On voyage avec toute sortes d'histoires en soi.
Cette semaine, conduisant camion, revenant de vacances, travaillant 10 à 12 heures par jour, dormant peu, j'ai navigué avec plusieurs histoires en moi. On est pas si seul au volant d'un camion.
Bien entendu je revisitais mentalement mes dernières vacances. Je venais d'y passer 7 jours de changement complet de décor qui m'ont fait savourer l'album et l'univers des Hay Babies.
Mais dès le début de la semaine, je devenais hanté de deux choses. La première étant Élizabeth Laplante.
Si vous êtes Québécois, vous la connaissez surement. Au moins de vue. Tout dépend de votre consommation de la station TVA. La télévision populiste. Laplante y est journaliste télé. J'ai toujours eu une certaine fascination pour Elisabeth Laplante. Elle est la fille de Diane Grégoire. Femme assassinée par son mari. Ce dernier avait faussement prétendu l'avoir attendu à la sortie d'un centre d'achat où il y avait rendez-vous après de prétendues emplettes. Mais après seulement 15 minutes d'attente, il avait signalé sa disparition. 15 minutes de retard, dans toute relation normale, est fort plausible. Mais voilà, la relation entre Diane Grégoire et son mari (parents d'Élizabeth Laplante) battait de l'aile et on parlait de possible séparation.
Ce que monsieur ne voulait en rien. Il a donc choisi de la tuer et de placer son corps dans une autre région. Ce que les policiers ont tout de suite ressenti puisque Diane ne se trouvait pas sur les images des caméras du centre d'achats, ni dans le souvenir de tous les gens des boutiques du magasin. Elizabeth a aussi eu de gros doutes. En parlant avec son père elle entendait des choses inexplicables comme "Si je peux nuire à l'enquête des policiers pour la retrouver, je vais le faire". Inexplicable à moins qu'on l'ai tuée soi-même. Elizabeth a non seulement eu à faire le deuil de sa mère lorsqu'ils ont découvert son corps, mais aussi le deuil de l'homme qui jusqu'alors avait été son père, convaincu assassin. Ce dernier s'est aussi enlevé la vie en prison. Double deuil familial pour Laplante et son frère. Mais attendez, ce qui était à l'origine de la possible séparation entre (feu) Diane et son mari, c'était justement la phrase d'église, prononcée amoureusement en plein mariage, qui dit "jusqu'à ce que la mort nous sépare". Un autre frère d'Élizabeth s'était suicidé un an avant la disparition de Diane Grégoire.
Donc. Elizabeth Laplante vit avec le deuil de son père, de sa mère, assassinée par celui-ci et avec le deuil d'un de ses frères qui s'est supprimé de la planète avant tout le monde.
Ouf!
Et on pense qu'on a des problèmes?
Vous imaginez la couleur de certaines histoires qui l'habitent?
3/5 de la famille directe d'Élizabeth Laplante n'existe plus. Et a disparu brutalement. Et au moins une fois, injustement. Et Laplante était au coeur de tout ça. À l'âge tendre d'entre 18 et 25 ans.
Je savais tout ça quand je la voyais à la télé faire ses reportages. (pas le suicide de son frère toutefois). Je la trouvais non seulement forte, mais aussi lumineuse d'une résilience hors du commun. Et ce qui me fascinait davantage encore, c'était qu'on l'affectait (à ses débuts) aux faits divers. Elle aurait donc pu être la reporter qui annonce les détails sordides de l'histoire de sa famille. Parfum lugubre.
Cette semaine elle était en promotion aux stations de radio pour sa série télé toute nouvelle "tu ne m'as pas tué(e)" qui, vous le comprendrez, trace le portrait de gens qui ont subi de tels drames et qui survivent tant bien que mal. Tout ça guidé par le micro de Miss Laplante.
Pour qui j'ai un immense respect.
Le lendemain, on apprenait la mort de Réjean Ducharme. Une lumière incandescente dans ma vie. Un homme de peu de place publique, par choix, mais d'immensité en moi.
Un homme qui a compris que les adultes sont des enfants qui jouent aux adultes. Un homme qui a compris que seuls les gens qui vivent sur le qui-vive ne vivent, parce qu'il n'y a que sur le qui-vive que l'on vit.
Ducharme avait l'âme libre qui me fait avancer sur cette planète. Même dans la représentation des drapeaux il fait appel à ce que ceux-ci se libèrent de leur pays désigné.
J'ai acheté vendredi son livre de dessin. Circa 1960-1966. Il m'a encore fait voyager. Comme toujours. De par ses dessins qui rappellent les dessins faits pendant une conversation téléphonique (avec fil, dans le temps qu'on se levait pour changer les postes de télé). Même dans ses dessins, ce sont les mots qui gagnent.
Son espièglerie me gagnera toujours. Il ne m'abandonnera jamais. Kubrick est mort. Bowie est mort. Ducharme est mort. De mes trois domaines préférés, j'ai perdu mes trois grands leaders. Mais j'ai tout (ou presque) de chacun. Ils m'inspireront toujours.
Ducharme était tout charme pour moi. Le restera.
Sa liberté est aussi mienne. Complètement dans mon ADN.
Sa fragilité aussi.
Zone qu'Élizabeth Laplante et son frère ne peuvent fréquenter.
J'ai un immense respect pour tout ce trio.
Laplante, son frère survivant, RD.
Des gens aux histoires multitêtes.
-Du vin Réjean? prend tu le bateau ou l'avion?
-Le nuage.
Ne tombe pas du nuage. Redg.
Wash the world off my back, please.
J'ai voyagé avec tout ce monde cette semaine.
Sur bien des routes du Québec.
Et de l'intérieur.
Les dessins ci-contre ne sont toutefois pas de Ducharme, dessins beaucoup plus primaires, mais de Jean-Claude Götting, illustrateur de la plupart des versions de poche de la collection Folio des (fameux) livres de Ducharme.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)