mercredi 14 juin 2017

Clip 80

J'ai l'âge d'avoir connu la naissance (et l'agonie) du videoclip musical.

Pré-Musique Plus, l'équivalent francophone de MuchMusic, qui lui était l'équivalent canadien de MTV, des stations diffusant exclusivement des vidéoclips musicaux, il y avait, sur le canal 26 (appelé Canal Famille, je crois), une émission qui fût appelé Muchmusic 85. L'émission nous offrait trois vidéoclips (pas plus), dans une émission de 30 minutes, où la présentation des 3 clips était animée par un extraordinairement amorphe Claude Rajotte aux cheveux longs (derrière, toujours rien dessus). Les 3 clips étaient jugés discriminatoirement comme les 3 plus populaires (ou intéressants) et on se les tapait tous les jours, en reprise, toute la semaine.

Je me souviens y avoir suivi religieusement les clips de Duran Duran, Tina Turner, Madonna ou Bronski Beat. Dans le premier clip, je voulais vivre, dans le second je découvrais le spleen de la solitude, dans le troisième, j'y visitais le regard du désir et dans le dernier clip, je découvrais soudainement une réalité qui nous était tous étrangère dans mon conventionnel 418 où l'homosexualité y était tabou.

D'ailleurs comme le décor restait très Anglais, le sujet nous resterait encore tabou longtemps.

Quand Musique Plus ouvrirait finalement ses portes, un an plus tard, avec ses 4 premiers VJ (video Jockey),  je serais de toute les équipées. Fidèle au poste. C'était mon Youtube avant que Youtube n'assassine ces stations. Amoureux de Marie Plourde quand son visage était naturel, puis d'Iza Desjardins ou Tatiana Polevoy dans les dernières années, j'ai lâché la station assez tard. Quand la Musique n'était plus la priorité.

Il y a eu  Video Hits, avec Samantha Taylor sur CBC et "Videos" (je crois) sans animateur sinon une paire de lunettes comme agent de liaison entre les clips, qui m'offraient aussi leur demie-heure de découverte visuelle et auditive sur CTV et qui étaient des rendez-vous que je manquais rarement.

Je vous offre donc aujourd'hui 15 clips des années 80 qui m'ont alors marqué.

1980
Private Idaho des B-52's.
Je serais menteur de dire que je l'ai connu à 8 ans. Je dirais même que j'ai probablement découvert le clip autour de 1989. Quand Kate Pierson est apparue vocalement chez Iggy et Stipe et compagnie. Quand on découvre Pierson en 1980, on la découvre avec la coupe de cheveux la plus fascinante que j'avais alors vue dans un clip musical. Une coupe de cheveux habitable à l'année. Fred Schneider est l'anti star par excellence. Je m'attendrais à ce qu'il m'ouvre une valise et me vende des accessoires sexuels louches. Il a toute une tête! Et Cindy Wilson me fait beaucoup rire. Tout d'abord elle se penche constamment vers un inexistant micro, mais surtout, elle ne semble pas du tout convaincue de ce qu'elle fait. Toujours sur le point de décrocher. Comme Patricia Paquin (à qui elle ressemble aussi) quand elle était "actrice". Souvent avec un petit "smirk" sur le coin de la bouche. Pierson est aussi excessivement drôle vers 2:45, alors qu'elle ressemble comme deux gouttes d'eau à ma tante Sherlic Jones quand je lui ai dit que j'avais cassé sa fenêtre de sous-sol, avec une balle de hockey, vers 1980, justement. La symbiose vocale entre Wilson et Pierson est toujours délicieuse de nos jours.

1982
Thriller de Micheal Jackson
Les accès aux vidéos étaient si rares qu'une fois par année, une station télé (anglophone sûrement) avait choisi de faire "la nuit des vidéos", une émission qui diffuserait des clips musicaux "toute la nuit", soit de 20h à minuit 30 (genre) et dont le clou était ce clip/film de John Landis (à minuit pile!). Jackson avait aimé l'esthétique de Landis dans son film précédent et souhaitait la retrouver pour sa chanson titre d'album. Micheal ne se doutait pas que sa ligne "I'm not like other guys" allait lui rebondir au visage des années plus tard avec toutes le rumeurs de pédophilie l'entourant. La peur (qui disparaît complètement quand ils se mettent tous à danser) la chorégraphie des morts vivants (dont on ne retiendrait que le mouvement à 9:11) le bras qui tombe (à 7:51). Pour nos yeux de 10 ans, ce clip était la totale.

1983
Doesn't Really Matter de Platinum Blonde
Ce clip s'était d'abord pour moi la chanson. Les partitions des trois instruments me satisfont pleinement. Et la partition vocale, je la rend parfaitement. Un peu trop même. Ma virilité en disparaît. L'esthétique underground, l'éclairage sombre contreplaquée contre le blancheur soudaine, la guitare rugueuse de Gallo, les charmantes jeunes femmes avec qui j'aurais volontiers partager quelques cocktails...J'ai encore des frissons adolescent vers 2:51 du clip. Quand les objets choisissent de voler dans les airs et que les portes bougent toutes seules. Des frissons jusqu'à la toute fin.

1983
Rock it de Herbie Hancock
Dans cette nuit des vidéos évoquées plus tôt, l'autre clip dont tous les 5ème année parlaient était ce morceau semi instrumental d'Herbie Hancock. Plusieurs (dont moi) en avions eu plus peur que de Thriller. Les jambes qui dansent toutes seules sont venues me visiter dans mes cauchemars.

1983
Pale Shelter de Tears for Fears
Un vidéo qui débute avec une fille en maillot de bain et un crocodile qui va la rejoindre capte l'attention d'un garçon en pleine puberté, quoiqu'on en pense. Mais quand la chanson est bonne en plus, ce n'est jamais une souffrance de revisiter. Curt Smith n'a jamais eu l'air autant d'une fille et Roland Orzabal n'a jamais été plus mince. Pas certain de comprendre la symbolique des mains et les différentes scènes du quotidien devenues plus hostiles qui se terminent en fin chorale, mais j'aime bien les multiples avions en papier. Il faut d'ailleurs se rendre à la fin pour voir Orzabal se manger une pointe d'avion dans l'oeil. Qu'es-ce que ça nous faisait rire à 11 ans 😂

1984
Somebody's watching me de Rockwell
Pour nos parents c'était Psychose qui les traumatisait de la douche pendant un certain temps. Pour nous, c'était Rockwell. On a tous regardé plus attentivement la couleur de l'eau issue de notre jet de douche au moins une fois par la suite. Depuis les révélations de Snowden, ce titre n'a jamais été plus d'actualités. D'ailleurs quelques sans talents ont repris une partie du refrain ailleurs sur nos ondes radios.

1985
We Run de Strange Advance
Il y a d'abord le morceau musical que j'aimais beaucoup, mais le plan d'ouverture est aussi très cinématographique. Mon amoureuse de l'époque avait un peu la tête de la fille dans le clip, ce qui m'a beaucoup aidé à aimer le clip. J'adore les jeux de regards et ce clip en est tout plein. Le regard vers 3:06 m'émeut encore beaucoup. ça transpire la nostalgie que je vous écris ici.

1985
Don't Come Around Me No More de Tom Petty and the Heartbreakers
Cette chanson avait été écrite par Dave Stewart (des Eurythmics, à partir de 0:13) et offerte à Stevie Nicks qui débutait sa carrière solo. Elle a toujours regretté l'avoir refusée (en bébé gâtée disait-elle, alors). Stewart l'avait écrite après avoir surpris Nicks essayer du linge de style victorien, le lendemain d'un gros party, vers 5 h du matin, et qui lui avait donné l'impression de se réveiller dans l'univers d'Alice Aux Pays des Merveilles.  Univers honoré dans le clip. J'aime tout du clip. J'aime d'abord le jeu de perspectives des grandeurs, constamment déjouées. J'aime l'utilisation de la sitar dans la musique. J'aime le petit bout rock'n roll, J'aime les trois personnages enigmatiques féminins dont l'une est Marylin Martin, qui aurait un autre gros succès l'année suivante, en duo, puis dont j'achèterais l'excellent 45 tours, lorsqu'en solo. On y bouffe de la blonde dans le clip bien avant Katy Perry.

1985
Loving The Alien de David Bowie
LE clip et LA chanson qui m'ont fait versé dans l'univers de Bowie. ce visage bleu sous cheveux jaunes, cette voix grave, ces mariés du dépotoir, ces musiciens Ballardiens, ce survol à genou sur l'eau, ce décor de Dali, cette bouche qui s'illumine, un monde nouveau s'ouvrait à moi et me changerait à jamais.

1985
19 de Paul Hardcastle
Cette chanson était un cours d'histoire des États-Unis. On a beaucoup dansé là-dessus sans toujours réaliser la lourdeur de l'horreur des propos véhiculés. C'est un britannique (Hardcastle) qui allait secouer les puces des États-Unis avec son morceau. Encore aujourd'hui, (surtout avec notre nouveau chaton, Spookie) je reprend souvent le passage dededededes-dedes-dedestruction! Les images, lorsqu'on comprend bien les paroles, sont brutales.

1985
Election Day d'Arcadia
J'aimais pas mal tout de Duran Duran, alors quand Lebon & Rhodes (et des fois Roger) sont devenus Arcadia, j'ai encore beaucoup beaucoup aimé. Leurs clips sont encore, à mes yeux, meilleurs que presque tous ce qui se fait de nos jours. Une esthétique sensuelle, élégante, aux couleurs que j'aime. William Burroughs (auteur du livre Wild Boys qui a inspiré la chanson de Duran) y fait un cameo (1:42). Grace Jones y va d'un cameo vocal et Carlos Alomar y gratte sa guitare. Lebon menace sérieusement de décrocher en fin de clip. Leurs femmes sont toujours d'un chic!

1986
West End Girls des Pet Shop Boys
Ce clip m'a toujours fasciné pour plusieurs raisons. Chris Lowe y est hantant. Il ne fait qu'acte de présence et apparaît même en fantôme. (même si il est la tête musicale du duo). J'ai toujours eu l'impression que c'était comme le dernier clip où on pouvait filmer de purs inconnus dans la rue sans leur demander de permission de diffusion. Toute la liberté visuelle que l'on prend vers 2:52 ne serait plus permise de nos jours. Surtout pas une femme léchant un cornet de crême glacée dont toute l'innocence serait réinteprétée différemment de nos jours. Excellent souvenir musical aussi. Les Pet Shop Boys ont souvent fait d'excellents vidéos, dont un qui semblait absolument capturer notre adolescence en images et en mots avec Being Boring.

1986
Ouragan de Stéphanie de Monaco
La chanson, non, pas vraiment, mais Stéphanie, qui n'avait que 7 ans de plus que moi, presque jour pour jour, excitait mes 14 ans. Surtout que dans son clip, elle honorait sa ligne de maillot de bains personnelle, deux fois, je crois que c'est simplement parce que je rêvais d'être le marin qui la récupère en bateau vers 2:38 que ce clip me restait en tête. Si Stephanie avait chanté Life in Mono j'aurais peut-être aussi fait quelques rêves érotiques... Ce clip n'avait rien à voir avec la musique. Comme nous l'avait bien appris Madonna.

1987
Behind the wheel de Depeche Mode
Ce groupe a habité notre jeunesse longtemps. de la cinquième année aux débuts des années universitaires. Anton Corbijn a tourné deux clips, l'un pour le premier extrait, et celui-ci qui pourrait en être la suite. Je suis un fan inconditionnel de l'univers de Corbijn depuis toujours. Le photographe de Joy Division, c'était lui. Le film Control(sur Joy Division) aussi. Mes rêves de Vespa ont ce clip comme source. But I'd be the one behind the wheel. Not the other way around.

1988
Devil Inside d'INXS
Cette chanson est l'une de mes préférées du band australien. Il s'en dégage une sensualité rare et le clip le rend bien. Il a été tourné à Bilbao,Californie par Joel Shumacher quand le groupe était à son zénith. Je ne suis pas un gars de moto, mais la jungle du clip m'a toujours été un décor familier. Les images de ce clip de 1988 évoquent beaucoup de cette année pour moi.

Le diable intérieur m'habite toujours d'ailleurs...

Les clips ne sont plus aussi nécessaires qu'ils pouvaient l'avoir été à l'époque, mais de mes 12 à 18 ans, ils habitaient mon regard très très souvent.

J'en ai encore les VHS de la plupart de ses clips.
Mais plus le support.
Clips tous trouvable ailleurs anyway de nos jours.

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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)