Je lis tout le temps. C'est un peu beaucoup mon métier de recherchiste, réviseur, traducteur. Je lis partout. Souvent, je traine mes livres avec moi. J'ai appris à marcher en lisant quelque fois.
Lire, c'est accepter dans l'univers des autres, découvrir des mondes, des milieux, des genres, des cultures. C'est naviguer au travers de pensées qui ne sont pas toujours nos idées, ni nos pulsions, C'est s'ouvrir les sens. C'est apprendre à carburer et à respirer sur le rythme d'un(e) autre.
Et respirer, c'est vivre.THE APPRENTICESHIP OF DUDDY KRAVITZ de MORDECAI RICHLER.
Mordecai était un moineau. Mais un oiseau bien de chez nous. Il y a de quoi être fier d'être si petit, et de savoir que des Leonard Cohen, Celine Dion. Arcade Fire, William Schatner, Françoise Sullivan, Jean-Paul Riopelle, Farah Alibay, Cirque du Soleil, soient issus d'ici. Que Manu Chao, David Usher, Daran, Felipe Alou, Donald Sutherland, Halle Berry, Micheal Douglas aient des résidences ici.
Mordecai est né dans l'Ouest de Montréal. Y a grandi. dans les années 30 et 40. Ce qu'il a beaucoup documenté dans ses oeuvres. Il avait déjà 3 oeuvres de publiées quand il a lancé, en 1959, son 4ème effort. The Acrobats, aussi appelé parfois Wicked We Love, en 1954, Son of a Smaller Hero, formidable titre que je lui volerai un jour, aussi en 1955. A Choice of Ennemies en 1957 et deux ans plus tard, celui-là. Inspiré de sa propre vie de jeune Juif, facilement ostracisé dans le Montréal francophone, mais qui pourtant, a principalement grandi du côté de la "Main" anglophone. Qui était la Rue St-Laurent, coin St-Urbain à l'est du parc du Mont Royal. Se sentant minoritaire au Québec, il a martelé sa jalousie de notre bilinguisme pas mal toute sa vie.
Exceptionel portraitiste de quartier, et esquisseur de personnages largement imparfaits comme lui, ses thèmes, dans ce livre aussi, sont souvent sous le parapluie du doute moral, du déclin social par la modernité, des engagements et rapports compliqués entre hommes et femmes. Il faut distinguer l'auteur du polémiste. Comme polémiste, il faisait tout pour ne pas se faire oublier. Mais a eu une fin de carrière publique à la Truman Capote, où il devenait davantage risible dans ses interventions. Si on ne sait pas tout ça, on a devant nos yeux, un simple excellent auteur qui nous tient interressé par ses écrits ponctués de beaucoup d'humour. Souvent contre sa propre communauté juive.
The Apprenticeship of Duddy Kravitz est un livre racontant l'éveil adulte, la pauvreté de la rue St-Urbain, avec des mentions d'Outremont et de Westmount, les espaces rêvés. Une partie de l'histoire de Duddy se déroule dans les Laurentides, à Saint-Agathe-des-Monts. Duddy termine son école secondaire. Il est obsédé par l'envie de pouvoir et d'argent. Il travaille un bout de temps pour son oncle qui le considère moins pertinent avec ses ambitions commerciales crasses que son frère qui veut devenir docteur. Duddy se trouve donc un autre emploi comme serveur à Ste-Agathe. Y découvrant un lac au potentiel d'y faire un camp de vacances. Il anticipe d'y acheter un jour, des terrains.
De retour à Montréal, il fonde sa compagnie de production de films, et compte engager un ancien de la rue St-Urbain, maintenant cinéaste aux États-Unis. Mais peu se passe comme prévu. Il tente toute sorte de choses afin d'amasser de l'argent pour acheter les terrains rêvés dans les Laurentides. Mais là aussi, rien ne se passe facilement. Il est toujours entouré d'ami(e)s avec lesquels il finira pas se brouiller. Mais ses ambitions ne ralentissent pas. La magie de Richler n'est jamais dans les intrigues mais plutôt dans les personnages, nombreux, colorés, drôles et parfois cruels, et si bien sentis qu'on pense les entendre à nos côtés facilement. Comme on entendrait une conversation animée au comptoir Chez Schwartz.
Un peu comme chez Michel Tremblay, des personnages mineurs dans un livre peuvent se retrouver dans d'autres. Ainsi Jacob Hersh, personnage mineur dans cette intrigue, est central dans son roman Saint Urbain's Horseman lancé en 1971. Kravitz s'y trouve aussi. Tout comme dans le tout aussi bon, et adapté habilement sur pellicule aussi, Barney's Version.
Le livre traite de thèmes que Richler a traité toute sa vie, l'antisémitisme, la persécution et la ségrégation, la morale, l'aliénation, la matérialisme, la victimisation, la sionisme, l'avarice, la corruption, l'ambition et la passage à la vie adulte.Richler était une plume très intéressante dans la fiction.
Toujours encrée dans sa réalité juive montréalaise.
Le livre de 1959 a été adapté en film en 1974, avec Richard Dreyfuss dans le rôle de Duddy Kravitz et Micheline Lanctôt dans le rôle de son amie Yvette.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)