jeudi 7 avril 2016

Ce Ne Sera Pas Long

(à J.L.)

Il n'existe pas de phrases plus fausse au monde.
Toute personne qui la mentionne promet inévitablement l'inverse.

Mes enfants me la servent toujours. Quand je dis que le souper est prêt et que 35 minutes passent sans que personne ne se pointe dans la cuisine, ce moment a toujours été précédé d'un "ce ne sera pas long".

J'ai été à la clinique récemment. Quelle expérience horrifiante que de se rendre à la clinique de santé du quartier. Il s'agit assurément d'une des choses que je déteste le plus faire. Premièrement quand on y va, ce n'est jamais pour se faire dire "Vous êtes en parfaite santé M,Jones!". C'est toujours parce que vous, ou un de vos proches, a un problème de santé.

C'était mon cas ce matin là. Rien de grave, mais des choses que je peux communiquer à mes enfants et je ne veux pas prendre de chance. Je me dois, en père responsable, de consulter. Je me suis donc pointé un matin vers 6h15 à la clinique santé du coin. Il y a avait déjà foule, massée devant une porte close qui n'ouvrirait qu'une heure plus tard. Sur le coup j'ai pensé qu'on lançait un nouveau Iphone et que c'en était la file.

À l'intérieur, c'est toujours le gong show. J'ai pris un #, comme on fait toujours, pour que l'on puisse être appelé de vive voix, pas avant 8h00, par une dame jamais pressée, qui elle, nous enregistrera et nous donnera un autre #, qui lui, nous mènera au docteur. J'étais le #370. Ça commençait à 1...

 Vers 8h30. J'avais donc absolument le temps de retourner chez moi et de faire plein d'autre chose en revenant périodiquement pour voir quel # les docteurs étaient en train de servir.

En quittant, sachant que mon nouveau # était le 76, j'ai croisé une des deux docteurs qui entrait travailler. pourchassée, comme on pourchasserait Justin Bieber pour un autographe, par trois paparazzis futurs patients qui tentaient de leur expliquer leurs problèmes sur le fly.

Surréaliste.

Je devais acheter des gugusses à l'épicerie. Du manger et de la litière pour le chat. Choses devenues excessivement compliquées à acheter maintenant qu'elle approche ses 20 ans. Elle ne prend pas plusieurs sortes de bouffe (pas de fancy feast, pas de sauce, pas de flocons) et ne prend pas non plus tout ce qui a du poisson dedans, les cannettes vertes ou bleues, je ne sais plus, donc je n'achète ni l'un, ni l'autre et lui prend toujours une vingtaine de cannes, d'à peu près trois variétés.
Je n'ai pas pu faire autrement que constater, en trois épiceries (parce qu'elle ne prend n'importe quelle litière non plus), que CHACUNE des trois épiceries, de compagnies différentes, étaient en cour$ de $érieu$eS rénovation$. Oh! pa$ de$ rénovation$ néce$$airement Nécé$$aire$, des UPGRADE$!!!

Les épiceries sont si riches depuis qu'ils nous volent qu'ils se paient de nouveaux patios!
La deuxième chose à constater est que IGA ne baisse PAS ses prix tel qu'on l'indique partout. Ils vendent toujours leur boîte de biscuits à 2$ alors que le prix "régulier" était à 4,99$. C'est le prix "régulier" qui change à 3,50$...maintenant réduit à 2$... ne changeant royalement rien à nos portefeuilles.

Nous prennes pour des imbéciles...

Parlant d'imbéciles, quand je suis retourné dans la clinique, il n'y avait plus de places assises (sur 400) j'ai donc lu debout. J'ai l'habitude de lire dans le bruit. le chaos, la rue, dans la nuit, en pleine guerre, en faisant l'amour, dans la douche, mais pour une raison que je m'expliquais pas, il y avait ce vieux monsieur de 84 ans qui parlait sans arrêt, trop fort, trahissant une solitude certaine, et qui avait fait le tour de ses 84 ans oralement, les racontant à une pauvre jeune fille enceinte qui, pour sa part, était très gênée d'avoir à répondre à voix (trop) haute qu'elle était sur place pour des problèmes urinaires, ce qui me déconcentrait affreusement.
Il a même poussé l'effronterie jusqu'à entrer par lui-même, là où s'était interdit, pour dire à un docteur (qui n'était pas le sien) "Quand vous êtes prêt!" pour mettre fin à son impatience.

Il n'était pas seul.
Plusieurs comme toujours, ne savent pas comment fonctionne la gratuité de la santé au Québec.

Ça sera pas long.

Certains ont fait semblant qu'ils avaient déjà des rendez-vous de prévus.
("Ben oui, elle m'a dit de revenir la voir demain matin! ce matin!")
D'autres qui voulaient une urgence pour leur enfant qui sera redirigée à 16h50.
Une qui s'est chicanée avec les gens de son travail.
"OUI JE L'AVAIS DIT À JUDITH QUE J'ÉTAIS AU DOCTEUR CE MATIN! je sais maintenant que je ne pourrai pas arriver au bureau avant 15h! faudrait que Judith le fasse à ma place ELLE PARLE TU CONTRE MOI LÀ?..."
Le naïf boomer qui ne veut pas attendre du tout et qui tente d'expliquer qu'il est stationné en double et que son # 96 est plutôt le #69 (suck me, dick, get in line)

J'ai eu le temps de finir mon livre, finalement. 229 pages, et ai même risqué de perdre mon rang (et mon stationnement dehors) pour retourner chez nous, me prendre un autre livre, et revenir le lire,

Debout encore.

Et maintenant stationné dans un autre code régional.

Je suis passé devant la docteure qui a à peu près 15 ans de moins que moi et qui a encore poussé l'insulte en me disant "avez vous un médecin de famille?"

POUR MA GÉNÉRATION ÇA N'EXISTE PAS!!!

Pas assez payant. J'en ai eu trois dans ma vie, l'amoureuse deux, mon fils trois aussi, ma fille une seule, TOUS nous ont largué à un certain moment pour des raisons obscures, mais qui nous rappelait qu'on avait jamais à faire avec eux ou presque. Donc qu'on était gouvernementalement pas assez payant.
Quand j'ai pris le rendez-vous pour la consultation ensuite, j'ai demandé si ce rendez-vous me faisait vivre un processus différent ou faire faire une file différente aussi la prochaine fois.

"Bien entendu, la file là-bas, comme quand vous venez voir VOTRE docteur" m'a -t-elle dit.

C'était comme si on m'avait parlé une autre langue.

Je n'ai pas dit "C'est quoi ça, voir SON docteur" mais je l'ai pensé.
C'est une réalité inexistante dans nos vies de génération X.

Il existe DES docteurs, mais un docteur pour soi, dit familial, ça n'existe tout simplement pas.

Je ne veux pas être fataliste, mais X, c'est aussi pour dire "Je t'élimine".

Je me suis éliminé des lieux vers 16h02. Y était entré à 6h51.

L'amoureuse était contente, j'avais une prescription pour ce problème préventif mineur.

Moi j'étais sombre. Je déteste les cliniques. Je déteste tout le processus.

Ça me scrappe le moral.
Mais je me soigne.

Ça ne sera pas long.

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)