jeudi 1 octobre 2009

malheur de grippe/bonheur d'oreilles



"ARTCHA!!!!!!!!"

J'ai éternué si fort avec tant d'abandon que les gens du hall d'entrée ont sursauté.

Dans le pavillon des langues et des lettres il y avait foule. Le rhume automnal combiné aux multiples parfums démesurés des jeunes femmes torturent mon nez.

Afin de dégager le comptoir d'informations j'ai pris un bon élan.

"ARRRRRRRH1N1!"

Même violence, différent impact. Tout le monde a fui à toute jambes. Même la fille du comptoir a accepté de répondre à mes questions mais à condition qu'elle me parle de là où elle était, c'est-à-dire penchée sous son bureau à 10 pieds de moi.

Me suis inscrit pour le test d'admission au certificat en traduction. Par erreur je me suis d'abord présenté au mauvais endroit. Au pavillon sportif que je connaissais. Fortuitement par contre y travaillait une fille qui avait fait son certificat en traduction justement.

"Ça vaut la peine?" ai-je demandé car après tout elle travaillait ailleurs qu'en traduction en ce moment.

"Oui et non. Moi c'était surtout l'espagnol et les gens font plus confiance aux gens qui parlent espagnol d'origine. Les contrats sont beaucoup plus durs à aller chercher quand t'es une québécoise qui a appris l'espagnol"

Pas grave. Je vise l'anglais.

J'étais tout près d'un Renaud-Bray et tout comme Vincent Lacroix à l'égard de Chez Parée, je me sens toujours attiré tel un aimant par ces lieux où cohabitent littérature/Cinéma/Musique. Et bien souvent s'y trouvent les regards de jeunes filles les plus intelligents de la terre.

J'y suis donc entré afin d'aller tester si je craquais pour le dernier Fred Fortin ou le dernier Dumas. J'ai bien pris les deux albums dans mes mains mais je ne les ai pas écouté. Faisait très froid hier. N'a rien aidé à mon rhume. Mes oreilles ont plutôt été attirées par ce qui jouait.

16 Décembre 1962. Hollywood. L'Amérique n'est pas encore sous le charme de la Beatlemania. Tommy Roe, Chris Montez, Roy Orbison, Jerry Lee Lewis et bien sur Elvis sont encore les saveurs du jour.

Trois musiciens noirs, dont le leader est originaire de Montréal, entrent par la porte d'en arrière d'un studio de Hollywood. Il fait très chaud dehors mais il fait tout aussi chaud en dedans. Le leader du band est compositeur et pianiste. Ses deux acolytes sont habillés de manières très élégantes. Tuxedo, frais rasé, eau de cologne et un mouchoir pour s'éponger le visage de temps à autres. C'est décembre mais c'est los Angeles quand même. Rien à voir avec le décembre de Montréal. Ça fait rire le leader. Il n'est pas tout à fait mince. Certains le prennent à l'occasion pour Fats Domino. Son imposante carrure oblige le respect en cette période de tension raciale. Pour ne pas attiser les foudres inutilement on entre par l'arrière du studio et on garde les yeux au sol. On se tient tranquille. Ce qui est dans le tempéremment naturel du leader d'ailleurs. Ils sont chics et ne jouent pas devant public. Ils enregistrent discrètement à trois ce qui deviendra un classique.

Mais ça il ne savent pas encore.

Ils sont chic par simple respect pour leur maitre: le Dieu Musique. Il est permis de croire en cette légende voulant que l’amour à trois soit possible. Bien sûr, l’amour de la musique, pour ce quelle est, pour ce quelle représente, dans un espace temps qui ne saurait se reproduire que par la magie de la technologie numérique.

Le contrebassiste avait marié une adorable chanteuse au prénom symphonique de Ella et au nom de famille si Irlandais de Fitzgerald. Bien que voilà 5 ans que les deux sont divorcés, ils s'entendent toujours très bien. Elle n'est pas sur cet album mais lui y est au zénith de sa forme.

Le batteur, pour qui, le charme de la discrétion et le contrôle parfait du balais lui doivent sa réputation, s’est joint au groupe 3 ans aupravant. Il est le double parfait du leader du band. Avec des baguettes et des fouets au lieu des notes noires et blanches.

La magie opère.

En décembre 1962 en studio.
En Septembre 2009 chez Renaud-Bray Côte-des-neiges.

"ARRRRRRRRRRRRRRRTCHOUM!!!!!!!"

Stupeurs et tremblements à l'étage.

"AAAAAAAAARH1N1!"

Toute la file de la caisse s'est libérée.

J'ai pu acheté ce merveilleux disque et filer à l'anglaise.
Comme un train dans la nuit...

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)