"...I died a hundred times..."
-A.W.
Justin regrette.
Justin jure qu'il apprendra de ses erreurs.
Pas besoin de quitter le Canada une semaine pour que le même film ne se rejoue chez nous.
Nous avons quitté le Canada. Y sommes revenu. Rien n'a beaucoup changé. Et pourtant tout changera.
Je ne garderai pas plus longtemps mon mal-être. Je vous en fais part. Je vous livre tout. Parfaitement conscient que je n'attirerai pas une seule larme. Je vais même tenter de vous rendre la chose amusante.
Nous déménagerons.
Je n'en parle actuellement à personne. Parce que je suis à l'envers des réactions attendues. J'ai été forcé, une fois, d'en parler au boulot. On m'a félicité. J'ai dit non. Non, merci. Je ne voulais pas déménager. Je ne voulais même pas emménager. Mais pour le savoir, il fallait que j'ai eu une maison une première fois. Je l'ai eue. En 2002. 16 ans et demi plus tard, je commence tout juste à en aimer beaucoup...le sous-sol.
Je traite ma maison actuelle comme un condo. Je passe 80-85% de mon temps à la maison au sous-sol. À y travailler, lire, écouter des séries en amoureux, écouter des films, écouter de la musique, vous écrire. Je traite ma maison actuelle comme un condo. Le condo que je rêve d'avoir un jour. Dans la construction de ma personne, on m'a bâti comme celui qui habiterait le décor d'une sitcom. Un condo à aire ouverte. En hauteur. Avec vue sur la (une) ville.
Ça, ce sera chez nous. J'ai été propriétaire d'une maison, je n'en voulais pas d'une nouvelle. Je n'ai jamais pris plaisir à être propriétaire d'une maison. Je ne la mérite d'aucune manière. Je ne possède pas d'outils. N'en veux pas puisque je ne m'en sers pas. Je suis le contra
ire de celui capable ou intéressé à "travailler" une maison. Une maison, c'est pour y prendre pied. Jamais marteau. C'est comme ça que j'ai été construit.
Là, on repart à zéro. Je n'ai aucune envie de tâter du pinceau. De refaire une galerie. de gosser un mur. De gérer une piscine. On a acheté une maison dans laquelle je ne trouve pas de points positifs. Je cherche très fort. J'en ai trouvé deux. Trois. Deux points cons et un plus sain.
-L'entrée est grande, les trois voitures y entrent, plus besoin de se chercher un parking dans la rue pour la troisième voiture.
-On aura un casier postal plus loin dans la rue, et non une boîte à la maison. Plus jamais on aura des remontrances de facteurs/factrices sur le chemin glacé menant à la porte.
-Finalement, le seul vrai point positif que je vois, c'est l'excitation des trois autres membres de ma famille. Dont Monkee, qui n'y restera que quelques années, puisqu'à son âge, ça faisait déjà deux ans que j'était parti de chez moi. (l'amoureuse a toutefois pris 6 ans de plus chez ses parents avant de quitter le nid, il tient de sa mère.) Mais leur excitation est à la hauteur de ce qui m'éteins.
Vous m'avez lu, certains depuis 2008, vous savez que je ne suis pas un homme de maison. Que je ne prends jamais plaisir à entretenir/réparer/gérer une maison. J'en tire toujours une chronique grotesque, comique, absurde ou plaintive. Je le fais encore aujourd'hui.
Le père de mon père est décédé à 59 ans. Le mien, à 62. Ça me laisse encore entre 15 et 20 ans de vie. Même si je me trompe, je ne vois pas les mois, les années à venir, ce qui me reste de vie comme très amusant. J'habiterai une ville que je méprise souverainement, dans une maison qui ne m'attire en rien, et dans laquelle on me promet une chambre minuscule pour y construire mon bonheur où ce qui constitue actuellement le sous-sol n'entrera jamais, mais alors jamais.
On passera les prochains mois à faire des boîtes. À recevoir des truffions qui voudront acheter la nôtre. À supporter leurs remarques à la con sur notre maison. À la négocier. C'est comme si on me promettait de m'arracher toutes les dents. Follement insupportable.
On meurt tous plusieurs fois dans nos vies. Je suis mort il y a deux lundis. Lourdement. En vacances, j'ai consommé avec gourmandise le livre Le Lambeau* de Phillipe Lançon, qui s'est fait arracher la mâchoire dans l'attentant contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Il a trouvé le ton léger, charmant et parfois comique, pour raconter la propre mort de ses 50 premières années de vie.
Parce qu'on ne survit pas à un tel attentat où a fait semblant d'être mort. On renaît autrement parce qu'une grand partie de nous est effectivement morte, le Phillipe Lançon avec une lèvre inférieure et une mâchoire, dans le cas du Lambeau.
Mon drame se compare assez peu au sien. Et pourtant, je n'arrive pas à trouver le ton comique pour vous en parler.
Une grande partie de moi-même est aussi en deuil. Je ne serai pas l'homme de maison que je n'ai jamais été. Je vais même fort probablement beaucoup pleurer. Car je serai toujours en résistance sur ce que je ne suis absolument pas. Et ne voudrai jamais être. Je le connais aussi ce film là. J'ai joué dedans. J'étais pas bon. Ne compte pas m'améliorer. Je suis ailleurs.
Pensant probablement que c'était à la fois notre première maison et/ou une fameuse bonne nouvelle, mon boss au travail m'a accueilli avec un franc et souriant : " T'as dû bien dormir hier soir" le lendemain que je lui parlais de la maison achetée. J'en ai eu les larmes aux yeux quand j'ai plutôt répondu "Non, ce n'est pas une bonne nouvelle, je ne dors plus, ma vie fout le camps, ne m'en parle pas, svp".
Je ne tiens pas à attirer la sympathie. Je sais que je stimule probablement davantage le contraire. La plupart rêvent surement d'une maison. Mais pas moi. J'y suis mort plus de 100 fois.
Fin juin, je meurs encore une fois.
Plus fort encore.
Le beau-père passe vendredi et samedi, rafistoler des petites choses pour celle qu'on vendra. Celle que je ne voudrais pas quitter. Je devrai répondre à un probable "Pis? es-tu content?" ou pire, à "si tu veux la vendre il faudra...".
Ben voilà. Faudra être honnête.
Si je suis honnête, les réponses seront respectivement:
"Non, je suis quelque part entre la frustration, l'amertume, le colère et le désespoir, l'excitation est pour le moment très inexistante".
et
"Je ne veux justement pas la vendre, votre fille et nos deux enfants sont en amour avec l'idée, surtout pas moi, le triste éxécutant".
Je tenterai de trouver le ton amusant/charmant de Lançon sur le sujet.
Si je vous en reparle.
Pour le moment, je suis de retour dans le noir.
*Un formidable livre.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire
Certaines Conditions S'Appliquent:
Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)