Vie et mort d'un jazz junkie.
Né le 29 décembre 1929, en Oklahoma, Chesney Henry Baker Jr avait un père guitariste de swing western et une mère pianiste, employée d'usine de parfum. Suite à
la Grande Dépression, la famille est forcée de se rélocaliser en Californie, et son père de se trouver un job plus payant. Enfant, son père lui achète un trombone, mais à 13 ans, il change pour la trompette. En moins de deux semaines, adolescent, il semble toujours avoir joué de la trompette. C'est un talent naturel.
Toute sa vie, il ne semblera ne jamais pratiquer. Il commence simplement à jouer. Comme si c'était le prolongement de sa voix.
Après deux passages dans l'armée, Chet se choisit une carrière en musique, où il fait des stages chez
Charlie Parker et
Gerry Mulligan. Sa belle tête de James Dean croisée avec celle de Frank Sinatra lui ouvre des portes. Il ne sera jamais complètement aimé de son vivant. Entre autre, parce qu'il est blanc. Quand il gagne le prix d'un magazine comme musicien jazz de l'année, battant Miles Davis, une idole pour lui, quand Baker le croise, il lui dit "
j'allais t'écrire une lettre m'excusant d'avoir gagné ceci, tu es nettement meilleur que moi!" Ce à quoi Miles lui a vachement répondu: "
Tu as au moins 15 autres lettres à écrire à d'autres avant que celle-ci ne se rende à moi". Prix de l'arrogance: Davis. Coeur brisé: Baker.
Dans les années 50,
Chet brille, il
chante même de sa voix frêle, il charme.
Il fera du cinéma.
2 cassettes de lui peupleront la trame sonore de mes années 80.
Des albums des années 50 toutefois. Mais dans les années 60, sa réputation le précède. Quand il ne joue pas de la trompette ou ne chante, il consomme de l'héroïne, comme ses héros. En tournée,
whateverthefuck city devait avoir ses points de vente. Et Chet savait trouver son héroïne. Tout le temps. Et il aimait frauder les gens. Ça n'aidait pas à se faire aimer. Quand il avait vu le film
To Catch a Thief avec son bassiste Bill Withlock, ils avaient tous deux convenu qu'ils étaient meilleurs voleurs que Cary Grant. Les habitudes face à l'héroïne étaient extrêmes pour Chet. Et on faisait des larcins ici et là pour compenser l'argent des spectacles 100% investi dans la drogue. on quittait les restos sans payer. On pillait les pharmacies avec des fausses prescriptions pour des substituts se rapprochant de l'héroïne. Il flirtait aussi avec les infirmières afin de mettre la main, sous leur jupe, oui, quelques fois, mais surtout, pour avoir des équivalents pour l'héroïne. Pourtant Baker était capable de tellement de
génie musical. Il émanait de lui sur scène une image de cool.
Cool est un mot de 4 lettres qui dessine une sorte d'aura autour de vous, là où pour les autres un paragraphe servirait à les décrire. Et ne convaincrait pas. Miles Davis était
cool. Plus cool encore. Miles était noir.
Dizzie,
Bud,
Charlie,
Max, étaient cool. Ils étaient noirs. Chet était blanc pâle. Se sentirait toujours parenthèses autour des grands du jazz. Mais la drogue faisait oublier le gars sur les lignes de côté. Et l'enracinait dans un monde moins compliqué. Tout en le compliquant. Il est parfois obligé de donner un instrument de musique (parfois volé) en échange de l'héroïne qu'on lui donnait. La vulnérabilité de sa voix était une réelle vulnérabilité de junkie trop accro pour réaliser parfois que Mitchum, Monroe et Jane Russell sont dans les premières tables pour venir l'entendre jouer dans les bars.
Il se fera arrêter au moins deux fois aux États-Unis pour des questions de drogue. Fera du temps à la prison de
Riker's Island avant de quitter pour l'Italie parce que là, on le connait moins. Mais il ne s'aide pas.
En août 1960, il se fait arrêter en Toscane pour importation de narcotiques, pour avoir forgé une fausse prescription, et pour consommation de drogue. Il passera un an complet en prison. Sera aussi expulsé de l'Allemagne et banni de l'Angleterre pour des crimes de drogue.
Quand il est emprisonné aux États-Unis, il offre des spectacles aux prisonniers.
Il est battu en 1966 par un groupe anonyme qui savait ce qu'il faisait. Baker a beaucoup d'ennemis. c'est un raconteur non fiable. On ne peut aucunement lui faire confiance. Le gang lui casse les dents stratégiquement. On ne peut souffler, trompettiste, de la même manière sans dents. Vers 1969, il doit se faire remplacer les dents si il veut continuer. Pour se les payer, il travaillera dans une station service pendant 3 ans.
Vers 1973, il retourne vivre chez sa mère et forge des prescriptions. Se fait encore prendre. Devra accepter d'être libéré seulement si il suit un régime de méthadone pendant 7 ans. Il débute alors une période très prolifique jusque dans les années 80. Elvis Costello l'engage pour l'un de ses plus beaux morceaux. Baker intègrera un morceau de Costello à son répertoire de tournée, morceau qui, ironiquement, était inspiré de la version de Chet de The Thrill is Gone. Il collabore aussi avec Van Morrison.
Une session photo se transforme ensuite en
projet de film sur sa vie. Film qui sortira 4 jours après sa mort. À 58 ans. Dans un corps de 72.
En 1988, il perd les clefs de son appartement d'Amsterdam et, intoxiqué, croisé de cocaïne et d'héroïne, tente de passer de l'appartement vacant voisin au sien, mais perd pied et est retrouvé mort, deux étages plus bas, sur le trottoir.
Aujourd'hui, il y a 36 ans.
On s'est perdu avec Chet. Il s'est perdu aussi. Tout seul.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)