Je vous parle d'un film tiré de ma vidéothèque qui m'a beaucoup séduit de par ses interprêtes, son scénario, sa vision, son ton, son sujet, sa cinématographie, son audace, son rythme, sa musique, ses choix, souvent tout ça en même temps.
Quand ça vient de talent de chez nous, ça me rend carrément fou. Et fier d'être fou.
TU DORS NICOLE de STÉPHANE LAFLEUR
J'adore absolument tout de Stéphane Lafleur. C'est d'abord un musicien. Dans le groupe Avec Pas d'Casque. J'ai aimé ce groupe avant même de les entendre simplement pour ce nom de band qui fait référence à notre manière de parler des joueurs de hockey, quand nous étions enfants, qui jouaient sans porter le casque dans les années 70. "Il joue avec pas de casque" disions nous, alors. C'est un splendide clin d'oeil à notre enfance Québécoise. De plus, leur musique est excellente. Avec des lignes comme Mon dos n'est pas une chaise, pourquoi tu t'assois dessus, La journée arrête pas de commencer ou Dommage que tu sois pris, j'embrasse mieux que je parle. Chaque fois que j'écoute les albums (que j'ai toutes en copies dures), j'ai envie de lui voler une ligne pour en faire un titre de mes écrits. L'ai surement déjà fait.
En 2007, il scénarise et tourne Continental (un film sans fusil). Un bijou selon moi. Je ne serai pas le seul séduit, Lafleur fera table rase, avec ce film, à la remise des Prix du Cinéma Québécois suivante. 4 ans plus tard, il tourne En Terrains Connus. Autre merveilleux film traitant de l'individualité, de la solitude et des interactions entre êtres humains. Il fait même un clin d'oeil à mes collègues martiens.
En 2014, en en voyant que la bande-annonce, et sur ce que je connaissais de Lafleur, j'ai tout simplement acheté le film avant même de l'avoir vu. Le jour où le mythique magasin vidéo La Boîte Noire a fermé ses portes. J'ai acheté un Godard, Inside Llewyn Davis, (acheté aussi par flair) sur la simple foi en ce que font généralement les frères Coen et Tu Dors Nicole, troisième film de Stéphane Lafleur.
Aussi son dernier jusqu'à maintenant.
Lafleur est aussi monteur, il a entre autre monté le film Monsieur Lazhar de Phillipe Falardeau. Autre abonné aux Prix du Cinéma Québécois.
J'ai scoré fort, avec pas de casque, en achetant Tu Dors Nicole.
Lafleur nous raconte l'été d'une jeune fille, Julianne Côté dans le rôle titre, qui a la responsabilité de la maison familiale dont les parents ont quitté pour l'étranger pour l'été. Le frère de celle-ci vient s'y installer avec son band de musique. Nous sommes en banlieue morte et le film est tourné dans un somptueux noir et blanc par l'excellente Sara Mishara.
L'action du film est plus sonore que visuelle. On remarque qu'il y a quasi absence de mouvements de caméra. Chaque plan est merveilleusement composé et les acteurs se meuvent dedans assez poétiquement. Nous sommes dans une banlieue, jamais nommée, où les vélos sont légions. Nous y verrons une seule voiture, dans une scène évoquant le danger et la prostitution, fort habilement tournée, virant familiale, et cute. On a presque toujours l'impression de visiter un rêve. Un beau rêve. Avec sa part d'absurdités.
Une phrase décrit bien l'état d'esprit de notre Nicole en début de film:
"I' m'intéresse pas, on a la grosse paix". C'est un film qui recherche à la fois paix et quelque chose d'autre. La réinvention. En effet, Nicole travaille dans une friperie, vole du linge laissé en don, un peu des fois et compte partir avec son amie Vero (splendide Catherine St-Laurent) en Islande faire du beau rien. Ce film est un véritable hommage au beau rien.
L'humour y est distillé intelligemment dans les dialogues et parfois simplement visuellement. On comprend qu'il y a une certaine mélancolie chez Nicole quand une collègue lui souligne le mythe du cancer des ovaires si on se tient trop près du micro-ondes. Une idée inspirée de Todd Solondz dans Happiness. Autre FORMIDABLE film.
Des fois l'humour ne dure que quelques secondes. Comme cette femme ramassant les crottes de son chien à la balayeuse ou ce patron anglophone ne sachant tout simplement pas quoi dire à Nicole qui traine au travail de sa copine Véro.
La musique y est si bonne et importante, la musique jouée à l'image comme l'extra-diégétique, que je me suis téléchargé la trame sonore.
Nous sommes témoin d'une jeune fille en dormance au prise avec un enfant dont la voix à prématurément mué et qui tente de la convaincre qu'il aussi beaucoup maturé et l'attendra pour être plus intime avec elle. Nicole, est peu à peu larguée de partout. Plus active la nuit qu'elle ne semble l'être le jour, elle est un geyser qui ne demande qu'à exploser.
La mise en scène rappelle à la fois Fellini et Welles et Lafleur a glissé un ton neuroatypique dans le film, qui m'attendrit de manière Pavlovienne.
Il y a multiples signes de désertion dans ce merveilleux film. Désertion des sens, désertion physique, mais désertion des sentiments aussi. Le film ouvre d'ailleurs sur un bel abandon esthétique. On ne verra pas le visage de 4 des personnages du film.
Je n'ai jamais eu de relations très proche avec mes deux soeurs, elles, se liant naturellement très tôt. Toutefois, dans ce film, j'ai devant mes yeux une relation frère-soeur que j'ai tout simplement sous mon toit. À peu près la même dynamique. Forcément, ça me rejoint.
Et, sans que ce ne soit jamais nécessaire, Julianne et Catherine sont tout ce qu'il y a de plus charmantes pour mon regard.
Exceptionnelle errance sur la dormance banlieusarde. Drôle, esthétique, charmante et fort agréable.
Les choix de Stéphane Lafleur, les tons, me plaisent tout le temps.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)