vendredi 18 novembre 2022

Fantôme de l'Artiste

Était-il celui qui vous vouliez qu'il soit ?

Qui était Prince Rogers Nelson ? Ce n'est pas le livre The Beautiful Ones qui vous le dira. "Mystery is a word for a reason" y dit Prince à Dan Piepenbring qu'on a crédité comme auteur de ce collage d'idées, plus près du brouillon ou du scrap book, de quelques moments de nostalgie grifonnés par l'artiste lui-même, que d'un livre de réelles révélations. Prince ne voulait rien révéler. Toute sa vie, il n'aura voulu quer créer. Et s'amuser des imaginaires. C'était assez pour beaucoup beaucoup me plaire.

Élusif. Ça me ressemble beaucoup aussi, en vieillissant. 

Prince a touché les gens à une époque où le Reaganisme risible et machiste s'installait aux États-Unis. Où se présenter en lingerie nous arrivait par Madonna, et était nouveau au masculin, en talons hauts; où porter les cheveux longs bouclés, les yeux maquillés, en portant du mauve ou des boléros, pour les hommes, n'étaient pas légion. Ça venait contrecarrer les sacro-saintes "valeurs familiales" Nord Américaines. Et on avait pas lu les paroles de ses chansons encore, mais certains clips parleraient d'eux-mêmes. Il était et sera toute sa carrière très très sexuel. Un sexuel du futur. Les belles femmes voulaient de lui, les hommes voulaient être lui. 

Plus tard, il sera élusif à souhait, deviendrait témoin de Jehova, mentirait sur la mort de son bébé à la télé quelques jours après les faits ou se déclarerait célibataire à vie. Tout le monde savait qu'il était un drôle de moineau. Et un moineau drôle. Un poisson libre ne tenant en aucune main. Il était musicalement impérial. À partir de son second album, il écrivait, arrangeait, composait, produisait en plus de jouer toutes les notes de tous les instruments qui seraient les sons de son album. Il le ferait moins, avec le temps, mais ne couterait jamais cher de musicien(ne)s de sessions. Ses musiciens de session le savaient trop. Il les payait mal. Peu.

Si je vous parles de ce musicien hors norme décédé à 57 ans d'une mauvaise combinaison de Fentanyl il y a plus de 6 ans, c'est parce que Nick Hornsby, au passé lié à la musique, mais qui n'a jamais cessé d'écrire, vient de lancer un livre où il compare Prince à l'auteur Charles Dickens (et à lui-même dans le processus, mais bon...

Se présenter toujours mystérieusement laisse toujours place à multiples interpétations. Hornsby lie Prince à Dickens.

Les deux, très jeunes, étaient précocement extraordinairement productifs. Des créateurs compulsifs. Prince, lorsque décédé, a laissé derrière lui une quantité titanesque de musique non publiée. Dickens a été l'un des rare auteurs de son époque, victorienne, qui publiait, en séries, dans les périodiques, ce qui allait devenir ses livres, DEUX histoires complètement différentes et y connaitre du succès. David Copperfield et Oliver Twist étaient publiées en parrallèle. Avec leurs centaines de personnages qui étaient tous issus de la même tête créative en même temps. Il y avaient plusieurs vies et plusieurs tons dans les tiroirs de ces deux immenses créateurs. 

Les deux artistes ont eu des enfances difficiles marquées par des familles brisées où ils ne se sont pas sentis désirés. Ceci les ayant marqué pour la vie, il devenait plus facile de se sentir plus facilement lésé par autrui par la suite. Ne faisant confiance à personne. L'étoile et le talent de Prince a moins rayonné à partir du moment de ses brouilles avec les maisons de disques. Dickens était un grand partisan du droit d'auteur, pratiquement non-inexistant/respecté à son époque. Ils étaient tous deux galvanisés par la motivation de se prouver face à un monde qui leur était froid. Est aussi souligné que rien ne pouvait être parfait parce que franchement trop surfait. Prince a produit la trame sonore de Batman/des triples disques /L'album noir du très très mauvais et Dickens avait Barnaby Rudge comme premier livre, mais si ordinaire que ça a été son 5ème parce que toujours très très moyen. Et immémorable bien qu'il était tiré de faits réels. 

Le perfectionsime est une sorte de claustrophobie, mais la leur était la boulimie créative. Les 2 ont souffert d'un sérieux ralentissment devenu presqu'éteignoir après un gigantesque succès dans leur vingtaine. Prince passé 1991, Dickens passé 1850. Prince s'en est sorti réalisant que l'argent se faisait vraiment en tournée. Dickens aussi, en faisant des tournées litéraires. Parmi les premières.  Les 2 sont décédés avant d'avoir 60 ans. Étaient ils heureux ? surement un peu. Probablement pas tant. Étaient-ils fous ?

Heureusement.

Dans My Pinup d'Hilton Al, Prince est une identité sexuelle. Un brouillard sexuel. Dans None of This Would Have Happen If Prince Didn't Die de Carolyn Prussa, l'action se passe dans les vestiges de l'ouragan Katrina, à Savannah, en Georgie. Prince y est accessoire, mais aussi salvateur.  Dans un mode comédie à la Bridget Jones, et alors que l'artiste vient de mourir. Chez Hornsby, c'est un miroir difforme qu'il se plaçait devant le visage. Prince était mystère. Se voulait mystère. Est mort mystère.

Il a été symbole au figuré et en vrai. Il était insaisisable. Non enchaînable. 

Le fantôme que nous devons parfois avoir. Pour être en mesure de mieux se voir. 

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)