Je vous ai parlé de trilogies de films, de livres. je ne pouvais pas NE PAS faire la même chose avec la musique.
En mythologie, dans la nature, dans l'Histoire, dans les superstitions, le chiffre 3 a souvent joué un rôle important. Au travers des années, les artistes musicaux ont lancé sur le marché d'intentionnel ou coïncidantes trilogies liées par le design ou les circonstances. Certaines étaient des reflets de leur époque. D'autres, un plan orchestré en trois opus réfléchis de la sorte, conceptuellement.
Certaines trilogies sont liées par des collaborateurs, des studios, des étiquettes de disques ou des thèmes. Peu importe la connexion, chez les triptiques qui suivront, la magie sonore avait opérée. J'ai essayé de varier, mais le monde du jazz et du classique auraient toutes les raisons de vouloir me lapider.
Nick Drake
Five Leaves LeftBryter Lyter
Pink Moon
Le jeune Anglais n'avait que 26 ans quand on l'a retrouvé mort à côté de ses anti-dépresseurs. Ce sont ses trois seuls albums. Le premier avait été difficile à enregistrer en 1969 car il ne s'entendait pas avec le producteur. La publicité autour de cet album en avait ainsi souffert. Le second, en 1970, avait eu quelques bonnes critiques, un bon son pop, folk, jazz, mais les ventes n'ont pas suivi, moins de 3000 copies. La dernier album sera enregistré en 1972, dans l'isolement mental et physique. Il meurt, retourné vivre et mourir chez ses parents, à Tanworth-in-Arden, en Angleterre, deux ans plus tard.
La guitare sèche, le pop baroque, le british folk, la voix douce comme il semblait l'être aussi, ce n'est que posthume que ses albums commenceront à mieux se vendre. Ironiquement, si vous regardez dans les réseaux de diffusions musicales en ce moment, on suggère, par les algorithmes, autour de Drake des artistes similaires comme Jeff Buckley ou Elliot Smith. Le premier s'est noyé à 30 ans et le second s'est fait hara-kiri ou a été tué, rien n'est clair là-dessus, alors qu'il n'avait que 34 ans. Ils sont liés par son, style et par destin tragique et précoce, à N.Drake.
Notables trilogies:
Serge Gainsbourg (Du Jazz Dans le Ravin, Couleur Café, Comic Strip), Harmonium (Harmonium, Et Si On Avait Besoin d'une Cinquième Saison & L'Heptade), The Stooges (The Stooges, Funhouse & Raw Power), Kanye West (The College Dropout, Late Registration & Graduation, Eminem (Shady LP, Mathers LP & Eminem Show) Pink Floyd (The Dark Side of the Moon, Wish You Were Here, Animals) & Marylin Manson (Antichrist Superstar, Mechanical Animals & Holy Wood).
Les trois albums sont de 2011, et sont tous trois des produits maisons, non distribués par les grandes compagnies de disques musicaux connus. Avant qu'Abel Tesfaye ne collabore avec Daft Punk ou ne partage les draps avec la délicieuse pour l'oeil Selena Gomez, il était ce sombre artiste R & B énigmatique découvert par la rappeur tout aussi canadien, Drake (non, pas Nick, il était mort, lui, restez concentrés). Tesfaye, sous le nom de The Weeknd, a lancé, entre mars et décembre 2011, trois mixtapes tous peuplés de chansons faisant référence à sa vie de party, de sexe et de consommation de drogue. Qui trouvaient leur chemins sur les réseaux de diffusion populaire. Sa manière de fredonner les airs, son sens de la pop, son pitch à la Micheal Jackson, étaient entourés de mystère. Ses compositions repiquaient des extraits d'autres morceaux fort habilement, chez les Cocteau Twins, entre autre. Drake y apparaissait aussi, et Juicy J. Arrive 2012, et Republic Records achète tout. Et lance ses trois premiers albums en un seul, appelé correctement, Trilogy. C'est le début d'une grande et belle aventure, dès l'album suivant, The Weeknd devient superstar, trois ans plus tard.
Metallica
Kill'em All
Ride The Lightning
Master Of Puppets
Metallica
Kill'em All
Ride The Lightning
Master Of Puppets
La trilogie des années Cliff Burton. Le premier bassiste du groupe aura perdu la vie en gagnant un match de cartes contre Kirk Hammett, guitariste du band. En gagnant le match de carte dans l'autobus, il gagnait aussi le lit que devait occuper Hammett. Mais quand l'autobus fait un accident, en Suède, Burton est expulsé du lit par la fenêtre et l'autobus l'écrase à mort. Des trois premiers albums, Metallica produirait le même nombre de vidéos que de singles: zéro. Pourtant, en tournée, les chansons de ses trois albums formeraient toujours une majeure partie du spectacle. Des fans de tous les genres, mêmes ceux nés dans les 30 dernières années, et partout dans le monde savoureront pleinement leur son de metal, et chanteraient les paroles comme un hymne en tournée. Les trois premiers albums forment l'essence du son que sera Metallica. La jeunesse, l'énergie, la guitare sale, le style de Burton s'y prêtait merveilleusement. Alliant innovation dans les riffs de sa base au son punk et metal qui allait devenir le trash, les trois albums seront ensuite recopiés dans leurs conceptions par les survivants du band pour travailler les albums suivants, eux qui les avaient, tant adorés dans la création autant que dans l'exécution.
Nirvana
Bleach
Nevermind
In Utero
Nirvana
Bleach
Nevermind
In Utero
Le trio de Seattle n'aura enregistré que 3 albums studio. Si vous ne reconnaissez pas l'importance de leur son dans l'Histoire de la musique, vous êtes de mauvaise foi. Je ne suis pas personnellement très fan du groupe, pas du tout même, mais je sais reconnaître l'influence que Kirk Cobain, Krist Novoselic et Dave Grohl (pour le dernier album) sur la suite des sons qui ont peuplé nos oreilles. De la rage diffusée sur Bleach en 1989, aux riffs accrocheurs et harmonies sucrées du discipliné Nevermind en 1991, jusqu'au grinçant, perçant, marqué par les tapisseries sonores bruyantes de In Utero en 1993, le dynamisme et la qualité de l'écriture avaient un charme sans pareil à l'époque. Encore aujourd'hui, pour capturer les début des années 90, le son de Nirvana est obligatoire. Ils dictaient le ton de la musique à venir et ont presqu'à eux seuls inventé le grunge. Souvent réimitié, jamais totalement bien, la trilogie a encore son influence sur la musique de nos jours.
The Cure
Pornography
Desintegration
Bloodflowers
The Cure
Pornography
Desintegration
Bloodflowers
La formation de Crawley, en Angleterre, a plus d'une trilogie. Les trois albums de 1980 à 1982 pourraient en former une première sous le vocable du post-punk et de l'établissement du son signature de The Cure. Mais je crois qu'il est plus intéressant de suivre la trilogie de l'homme angoissé et sombre qu'est Robert Smith. Pornography débute une tendance à explorer l'ambiant, l'intense, le gothique, le mélancolique, dans la jeunesse et la haine de soi-même. L'album de 1989 fait mal. Si Pornography était le portrait du jeune artiste, Desintegration nous présente le même homme, brisé de tous les excès, luttant toujours contre la dépression, vieilli, et faisant face à une crise existentielle. Plus de 10 ans plus tard, Bloodflowers lie les deux autres albums avec le journal de ce même homme contenant le côté sombre des deux autres, sans être tout aussi explicite dans son pessimisme. Mais les fleurs saignent. Les albums sont si liés par la mélancolie qu'en DVD, on baptisera un de leurs spectacle Trilogy, les présentant jouer ces trois albums. J'ai ça dans ma vidéothèque personnelle.
Dans une parfaite trilogie, les trois éléments surviennent en succession rapide, lancé une fois par année sur trois années successives. C'est ce qui s'est produit pour la formation de Londres avec leurs trois premiers albums de leur existence. Le premier album était composé de chansons très courtes et donnait l'impression de tenter d'attraper la foudre avec le goulot d'une bouteille afin d'apprendre à manipuler les instruments et éventuellement structurer le sons dans une forme plus grande et élégante. Wire a facilement eu 4 périodes de créations très variées. Les trois premiers albums sont de l'époque Punk. Ils ont eu leur période plus raffinée dans les 80. Une résurgence dans les années 2000 et un vent de création qui ne cesse de livrer de nos jours, avec 7 albums en 10 ans, dont deux en 2020. Chacune de ses périodes à ses bons moments. Mais les trois premiers sont comme un train fonçant sur les rails. Des pulsions énergiques de Pink Flag, en passant par l'art du post punk de Chairs Missing, jusqu'à lavant-garde pop de 154, chaque album, lancé entre 1977 et 1979, est un fort argument contre le no future promis par les Sex Pistols.
Lodger
Couvrant l'exacte même période, 1977 à 1979, David Bowie, à Berlin, était littéralement en feu enregistrait pas moins de 5 albums ( si on compte aussi les 2 d'Iggy Pop) dont 4 la même année (1977). Il tentait de se débarrasser de sa dépendance à la cocaïne, mais au fond, en a probablement aussi largement profité dans sa résidence de deux ans et demi. Avec Carlos Alomar, Iggy Pop, Tony Visconti, Dennis Davis, George Murray, Ricky Gardiner et Brian Eno, il a livré fameusement sur une période créative incroyablement féconde. Offrant du matériel peu à peu, de plus en plus accessible au grand public. Low est un chef d'oeuvre d'avant-garde. Un de mes albums, sinon mon album préféré de tous les temps, tout artiste confondu. 50% instrumental, 50% chanté. Heroes offre aussi presqu'une moitié d'instrumentaux mais devient de plus en plus rock dont un monumental classique en pièce titre qu'il finit par crier parce qu'Eno joue trop fort. Ce qui est merveilleusement intégré au morceau. Un 6 minutes de magie pour toutes les générations. Lodger ne sera pas aimé autant que les 2 autres, au grand dam de Bowie & Eno. Le duo y fait ses muscles dans des moments à la fois artyhmique et loin des patrons de chansons traditionnelles, mais définitivement trempant dans la pop. Les trois albums sont liés dans le temps par la géographie et le personnel, mais aussi par quelque chose de plus intangible. Peu de ses albums sonnent aussi art-rock futuriste (ses derniers où son futur était condamné, Station to Station, peut-être).
Couvrant l'exacte même période, 1977 à 1979, David Bowie, à Berlin, était littéralement en feu enregistrait pas moins de 5 albums ( si on compte aussi les 2 d'Iggy Pop) dont 4 la même année (1977). Il tentait de se débarrasser de sa dépendance à la cocaïne, mais au fond, en a probablement aussi largement profité dans sa résidence de deux ans et demi. Avec Carlos Alomar, Iggy Pop, Tony Visconti, Dennis Davis, George Murray, Ricky Gardiner et Brian Eno, il a livré fameusement sur une période créative incroyablement féconde. Offrant du matériel peu à peu, de plus en plus accessible au grand public. Low est un chef d'oeuvre d'avant-garde. Un de mes albums, sinon mon album préféré de tous les temps, tout artiste confondu. 50% instrumental, 50% chanté. Heroes offre aussi presqu'une moitié d'instrumentaux mais devient de plus en plus rock dont un monumental classique en pièce titre qu'il finit par crier parce qu'Eno joue trop fort. Ce qui est merveilleusement intégré au morceau. Un 6 minutes de magie pour toutes les générations. Lodger ne sera pas aimé autant que les 2 autres, au grand dam de Bowie & Eno. Le duo y fait ses muscles dans des moments à la fois artyhmique et loin des patrons de chansons traditionnelles, mais définitivement trempant dans la pop. Les trois albums sont liés dans le temps par la géographie et le personnel, mais aussi par quelque chose de plus intangible. Peu de ses albums sonnent aussi art-rock futuriste (ses derniers où son futur était condamné, Station to Station, peut-être).
Ce qui avait débuté comme un homme soignant les santés fragiles de sa femme et de sa fille est vite devenu le développement d'une carrière de visionnaire s'éloignant de son ancien band, Genesis. Il en daignera même pas nommer ses trois premiers albums. Il aurait beaucoup d'aide de gens ayant les mêmes pulsions créatives, des membres de King Crimson, Alice Cooper, le producteur Bob Ezrin, dans des styles extrêmement variés entre 1977 et 1980. Il fera du quartet de barbier, du jazz de la Nouvelle Orleans, du folk immortel, faisant suivre, dès l'année suivante avec quelques chose de beaucoup plus sombre, plus près des Talking Heads ou de Bowie, Springsteen ou Patti Smith, rappelant même Prince par moments dont la musique allait tout juste commencer . Le dernier album rachetant complètement le malaise populaire du second, et installant quelques nouveaux inconforts en traitant de crime, de politique, de maladie mentale, une conscience sociale se développant dans l'écriture musicale. 3 albums en 4 ans l'ont tout simplement redéfini en tant qu'artiste.
Tom Waits
Swordfishtrombones
Rain Dogs
Franks Wild Years
Tom Waits
Swordfishtrombones
Rain Dogs
Franks Wild Years
La trilogie de la dépossession urbaine. Le mariage a souvent corrompu profondément changé la trajectoire d'un artiste. Quand Tom Waits, étiquetté comme un pianiste/guitariste jazz/folk des années 70, épouse sa Jersey Girl Kathleen Brennan, sa vie et son oeuvre en seront bouleversé. En travaillant sur les trames sonores de films de Françis Ford Coppola, chez Zoetrope, où Brennan travaille aussi, il fait sa rencontre. Celle-ci lui fait revivre Captain Beefheart qu'il connaissait pour avoir travaillé avec Zappa, mais sans plus. Son dramatique changement de ton sera non seulement un redesign sonore, mais plus qu'une fondation. Ce sera un building tout en aluminium aux percussions toujours plus excentriques. Les trois albums sont aussi liés par des refrains ("down down down" "time, time, time"), une facture sonore audacieuse et quelques personnages (Les "Philippinos" sont référencés sur les 2 premiers). Sur le premier disque, il y a des oiseaux de pluie sur le second, des chiens de pluie. La chanson tître du dernier se trouve même...sur le premier album. Et les percussions sont d'une originalité hors du commun.
Le premier album prenait les attentes d'orchestrations jazz et les déconstruisait en utilisant des percussions au rythmes brisés dans des arrangements hachurés. Principalement guidé par une guitare torturée (de Marc Ribot à partir du second album) qui allait placer le style "Carnaval de Fellini vers la lune", les essais de Swordfishtrombones ne seraient que le préambule d'une nouvelle voie. Avec Rain Dogs, fin 1985, et l'aide aussi de Keith Richards, l'un des plus traditionnels rock'n roller qui soit, il serait encore plus confiant dans sa nouvelle direction. L'opéra en 2 actes de l'été 1987, troisième album, rappelant les années Zappa, sera. à mon humble avis, son meilleur album à vie. Il y introduit une multitude d'instruments rares, joue beaucoup avec sa voix (ce qu'il fera beaucoup le restant de sa carrière), tout en se moquant de son ancienne identité. Formidable album dont j'ai déjà largement causé.
Bob Dylan
Bringing It All Back Home
Highway 61 Revisited
Blonde on Blonde
Bob Dylan
Bringing It All Back Home
Highway 61 Revisited
Blonde on Blonde
Bob Dylan a toujours été moins un leader qu'un vampire créatif. Qu'on l'aime ou non, qu'il le veuille ou non, il aura eu un impact majeur sur toutes les vies d'Amérique du Nord. Les trois disques, enregistrés sur 15 mois d'obsessives concoctions, causeront la scandale quand il troquera la guitare sèche pour la guitare électrique. Celle qui l'a toujours fait bander. Les albums changeraient la culture musicale à jamais. Peu de musiciens peuvent fuir leur ombre, peu l'on essayé. Bowie* et Dylan l'ont réussi avec leurs trilogies. Choisissant une chute en moto dans une courbe comme sabotage de carrière dont il n'aimait pas la direction, il livrera trois albums dont le premier indiquait, dès son titre, son envie de retourner à ce qui lui avait toujours donné le goût de faire de la musique. La pochette sera tirée du salon de son gérant, Albert Grossman, avec sa Femme. Le second album propose aussi quelqu'un derrière, comme un marionnettiste contrôlant toujours un peu notre artiste. Mais peut-être y a t il aussi une moto pour fuir sur cette Highway 61. La chanson d'ouverture est un moment de grâce épique. Un cri de délivrance. Le dernier album, double, offrira une photo brouillée, oui, le Bob que vous connaissiez se pousse ailleurs. Bye bye Grossman, je roule ma bosse ailleurs. Marié moi aussi. Signé d'un modernisme littéraire et de l'expertise musicale de musiciens de Nashville, Bob signait de ses trois disques l'histoire de la musique de langue anglophone, d'Amérique du Nord.
Notables trilogies:
Serge Gainsbourg (Du Jazz Dans le Ravin, Couleur Café, Comic Strip), Harmonium (Harmonium, Et Si On Avait Besoin d'une Cinquième Saison & L'Heptade), The Stooges (The Stooges, Funhouse & Raw Power), Kanye West (The College Dropout, Late Registration & Graduation, Eminem (Shady LP, Mathers LP & Eminem Show) Pink Floyd (The Dark Side of the Moon, Wish You Were Here, Animals) & Marylin Manson (Antichrist Superstar, Mechanical Animals & Holy Wood).
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
Certaines Conditions S'Appliquent:
Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)