutes les chansons de l'album Aftermath seront créditées Jagger/Richards, mais Brian Jones y a aussi énormément contribué créativement, (ici au xylophone) et à nouveau, il s'ostracise par rapport au reste du groupe. Il se hait dans ce groupe. Et tristement, il bat Anita Pallenberg.
What To Do. 1966
Chanson que je chante trop souvent encore aujourd'hui dans des situations, où je ne sais justement pas quoi faire. Chanson sur laquelle on entend probablement le plus la voix de Brian Jones (ba-ba-ba-ba) de toute l'oeuvre des Stones. Un feel des années 50. Léger. Agréable.
Paint It Black. 1966.
Keith trouve un riff qu'il qualifie entre le gypsy et la musique juive. George Harrison, de retour d'Inde, montre à Brian Jones la sitar qu'il s'est acheté. Jones apprend à en jouer en quelques minutes et intègre son talent dans ce morceau, sur lequel, il ne pas crédité comme co-auteur non plus (il ne le sera jamais). On y sent une touche de boléro, des teintes de psychédélisme, de yiddish et on peut même y lire du satanisme dans les mots de Jagger. Mick tire la queue d'un diable qui se pointera bientôt.
I Am Waiting. 1966.
L'élizabéthain du band, c'est Jones. Il joue ici du Dulcimer. À une époque où on entend justement de l'inspiration de folk anglais de la part des États-Unis, cette ballade est toute en beauté et a aussi inspiré un de mes réalisateurs préférés dans un de ses premiers films. On est loin du style beer & n blues des premières années, mais justement, on y découvre des Stones à cheval entre leur style habituel et l'été de l'amour. On sent que la drogue rend tout ça plus planant que le serait un numéro conventionnel des Stones. Ils font tomber les heures, placent un nouveau compas sur le temps, comme le prochain morceau intéressant le montrera à nouveau. Les descentes ne se font pas encore chez Keith ou Brian.
Out of Time. 1966.
Brian reprend du service au xylophone, joue aussi des marimbas et fait des voix en arrière. La chanson ne fait pas l'unanimité dans le band et Mick l'offre même à un compatriote sous la même étiquette qui en fera un de ses seuls succès. J'aime le soleil de cette chanson. Les Stones nous habituerons à plus obscur.
Ruby Tuesday. 1966.
Keith écrit et la musique, et les paroles de ce joli morceau accompagné à la flûte de Jones. Keith écrit sur Keith, Linda celle-là, son ancienne amoureuse qui l'a quitté pour un poète. Linda Keith/Ruby Tuesday quittera ensuite ce poète pour un guitariste gaucher, qu'elle aidera de ses contacts, à démarrer la carrière. Brian est devenue le coloriste des Stones. Il contribue si peu qu'on attend qu'il quitte le studio pour composer et on le laisse y ajouter ce qui lui plait. c'était son band après tout. On ne veut pas de confrontation. Mais Jones (et Oldham) est affreusement accro à des drogues nocives qui le rendent inutile. Il brille toutefois à la flûte là-dessus. Richards/Jones aurait dû être lu comme auteurs.
Let's Spend The Night Together. 1966.
Inspiré par une nuit avec Marianne au Motel Bristol, Mick nous chante ce qui sera un scandale ("Quoi? les jeunes font l'amour?"). Le ba-da-la-da-dap-dap-dap-la-da rappelle les chansons des années 50. La chanson étant trop suggestive, c'est sa face B qui sera privilégiée par les stations radios: Ruby Tuesday. Jones colore cette chanson-ci d'une partition d'orgue.
2000 Light Years From Home. 1967.
La chanson flotte avec hantise sous les sons de Nicky Hopkins jouant avec des cordes de piano, un son en écho suivant des bandes magnétiques jouées à l'envers qui donne l'impression que des débris spatiaux nous tombe dans l'oreille. Keith introduit un son de guitare latin, inspiré de films d'espionnage et nous sommes guidés vers le cosmos par le mellotron joué par Brian, qui laisse des traces de vapeur aérienne, comme un passage d'astéroïdes sonore. Les Stones se sont fait dire qu'ils jouent de "la musique du passé". Keith le prend personnel et se rapproche de Brian (et surtout d'Anita) et ils ne seront jamais plus proches que sur cet album. C'est l'ultime chance Jones/Richards. Mais l'album sera considéré comme un ovni dans la carrière des Stones. Et mal reçu. Trop inspiré de ce que Jones ramenait de San Francisco et pas assez...Stones. Ils produisent Their Satanic Majesties Request eux-mêmes et le regretteront. Les Beatles ont commencé une conversation musicale avec Sgt. Pepper's Lonely Heart Club Band que les Stones suivent sans le même succès.
She's a Rainbow, 1967.
La chanson qui s'ouvre sur le piano de Nicky Hopkins offre de riches textes d'un Jagger inspiré sur une des compositions des plus baroque de ce groupe de rock. Jones est encore au mellotron et John Paul Jones, bientôt de Led Zeppelin, s'occupe de l'arrangement des cordes. Tout le monde fait des voix (même les blondes des boys) sauf Charlie Watts. Psychédélique à souhait et fort joli. Andrew Loog Oldham quitte l'entourage du band en cours d'enregistrement et entre en désintox. Il ne reviendra plus jamais avec les Stones. Brian Jones non plus, dans sa tête...
Jumpin' Jack Flash. 1968.
C'est Bill Wyman qui arrive avec le morceau, mais Keith et Jagger en assureront la paternité en changeant quelque accords ici et là. Le morceau est un coup de poing aux détracteurs qui disaient que les Stones tentaient de copier les Beatles. Non, les Beatles sont devenus 4 individus, bien séparés. sur un même album blanc, tandis que les Stones, blanchis d'accusations de possession de drogue qui les ont tenus en cour et en prison depuis quelques mois, se présentent comme unis. Même si on sait que derrière, Wyman trouve la vie injuste et que Brian est presque un fantôme (il joue ici des maracas). Le producteur Jimmy Miller y est pour beaucoup dans le son "retrouvé" des Stones et, accompli batteur lui-même, il colore la technique de Charlie Watts de manière fort intéressante. Les Stones pensent avoir fait un démo, mais ce sera envoyé aux radios et ça sera un gros hit. The bad boys are back.
Street Fighting Man. 1968.
L'époque était peace & love, les fleurs et le yogi Maharishi Mahesh, mais aussi les assassinats successifs de MLK et Bobby Kennedy, Los Angeles, Chicago, Cleveland, Detroit dont les rues brûlaient. Un coup d'État se produit en Grèce. La France vit Mai 1968. La Tchécoslovaquie, le printemps de Prague. La brutalité policière s'impose dans une convention démocratique à Chicago et aussi à l'embassade des États-Unis à Londres où Mick s'y fait brasser. Il s'en inspire pour écrire une chanson de son époque. Si les Beatles seront Gandhi et Luther King, les Stones seront Malcolm X et Stokeley Carmicheal. Un seul instrument électrique sur le morceau et ce sera la base. Watts joue sur un petit kit des années 30 qui tient dans une valise. Dave Mason de Traffic y joue aussi du base drum. Brian Jones se surpasse dans l'exotisme des sons : Sitar et tamboura, qui se trouve à être une sorte de luth turque entendue vers 2:31. Martha danse dans la rue. Les stones s'y battent. La plupart des radios censurent le morceau. À tort,
Sympathy For The Devil. 1968.
Les Stones, encore chérubins lorsque trainés en cour, sont maintenant des frères de guerre. Ils sont défiants plus que jamais et cette fois, ils marchent carrément dans les pas du diable. Jones, découvrant le synthétiseur Moog et ses possibilités, demande officiellement un virage électronique de la part de tous. Ce qui est tout à fait refusé. Au contraire, on veut retourner aux racines. JLG documente l'enregistrement du morceau et met en images la grand inutilité de Brian Jones. La chanson est d'abord très funk, puis la partie funk est passée à la base. Jimmy Miller et les copines se joignent au "whoo whoo" et le diable nous devient sympathique.
You Can't Always Get What You Want. 1968.
Cette chanson, c'est surtout Mick. Et Jimmy Miller tente tellement d'arranger le morceau que Mick et lui s'entendent de moins en moins. Deux capitaines d'un même morceau. Charlie Watts est un homme très intelligent. Quand Miller lui suggère une manière de faire entrer sa batterie, Watts feint de ne pas comprendre et lui demande de le faire pour lui. Miller jouera tout le morceau. Mais surtout, ne sera plus dans la face de Mick. Al Kooper (du band à Dylan) est au piano et au cor français sur le morceau et la chorale du London Bach Choir y brille aussi. Nanette Workman (créditée par erreur "Newman") y est aussi cachée dans les voix. Comme les Beatles étirent leur Hey Jude à 7:11, les Stones donnent 19 secondes de plus à leur morceau. Brian Jones est celui qui amène Kooper en studio. Sinon il ne sert à rien sur le morceau. Pendant l'enregistrement, il lit un traité sur la botanique. En juin 1969, il est officiellement expulsé de son band.
Quelques semaines plus tard, retrouvé noyé dans sa piscine.
Honky Tonk Women. 1969.
Anita couche avec Mick pendant le tournage du film Performance. Keith. blessé. couche alors avec Marianne. Marianne & Anita ont baisé tour à tour avec Brian, Keith & Mick. Le sujet du titre est trouvé. Le généralement stoïque Charlie Watts envoie son poing à la figure de Mick pour le cocufiage. Afin de panser les plaies, la fraternité part en vacances au Brésil. Une riche dame comprend bien que ces pouilleux sont riches mais ignorent qui ils sont. Elle insiste pour qu'ils disent comment ils ont obtenu leur fortune et qui ils sont. "Give us just a hint, just a glim". "The Glimmer Twins" répond Jagger. Leur nom de producteurs est trouvé. Ils composent ensemble un morceau plus près de Bob Dylan et de son Nashville Skyline que de l'électronique que souhaitait Brian. Mick Taylor est choisi pour remplacer Jones et il complète si bien la chanson non terminée, que deux versions seront enregistrées. Celle en single (avec Taylor blues et électrique) et celle de l'album, avec des mots différents, devenue Country Honk, plus country et avec le violon de Byron Berline. Berline est introduit à Richards par Gram Parsons, une présence importante pour le futur proche. Jimmy Miller joue de la cloche de vache au début. Nanette est encore parmi celles qui chantent,
Gimme Shelter. 1969.
Alors qu'il pleut et que Keith voit des gens qui courent se mettre à l'abri, il a l'idée de ce que je trouve personnellement la meilleure chanson, toute époque confondue, des Stones. Il y aura dans ce morceau parfum d'apocalypse, Rarement auront-ils saisi le pouls de leur époque que dans cette chanson qui commence avec des voix hantées et une chute musicale qui me donne toujours des frissons. À 2:18, c'est tout simple musicalement, mais ça me chavire chaque fois. Et quand Merry Clayton s'y met avec ses hurlements de Rape, Children et Murder je suis nettement transis. Sa session de nuit avec les Stones tournera au cauchemar en lui faisant perdre son bébé. Horreur. Un mois plus tard, Altamont. L'horreur à nouveau. Pour Meredith Hunter cette fois. Charles Manson a tué le peace & love, les Stones violent et assassinent les années 60. L'album sera appelé Let It Bleed, pour bien marquer le pas entre les Beatles qui ont enregistré Let it Be (mais qui ne le sortiront qu'en 1970) et eux-même, de plus en plus teintés de sang.
Brown Sugar. 1969.
En décembre, Jagger a appris à jouer de la guitare. Il compose le riff d'ouverture et tout le morceau tout seul. Race, sexe & drogues sont au coeur du titre "cassonade" des Stones. Un de leur plus gros hits ever. Jagger s'inspire de Freddy Cannon pour l'écrire. À l'origine le titre est même Black Pussy, mais Mick se ravise. Marsha Hunt, une artiste afro-étatsunienne, allait donner naissance au premier enfant de Jagger moins d'un an plus tard, confirmant en partie, l'inspiration du morceau. Mick a 26 ans, et lance trop du sujets en même temps (esclavagisme, maître/dominant/dominé, cunnilingus, subtile héroïne) mais la chanson est pur rock n' roll brut. Mick est de plus en plus sexuel. Sur Let it Bleed il chante We all need someone we can cream on. Ici, ils sont en plein territoire de Lenny Bruce. Mick Taylor y va d'un solo qui sera remplacé par le jumeau cosmique de Keith Richards, Bobby Keys, au saxophone. Taylor devra apprendre à s'effacer devant les Glimmer Twins.
Wild Horses. 1969.
Toujours en Alabama, toujours en décembre, les Stones composent et enregistrent ce bijou. Rarement une chanson des Stones me paraîtra hivernale. Celle-là, oui. Je l'adore donc. Richards et Parsons ne sont pas seulement devenus bons amis, mais ils sont aussi, sérieux drug buddys. Parsons attire Richards vers un country qui l'avait toujours séduit de toute manière. La tendresse de cette balade est inspirée de deux émotions que Jagger a brillamment combinée. Richards est déchiré de laisser derrière son fils Marlon (d'Anita) avant de partir en tournée et écrit le refrain. Marianne Faitfull fait une fausse couche et plonge davantage dans la drogue dure, la faisant frôler la mort. Jagger parle de sa peine face à Marianne et de celle de Keith face à son fils. Et tout ça se mêle habilement dans quelque chose de très vrai parce que senti. Remarquez les participations zen-jazz, économiques et surtout les moments d'entrée et de sortie de Bill Wyman et Charlie Watts. Toujours à point. Pour épauler les deux autres qui s'ouvrent les veines. Le party a beau sévir, il y a toujours quelques éclopés. Les Stones sont sur le point de fuir l'Angleterre, les taxes veulent toucher leur part de fortune.
Can't You Hear me Knockin'. 1970.
Mick Taylor devait savourer secrètement le message du titre qu'il aurait pu adresser au reste du band (mais c'est Jagger qui trouve le titre). Keith trouve le riff d'ouverture et Charlie Watts le seconde aussitôt donnant naissance au morceau. Vers 4:38, le morceau devait en théorie finir mais Mick Taylor se sent en mode Carlos Santana et continue à jouer. peu à peu tout le monde s'accroche à son instrument et on jamme comme ça sans réaliser que ça enregistre encore. Watts essaie de donner des indices de fin de chanson à la batterie mais l'improvisation perdure. C'est Taylor qui guidera les cuivres vers une finale de jam assez délicieuse. Parfaite synergie, parfaite chimie de band.
Rocks Off. 1971.
"The sunshine bores the daylights out of me!" chantent Jagger & Richards fièrement en enregistrant la nuit, en tant qu'exilés fiscaux, dans le sous-sol humide d'un château de la Rivera, ancienne possession nazie en France. Quoi de mieux pour lancer un album double que cet accrocheur morceau ensoleillé. Mick devient de plus en plus jet set et Keith, de plus en plus accro à la drogue. Les Stones ne le crient pas mais ils vivent au dessus de leurs moyens. Klein les as volé et l'Angleterre travailliste exige 93% de taxes impayées de la part des Stones. Même si ils le souhaitaient, ils n'ont pas les moyens de payer le gouvernement. En vivant 21 mois en France, et y faisant un peu d'argent ils allègent leur fardeau fiscal. Les 21 mois sont toutefois l'épicentre d'un party qui ne finit plus. Clapton, John & Yoko, Parsons presque tout le temps, Stephen Stills, Ringo, Paul & Linda se pointeront tous au château après le mariage de Jagger avec Bianca à st-Tropez. Jimmy Miller, qui devrait être celui qui réenligne ceux qui s'égarent, sera le plus drogué du lot. Le désordre est total, Le moment sous-marin vers 2:11, qui sera suivi de la ligne citée en ouverture, représente bien l'état d'esprit des lieux. Taylor commence un solo en toute fin qui sera aussitôt étouffé par un fade out. Métaphore majeure de son rôle dans le band. Do no upstage the Glimmer Twins.
Sweet Virginia. 1971.
La formidable chanson country-folk avait été commencée entre 1968 et 1970. L'harmonica de Jagger est délicieux et suggère une ballade, mais se transforme aussi en gospel qui comprend les voix de Parsons, Richards, Taylor, Clydie King, Vanetta Fields, Shirley Goodman, Dr John et Tammy Lynn. Bobby Keys brille encore au saxophone. la batterie de Charlie offre un country shuffle rhythm aussi reconnu sous le terme "swing jazz". On imagine bien tout le monde assis dans le salon, un verre à la main, chantant le morceau lorsqu'enregistré. Esprit de commune.
Sweet Black Angel. 1971.
Écrite en pensant à l'activiste Angela Davis qui faisait alors face à des accusations de meurtres aux États-Unis, La chanson commence elle aussi à être écrite en 1970, chez Mick. Si on ne connait pas Davis et qu'on ne prête pas attention aux paroles, on ne remarque pas la position politique de Jagger sur le sujet. Il a été assez intelligent pour se donner un accent presqu'inintellegible et négroïde, mais il est clair qu'il est du côté de la belle Étatsunienne. "Well the gal is in danger, de gal is in chains, but she keep on pushin', would you do the same? she countin' up the minutes, she countin' up the days, she's a sweet black angel, not a gun toting teacher, not a red lovin' school marm; ain't someone gonna free her, free the sweet black slave, free the sweet black slave"
Ventilator Blues. 1971.
Cette chanson sera la seule fois où Mick Taylor aura un crédit d'auteur. De co-auteur. Jagger se double la voix, chaude (ayant besoin d'un ventilateur!) et animale. Nicky Hopkins au piano joue une complexe partition blues. Charlie Watts est splendide sur ce morceau et la section des cuivres de Jim Price et Bobby Keys est parfaite. C'est Keys qui des mains, montrent à Watts quand attaquer et bien que les Stones la pratiquent pour toutes leurs tournées depuis 1971, ils n'ont jamais atteint la même perfection que lors de l'enregistrement et ne la joueront en spectacle qu'une seule fois, à Vancouver, en 1972. Raw rock.
Angie 1972.
On a dit trop longtemps que la Angela de la chanson était la femme de Bowie, ce qui est faux. Angie Bowie veut beaucoup de publicité et n'en mérite pas tant. Ce n'est pas non plus la fille de Richards, elle n'était pas née alors. Mais Richards aimait bien ce nom, et il l'a gardé pour sa fille Dandelion, duquel on a exigé un second prénom plus conventionnel. Richards a alors choisi Angela (prénom que sa fille privilégiera toujours). Jagger s'inspire de sa (passée)séparation d'avec Marianne Faithfull pour écrire les paroles. Faithfull avait très certainement that sadness in her eyes quand elle a tenté de s'enlever la vie après avoir perdu son bébé. Taylor, avec sa 12 cordes acoustique, apporte une musicalité nouvelle au band. Un lyrisme qui contrebalance le rock brut du band. Et qui restera inégalée.
Doo Doo Doo Doo Doo (Heartbreaker). 1973.
En avril 1973, la police de New York se méprend sur l'identité d'un père et son fils (noirs) de 10 ans et les pourchassent, armes à la main. Ceux-ci prennent panique et fuient dans un parc jusqu'à ce que l'un des policiers tire dans le dos de l'enfant et que la balle lui transperce le coeur. Les policiers blancs seront (bien entendu) acquittés. Jagger s'en inspire pour écrire son morceau. Le magnum .44 est maintenant dans le jargon populaire avec le succès du film Dirty Harry et Jagger ne manque pas d'associer ce que les gens trouvent cool à sa musique. L'autre vignette parlant d'une jeune junkie de 10 ans, mourant d'overdose à Hollywood, n'est que construction narrative d'une Amérique jugée violente par les Street Fighting Men. Mick Taylor est le principal guitariste sur ce morceau, utilisant un Leslie Speaker et une pédale wah-wah. Keith Richards est à la base et Billy Preston est aux claviers. Bobby Keys, Jim Price et Chuck Findley sont aux cuivres. Watts à la batterie.
Dancing With Mr D. 1973.
Sur l'album Goats Head Soup, Mick et Keith prennent leur distance. Mick vit de plus en plus comme une star, à New York et dans les clubs les plus cools, tandis que Richards implose dans la drogue. Parfois on les entend se séparer l'un de l'autre sur le même morceau. Comme sur celui-ci. Je croyais à l'origine que Jagger parlait de D comme Drogue ou Devil, mais il parle plutôt de la mort (Death) qui n'est de toute manière pas étrangère aux deux autres. L'album est l'un des plus sombre des Stones, ce morceau, qui ouvre le disque, en fait foi, Keith répète le même riff tout le morceau, Taylor crée en parallèle avec brio et jouera aussi de la base. Non crédité de ses contributions, il ravale sa fierté, mais ça ne pourra pas durer.
Mick joue encore avec le sexe utilisant ici le terme rock pour...vous savez quoi. Il débute avec une voix sauvage et animale et dès la 30ème seconde on change de tempo pour un boogie. Taylor est encore le guitar hero tandis que Richards est à la base. Y allant même d'un solo. Mais l'énergie vient de Jagger à la voix et de Watts à la batterie. Mick invente le Angry fuck. Great jam.
It's Only Rock'n Roll (But I Like It). 1973-74.
Keith et Anita sont avalés par la drogue. Ils ont ennuis par dessus ennuis et la justice fait son devoir et s'en mêle. Mick tente de tenir le band ensemble, Mais ironiquement, la chanson titre du prochain album sera la chanson créée avec le moins de Rolling Stones ever. Jagger se rend chez Ronnie Wood, des Faces, et y enregistre un morceau pour Woody dans son studio personnel. Il le fait avec Kenney Jones. des Faces lui aussi. Willy Weeks et David Bowie dans les voix qui chantent But I like it! Jagger est fort excité et amène le morceau au band. Keith efface l'existence sonore de Bowie et Weeks et y place ses sons à lui et à Taylor. Watts ne veut pas qu'on efface la part de Kenney Jones, il la trouve parfaite. Wyman n'y sera pas du tout. Richards garde toutefois la section de 12 cordes de Ron Wood. Celui-ci est déjà un Rolling Stone avant l'heure. Mick, après 10 ans de création dans son band, lance, (avec humour-Charlie Watts qu'on oublie assis et qui sera à moitié noyé dans le clip) que ce n'est du rock, les amis, mais j'aime encore ça.
Dance Little Sister. 1974.
Mick écrit sur sa sexy Bianca qui fait la fête avec lui dans les nuits de Trinidad. Ce numéro de danse nihiliste offre une guitare enragée de la part de Richards et de bonnes envolées de la part de Taylor. Alors que le disco frappe à la porte, les Stones réagissent avec un morceau de rock de style fin de nuit dans les bars. La combinaison drum & guit en ouverture frappe presque de manière punk. Intemporel morceau.
Fingerprint File. 1974.
Premier et presqu'unique indice disco dans l'oeuvre des Stones, Jagger y joue une guitare, funky, presque jazzée. Mick Taylor est tout simplement brillant à la base. Richards utilise la pédale Wah wah pour sa guitare ce qui donne un autre effet magique. Bill Wyman est aux claviers qui sont merveilleusement bien appliqués sur le morceau. Les propos de Jagger font référence à sa frustation à l'égard du gouvernement Nixon qui faisait enregistrer par le FBI et fichait alors tout ce qui lui semblait subversif, Un peu comme les soviétiques. Le grain de la guitare me plait beaucoup.
Time Waits For No One. 1974.
Avec cette chanson, Mick Taylor montre ce qu'auraient pu devenir les Stones. Un band beaucoup plus lyrique qu'ils ne l'auront jamais plus été. La chanson brisera le coeur du jeune Taylor puisque que c'était tout lui (et Jagger) et qu'elle sera crédité faussement Jagger/Richards. Il quittera le band, humilié. Un geste d'un grand courage qui me vaut une admiration éternelle pour le prodige.
L'influence latine du morceau est issu d'un voyage de Taylor au Brésil. La virtuosité de sa guitare semble relever le jeu de Nicky Hopkins au piano qui a le diable dans les doigts. Jagger choisit de préserver l'unité du tandem avec Richards, contre un guitariste désenchanté et ça lui coûtera le meilleur band de rock au monde.
18 avec BJ, 17 avec MT
Les Rolling Stones ont annoncé un nouvel album (un 22ème studio) pour cette année.
(Veuillez pardonnez le passionné qui s'étire..)
It's only rock.n roll, but I like it...
Wow! Ce long billet sur un de mes groupes préféré est une vrai encyclopédie. Merci Jones!
RépondreEffacerAvec un Jones, You CAN Always Get What You Want :)P
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