mercredi 20 février 2013

Pivoine de Ville

C'était chaque fois comme atterrir dans une pub télé de Tim Horton.

De multiples inconforts de toutes parts.
Et une envie de se battre à la fin, même si on était violent comme une pivoine.

La famille Grégoire, celle de son chum, ne rendait jamais Sabrina très à l'aise. Chaque été depuis qu'elle sortait avec Eric, se réunissaient les 9 frères et soeurs Grégoire, leurs enfants (dont Eric) et maintenant les petits-enfants, pour la grande fête des Grégoire sur le terrain de l'un d'eux sur la Rive-Sud de Québec. Tous les frères et soeurs, avaient été élevés à Joly, et seul le père d'Éric avait, non seulement choisi de passer sa vie d'homme marié ailleurs que sur la Rive-Sud de Québec mais en plus, il avait habité Montréal-la-méchante et y était resté avec sa petite famille, comprenant Éric, son fils unique, maintenant amoureux se Sabrina depuis 10 ans. Et depuis trois ans, eux-même néo-parents.

Nécessairement ces gens ne voyant/fréquentant pas autant que les autres, se connaissaient moins.
Eric et Sab étaient toujours un peu en retard sur les cousins/cousines, belles-soeurs/beaux-frères, qui eux, se connaissaient beaucoup trop bien. Sab ne savait jamais quoi discuter en leur compagnie. Avec Violette, une cousine de 26 ans, elle l'avait appelée par erreur trois ans de suite Violaine, ce qui avait finalement fini par irriter profondément la fille au prénom de couleur qui maintenant l'évitait. Régis, le chum d'une cousine à Éric, extrêmement bruyant à la limite du manque de savoir-vivre, était une fois entré  en bedaine dans la salle de lavage où se tenait le bol de punch en hurlant: C'tu ici que l'party est pogné? pour tomber sur la fragile Sabrina qui se servait seule, un verre et avait sursauté en en reversant un peu. Régis avait bredouillé une excuse et était reparti en fermant la porte comme si il avait surpris quelqu'un aux toilettes. Ça avait frappé Sabrina. N'avait-il pas pu lui dire un mot, un seul, ne serais-ce que pour continuer à rigoler? Était-elle à ce point au banc dans cette famille?
Richard, un autre cousin dans la vingtaine était de toute évidence gay. Très manièré, il avait jasé longuement il y a 5 ans de son désir de suivre des cours de danse, puis l'année suivante de sa passion nouvelle pour une série télé que Sabrina avait comprise avec le recul qu'il s'agissait de Glee, puis il avouait être incapable de se passer des chroniques d'Hugo Dumas dans la Presse. Jamais, Richard n'était accompagné et personne ne s'en formalisait car tout le monde au fond, savait. Quand il avait demandé à Éric et Sabrina de l'inviter dans leur apart de la rue Logan, ils avaient compris que le fait que cet appartement soit situé en plein coeur du village gay n'était pas innocent.

Suite à un été trop chargé pour tous, la réunion familiale aurait lieue en hiver, à la cabane à sucre à Marcel.

Cette fois, avec un bébé de 3 ans comme carte de jeu , Sabrina était déterminée à changer le regard de cette foule de gens trop familiers entre eux et pas assez avec elle. Toutefois, les mononcles qui devenaient muets d'admiration quand elle portait des petites robes d'été lorsque la fête se tenait en juillet, allaient, avec les seins de Sab légèrement gonflés post-acouchement, rester les mêmes en hiver. Elle savait que ce regard-là, au sens propre, ne ferait que s'accentuer et en se penchant pour se servir du bouillon-à-Berthe, elle avait senti facilement 3 paires de yeux masculins d'un autre âge plonger vers les sillons de sa poitrine.

La fille de la ville n'était pas arrivée en milieu rural sur n'importe quel cheval. Son chum et elle s'étaient achetés une Mazda CX-7 neuve qui suscitait l'admiration de tous et étrangement, c'était elle qui avait été coincée à parler des qualités de la voiture aux membres de la famille intéréssés, attirant l'attention sur la voiture en allant chercher un accessoire pour bébé alors qu'Éric socialisait ailleurs. Elle croyait ne pas s'être trop mal débrouillée avec toute cette attention soudaine mais avait quand même dû faire fi des allusions au fait qu'en ville on a pas besoin d'un gros char de même ou des commentaires de l'ordre de Attention, fille (certains ne se rappellaient plus son nom malgré 10 ans dans la vie d'Éric et 7 passages dans la fête familiale) à Joly, tu vas salir ton beau char! Elle avait aussi senti du mépris quand elle avait parlé de Papie et Mamie en entendant une murmurer "Pourquoi elle ne les appelle pas grand-pôpa pis grand-mômhein?" 

Profitant de ce public soudainement nombreux et dont l'attention n'avait pas été calculé, elle se dit qu'il fallait alors jouer le grand coup pour que les gens la voit définitivement différemment. Bébé au bras, elle se sentit sous l'emprise d'une irrépréssible envie de faire jouer à son fils de 3 ans, l'animal de cirque. Elle fît part à tous d'une découverte qu'elle fît récemment avec bébé:

"Regardez ce qu'il fait" dit Sabrina en immitant tout de suite après avec sa bouche, le bruit d'un pet.
"Pardonne" a dit bébé spontanément de sa voix de gazou.
"Comique hein?, a repris Sabrina, il l'épèle déjà comme il faut! avec un "n" à la fin!"

Même le bébé a paru fatigué de la routine.

Il y avait pourtant foule mais le silence était total. Comme si tout le monde imaginait Sabrina péter dans la maison toute la journée et pratiquer avec bébé la réponse d'excuse.

Ouais, la perception de Sabrina-de-Montréal venait de changer pour de bon.

Sab, pour sa part, jurait entendre la musique d'une fin de pub télé de Tim Horton dans sa tête.
Et se sentait violente comme une italienne qui disjoncte.

Même si elle avait tout de la pivoine.

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)