C'était dans les années 90. On était donc (plus) pauvres.
Mon co-loc et moi n'avions non seulement pas les moyens de se payer une voiture, mais jamais l'idée d'avoir une voiture ne nous avait effleuré. Nous habitions Montréal, une voiture à Montréal est un léger handicap. Je suis si peu intéressé par les voitures que les villes qui m'ont toujours fait fantasmer, je l'ai compris assez tard, Reikjavik, Londres, New York, Rome, Amsterdam, Montréal, Barcelona. Ils ont tous en commun d'être des villes où y marcher toute sa vie, sans voiture, est très très possible.
Donc dans les années 90, mon co-loc et moi, étudiants, tous deux originaires de la ville de Québec, devions, certains week-end, retourner voir nos parents et amis, là où on avait grandi. Et pour ce faire, après quelques années d'Allo-Stop, un service où on y donnait nos envies de départs et nos envies d'arrivées et que ce service de co-voiturage s'occupait de tenter de nous accommoder en coordonnant avec un(e) chauffeur(euse) que nous payions, un service qui nous coûtait rarement plus que 10$ (6-7$ pour Allo-Stop, 3-4 pour le/la propriétaire du volant), on ne se payait même plus ce service et on risquait tout simplement le pouce.
Faire du pouce. Je ne sais pas si on appelle cela comme ça en Europe. Non, après vérification ils ont anglicisé, ces cons. Ils font de l'auto-stop.
Bref, à l'insu de nos parents, on improvisait nos départs sur les routes, pouces en l'air, deux jeunes hommes de 17-18 ans. Deux jeunes mâles, ça n'attirait que des drôles de moineaux. On a pas fait ça longtemps. Quand on l'a compris, on a cessé. C'est cette fois où l'un d'eux, s'arrêtant dans une ville pour y faire une commission, nous avait laissé dans un stationnement, le temps de faire sa secrète commission pour nous reprendre plus tard. On était dans le stationnement se demandant lequel des deux serait forcé de se mettre à quatre pattes quand il reviendrait avec sa gang de violeurs. Il est revenu, rien n'est survenu. Mais on a cessé de faire du pouce.
La fois dont je veux vous parler, un homme dans la cinquantaine/ soixantaine, très gentil, nous avait pris sur le pouce pour faire Montréal-Québec. J'étais assis derrière, mon co-loc avait été en avant. J'avais pris la meilleure position pour lui trancher la gorge par derrière...
...ben nooooooooooooooon!
Après le "small talk" (moi je aussi je peux être Français), quelques 20-25 minuites, le chauffeur nous as demandé si ça nous dérangeait si il mettait un peu de musique. D'après ce qu'il nous avait présenté comme personne, on s'attendait à quelque chose de peut-être un peu ringard comme Sardou, Lama, George ou Charles. Des artistes qu'on écoutait pas du tout à 17-18 ans, et qu'on se surprend à écouter maintenant, approchant 50. Mais ce qui est venu couper le silence de la voiture a plutôt été du yoodle. Forçant des rires nerveux de la part de mon co-locs et moi qui sont devenus parfaits fous rires quand le refrain est arrivé. Ça a semblé surprendre le chauffeur et légèrement l'insulter. L'inconfort a été absolu jusqu'à Québec.
C'était il y a deux trois mois, maintenant
J'ai pensé à ce fou rire incontrôlable quand j'ai croisé, au coin de deux boulevards, prêts de notre nouveau chez nous, ce stationnement où se réunissent, à l'occasion, plusieurs véritables passionnés de voitures, exposant leur bolide les uns aux autres, s'assoyant dans leur chaises pliantes, buvant du "petit poison" et discutant entre eux de leur passion. Je suis siiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii loin de cette passion, que j'ai eu le même rire nerveux, converti en fou rire quand je les ai vu de trop près. Inconfort personnel. Heureusement, outre mes proches, dans la voiture avec moi, personne n'a été témoin de ce léger manque de respect (incontrôlable) de ma part. C'était nerveux.
Ma fille, dont l'amoureux de son âge (17) devait passer chez nous, a été retardé un soir parce qu'il avait une activité avec son père dont il ne voulait pas révéler la nature. Avec l'application Snapchat, on peut localiser où se trouvent d'autres "Snapfriends". Son amoureux (et son père) sont si passionnés de voitures que les deux y travaillent. Le père depuis longtemps, le fils y étudie et y brille comme étudiant dans le domaine de la mécanique.
Vous me voyez venir?
Oui, ils se trouvaient au coin des deux boulevards accueillant les voitures modifiées, si fièrement exposées. Ravale ton rire, Jones.
Je m'explique mal ce qui m'a fait tant rire les deux fois que j'ai croisé leur plaisir. C'était nerveux. Je ne pouvais tellement pas me rapprocher de leur passion que ça ma donné l'impression de croiser des concurrents de Relevez le Défi.
Il y a donc, effectivement, un jugement de ma part qui devrait être plus inconfortable que l'inconfort initial.
Working on it.
Je travaille mes nerfs sur le sujet. Je les dresse comme des cordes de violons.
Ou plutôt comme la guitare lousse de Carlos Alomar.
Qui ferait rire nerveusement, surement bien des gens.
Parce que continuer à rire, plus que jamais, reste tellement important.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)