Il était peut-être comme moi.
Jacques Lefevbre, de Mascouche. Le type de gars honnête qui n'a jamais complètement rêvé de maison, mais que lorsqu'il en a une, ben o.k. composons avec. Mais n'en faisons pas une obsession. If it ain't broken, don't fix it. Peut-être avait-il maintes fois fait le dos rond quand sa blonde a conjugué le verbe falloir en s'adressant à lui.
"Faudrait peut-être solidifier le cabanon". Peut-être a-t-il simplement dit non. Peut-être rien.
Avant-hier on entendait à la télévision, en direct, un homme dire que pendant la tornade qui est passée par Mascouche, quelques minutes avant, peut-être moins d'une minute, mais d'une intensité (2) violente, et mortelle, on entendait un homme dire à l'intrusif journaliste qu'il s'était réfugié dans son cabanon et que ça lui avait fort probablement sauvé la vie. Pas à M.Lefevbre, c'est même ce qui l'a tué. Il s'est réfugié dans son cabanon pensant se protéger de la tornade. Il en est mort. Au coeur de la bête. C'est l'unique mort de cette tornade qui a brisé bien des coeurs. C'en est si grotesque. Si il choisit de courir vers la maison, peut-être est-il encore en mesure de nous en parler aujourd'hui. Au même micro de cet insecte voulant mettre le nez dans la plaie.
Il y a plusieurs années, pour me moquer des clichés journalistiques et les préjugés, j'avais scénarisé une scène en direct où un journaliste tentait d'interviewer une femme d'origine asiatique placée devant un dépanneur qui était le proie des flammes. Il lui disait: "Bonjour madame, je vous sens troublée, étiez vous partie de votre pays, quittant tout derrière pour atteindre le rêve américain et maintenant vous assister impuissante à ce terrible spectacle?" . Ce à quoi elle répondait bêtement que son pays c'était ici et qu'elle était née à Ville St-Laurent. Que le terrible spectacle, c'était peut-être lui, là, en ce moment, vautour. Un caucasien tout aussi près venait les couper pour dire "c'est moi le proprio du dépanneur, pis je m'inquiète pas, les pompiers travaillent ben!" Pas bien. "Ben". Pour marquer que le colon était encore moins ridicule que le pigeon.
Allant plus loin dans la dérision, j'écrivais plus tard un reportage en direct d'un(e) journaliste qui voulait tant être au coeur de l'action qu'elle finissait brûlée dans un incendie. Où étais-ce noyée dans un tsunami? peu importe! Avant hier, on était très très proche de tout ça.
"Avez vous tout perdu, monsieur?" ai-je entendu du journaliste envoyé sur place par les terribles penseurs chez TVA. Et si la réponse avait été oui, gros zoom sur la larme à venir?
La famille Lefevbre a perdu un de ses membres sottement. T'aurais voulu tordre l'humidité de leurs larmes charognard? Les voisins, les collègues, les amis, l'amoureuse, les enfants de Jacques Lefevbre ont perdu un proche. Bêtement. Platement. Horriblement. On entendait le chef de police local dire, outré, qu'ils n'ont pas besoin de tous les badauds qui viennent regarder l'ampleur des dégâts comme on le ferait au zoo. Ça nuisait à tout. Aux fragilisés gens meurtris entre autres.
Tasse ta loupe de la plaie ouverte. De l'image c'est pas toujours de la nouvelle.
Les roses ne poussent pas du sol des cimetières.
Samedi d'avant, en Alabama, aux États-Unis, un grave accident sur l'autoroute allait plonger bien des gens dans consternation. Ils/elles le sont encore.
Un ranch du comté de Tallapoosa, depuis 1973, accueille les jeunes filles torturées par la vie. Les écorchées. Les abusées. Le ranch, si il ne les réhabilite pas à 100%, leur offre un cadre de bonheur. Leur donne une impression que la vie peut-être belle. Même si certaines d'entre elles sont parfois en séjour dans des familles d'accueil, puis platement retournées comme on retournerait un achat dont on est insatisfait. Le ranch est un refuge pour les jeunes filles négligées par la vie, ou abusées. Des jeunes d'âge scolaire. Parfois aussi jeunes que 3-4 ans. On est si près les unes des autres dans ce ranch qu'entre elles, elles s'appellent soeurs.
La mini-van qui comprenait les jeunes filles du ranch, revenant d'une journée de plaisir à la plage, s'est retrouvée au milieu d'un carambolage, fauchant la vie de 8 d'entre elles.
8.
Agées entre 4 et 17 ans.
La conductrice, gravement blessée elle-même, a été extirpée de la voiture sans savoir que ses deux enfants à elle étaient parmi les victimes.
Dans le film d'horreur, dur de faire plus vrai. Ces jeunes filles qui avaient tant perdu dans la vie, perdre la vie aussi grotesquement que Camus.
Passagères de la machine.
L'espoir a les yeux brillants, dit-on.
Surtout quand ils sont baignés de larmes.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)