Chaque mois (normalement) dans les 10 premiers jours, je vous parlerai cinéma. Tout comme je vous parle musique (vers le milieu) et littérature (vers la fin).
Je vous en parle parce qu'il m'a séduit pas sa facture visuelle, sa proposition narrative, son inventivité, ses images et ses sons, sa créativité, son flair, son inspiration, ses interprètes, sa réalisation, son esthétique, son histoire, son propos et son angle sur un sujet choisi. Je vous parle d'un film dont j'ai aimé les choix. D'un film qui a eu un fort impact sur ma personne.
Et vous en fait une publicité afin que vous soyez tenté de prendre les moyens de le voir vous aussi.
Un film est un voyage à très peu de frais. Un luxe parfois extraordinaire.
J'ai entendu parler de Laurentie par mon idole, Pierre Foglia. Il ne disait pas c'était quoi, il ne faisait que l'évoquer dans une phrase comme "...pas vu un film aussi intéressant depuis Laurentie...". ça m'a suffit. J'ai emprunté quelque part, j'ai vu. J'ai absolument capoté.
La Laurentie était le nom que portait le pays du Québec dans plusieurs projets indépendantistes pré-1960, ainsi que dans des ouvrages non politiques. C'est un dérivé direct de St-Laurent. Comme dans fleuve St-Laurent.
Dans le film de Simon Lavoie et Mathieu Denis parlera d'identité. Louis Després (solide Emmanuel Schwartz) a 28 ans. Il est monteur d'images. Quand il est assurément seul, il en profite pour visionner des images cochonnes. Louis est un homme seul. Il est nouvellement déménagé et son logement est attenant à celui d'un jeune anglophone easy-go-lucky. C'est-à-dire, un jeune homme qui mord dans la vie, qui rayonne, animé et plein d'entregent. Tout ce que Louis n'est pas. Louis a deux vrais bons amis. Avec lesquels ils espacent de longs silences en écoutant de la musique classique. Ils partagent des bières dans ce qui ressemble à de la sombre auto-destruction, là où son voisin anglophone fait la même chose dans la lumière et diffusant la bonne humeur. Louis est un homme de peu de mots. Il croira avoir le dernier. Mais plus souvent qu'autrement, multipliera surtout les mauvais choix.
Lavoie & Denis ont tricoté un film noir et sombre. Un film angoissant et inconfortable. Dès le premier plan, les enfants, les grands-parents, devraient être éloignés. D'ailleurs la plupart de leurs plans durent entre 5 et 9 minutes. Leur film est le contraire d'un film de Baz Luhrman. Ce portrait d'une société en manque de sens individuel et collectif frappe fort. On trouve facilement 5 à 6 scènes qui dérangeraient bien des gens. Les malaises sont nombreux. Et c'est un peu ça qui est aussi fameux. Le cinéma doit avoir un impact et le film de Lavoie & Denis nous reste en tête longtemps.
J'ai récemment vu Ceux Qui Font La Révolution à Moitié Ne Font Que Se Creuser un Tombeau des deux mêmes auteurs. Un film moins réussi mais qui reste aussi beaucoup en tête. Lavoie disait récemment, en entrevue, qu'il est issu d'un petit village, et que lorsque vous étiez d'un autre comté, dans sa région, un malaise s'installait...Imaginez à Montréal...Dans Laurentie, l'anglophone est observé comme un animal de zoo. Et la conclusion est tout ce qu'il y a de plus coup de poing.
Ce film nous habite longtemps.
Il y a du Camus dans ce malaise existentiel que l'on traîne sur deux heures. Il y a aussi du Dostoievski. Séparés, ces deux réalisateurs sont tous aussi intéressants. Corbo, de Mathieu Denis est fort bon. La Petite Fille Qui Aimait Trop Les Allumettes de Simon Lavoie m'intéresse aussi beaucoup. J'avais adoré le livre de Gaetan Soucy qui m'avait beaucoup plu et l'idée d'adapter cette sombre histoire ne peut que stimuler ma curiosité.
Laurentie est aliénant, hantant, formidable.
Une ode au spleen qui soulève bien des questions. Qui fait réfléchir. Qui nous habite.
Comme une Laurentie latente.
Et mal mûrie.
Ironique que j'ai pensé à un film du genre, aujourd'hui...
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)