lundi 29 avril 2019

À La Recherche Du Temps Perdu***********Wuthering Heights d'Émily Brontë

Chaque mois, dans les 10 derniers jours, tout comme je le fais pour le cinéma (dans les 10 premiers) et pour la musique (vers le milieu), je vous parle d'une des mes fortes passion: la littérature.

Lire, ce n'est pas travailler pour moi. (Oui, parfois, souvent, je suis aussi traducteur)
C'est réapprendre à respirer autrement. C'est s'approprier du temps.

C'est de l'or.

Lire se perd. C'est dommage. Lire c'est s'ouvrir à un nouveau monde. C'est plonger dans la tête d'un(e) autre.

Plongée dans la tête d'une femme dans une histoire à la fois insolite et atroce.

WUTHERING HEIGHTS de EMILY BRONTË

Les soeurs Brontë ont eu une vie courte et intense. Emily 5ème enfant d'une famille de 6 sera la plus mélancolique. Quand elle soigne son frère Branwell qui sombre dans la déchéance suite à un échec amoureux, et meurt de la tuberculose, Emily attrape alors aussi la maladie. Et, têtue, refusera de la soigner. Le suivant dans la mort deux mois plus tard.

En 1847, deux ans avant de mourir, elle publie son unique roman, l'histoire d'amour et de vengeance d'une famille accueillant Heatcliff, qui vient déstabiliser la dynamique entre le frère, Hindley et la soeur, Catherine. Le récit est principalement fait par la gouvernante de la maison à un nouvel arrivant, mais Emily se sert habilement de la mise en abyme afin de narrer la majorité du récit. Ainsi, il n'est pas rare de voir un premier narrateur raconter l'histoire de quelqu'un qui racontera à son tour l'histoire d'une autre.

L'esprit sauvage de l'auteure est d'une violence qui se traduit fabuleusement dans son histoire. Une intensité que même Réjean Ducharme a goûté à l'autel de son unique livre. Dans une ligne formidablement appropriée de son roman, des mots épousent parfaitement la manière dont on aurait pu décrire Emily:
"...removed from the stir of society."

Mais en même temps, Emily était d'une telle vivacité d'esprit qu'elle traite, dans son livre, de la théorie de l'évolution, que même Charles Darwin n'a pas encore exposé comme on la connaît maintenant. (Ça se fera 10 ans plus tard). Femme en avance sur son époque, publiant, comme ses soeurs, sous un pseudonyme masculin, elle vivait en quasi réclusion. Ne serait jamais elle-même tombée amoureuse. Mais en aurait compris les dynamiques en lisant beaucoup, et dans ce qu'elle observait chez son frère et dans sa famille. Sa connaissance de l'actualité était notoirement grande pour quelqu'un d'aussi reclus.

Le personnage de Heathcliff, qui parle de lui-même en disant que la jeune fille devant lui ne se doute pas que le diable est si près d'elle, et celui de Hindley, son rival, alcoolique et aux prises avec des occasionnelles crises de folie, seraient de grosses influences de l'unique frère Brontë, Branwell.

Le livre est reçu, en 1847, avec une certaine consternation, de par le caractère violent de certaines scènes, et par la nature hostile de certains protagonistes. Mais pas nécessairement dénigré. L'admiration deviendra plus grande encore quand on découvrira qu'une jeune femme, recluse, avait créé tout ça.

Emily évoquait la rare question de l'inexistence de Dieu, ce qui la plaçait encore nettement en avance sur son époque. La violence et la tension des relations humaines sont d'une cruauté fascinante. Sa vision de ce qui est fort et de ce qui est faible la rapproche de Nietzsche.

Intellectuellement, elle raisonnait en communion avec les grands penseurs de son époque.

Qui étaient presqu'à 100%, des hommes.

Elle était Femme avec un grand F.

L'intrigue de son roman lui aurait été inspirée par un drame familial dont elle aurait eu connaissance quand elle enseignait dans une école près d'Halifax.

Le livre a été adapté en film dès 1920, dans un film muet. Puis 19 ans plus tard, aux États-Unis, par William Wyler, une version beaucoup trop propre. En 1954, transposé dans un contexte hispanique par l'enfant terrible Luis Bunuel. Jean-Paul Carrère en fait une série télé en 1964. Robert Fuest un autre film en 1970. Rivette transpose l'action en Haute-Provence dans les années 30, en 1986. La sortie de ce film adapté très librement par Rivette, sera discrète, mais est entièrement disponible ici, maintenant. Le cinéaste japonais Yoshishige Yoshida l'adapte aussi en film, très personnellement, en 1988.  Ralph Fiennes & Juliette Binoche sont de la distribution d'une autre adaptation en 1992. Un téléfilm est signé David Skynner en 1998 et un autre fois en téléfilm par Suri Kirshnamma , en 2003. Coky Giedroyc en 2009 et Andrea Arnold, deux ans après, en font des films. Anthony DiBlasi en fait une adaptation moderne du XXIème siècle, dans une école secondaire.

Toutes les adaptations ne couvrant pas toujours les 40 ans d'histoire, mais toujours la première partie et la première génération de personnages.

Deux opéras et autant de ballets sont inspirés de cette oeuvre grandiose de bouleversements intérieurs.

Chef d'oeuvre romantique, gothique, philosophique, mélancolique, magique.

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)