John Updike aura écrit plus d'une soixantaine de livres/essais/nouvelles dans sa carrière.
Parmi ceux-ci la tétralogie racontant la vie de Rabbit Angstrom.
1960: Parution de Rabbit, Run qui introduit le personnage de Harry "Rabbit" Angstrom, ancienne vedette de basketball locale, âgée de 26 ans, et les trois mois qui suivront la défection de son mariage, alors que son épouse attendait une petite fille. Ils ont déjà un garçon en bas âge ensemble.
Tout comme La Chute d'Albert Camus ou As I Lay Dying de William Faulkner, le roman est écrit au présent. Ce qui permet de passer avec une curieuse facilité de l'état d'esprit d'un personnage à un autre avec une certaine poésie, un rythme, une musique que seul l'utilisation du présent offre et que le passé calibre plus mal. Le livre est tout à fait de son époque (les jeunes années 60) et déjà il a un parfum de nostalgie.
1971: Parution de Rabbit, Redux qui raconte l'été d'Angstrom, largué par sa femme, partie avec un autre homme en 1969, avec en arrière plan l'été de Woodstock et l'alunissage d'Apollo 11. On explore le racisme, les liaisons père-fils (Harry a maintenant un fils de 13 ans), la guerre du Vietnam, le cynisme et la destruction de l'univers de la drogue. À nouveau, Updike se fait l'écho d'une certaine imperfection Étatsunienne à l'aube des années 70.
1981: Parution de Rabbit is Rich qui nous dévoile Harry ayant hérité du concessionnaire automobile de son beau-père, maintenant riche, mais qui doit composer avec son envahissante libido, les spectres de son passé, l'alcoolisme de sa femme, le fait qu'il soit riche principalement en raison d'elle et les problèmes croissants de son fils. L'action se déroule en 1979.
Harry Rabbit Angstrom n'était pas l'alter ego de John Updike. Pour cela il faut se tourner vers ses livres mettant en vedette Henry Bech.
1990: Parution de Rabbit at Rest qui nous place soudainement entre 1988 et 1989 où Harry est maintenant en Floride, obèse, grand-père, découvre que son fils vole la fortune maternelle pour mieux subvenir à sa consommation de drogue. Les problèmes existentiels d'Angstrom sont toujours omniprésents et ses relations avec les femmes, de tout âge, encore excessivement compliqués.
Upidke fait le portrait en 4 livres et un personnage imparfait, de ses États-Unis des années 60, 70, début des années 80, fin des années 80.
2001: Parution de Rabbit Remembered, dernier volet de la tétralogie. On y suit cette fois le fils d'Harry et la fille illégitime d'Angstrom, ainsi que de multiples personnages autour de Rabbit dans les livres précédents. Seul livre où Rabbit ne s'y trouve pas en temps réel, mais est, comme le titre l'indique, évoqué de toute part.
Dans le tout premier livre, notre lapin perd la tête parce que sa femme ne veut pas baiser. Il se demande même si ils ont eu un enfant par immaculée conception. Il quitte la maison, convaincu que ce qu'il cherche est ailleurs.
Et Rabbit, de livre en livre, cherche. Se cherche,
Il est entre autre obsédé par les pipes et les suceuses. Quand il quitte sa femme dans le premier livre, il va voir sa maîtresse, se fait faire une pipe et ne lui parlera plus jamais (!). Dans le second livre, une exploration du changement de génération aux États-Unis et de la prise de position raciale, Updike plante son épiphanie chez Harry quand sa blonde et blanche maîtresse de 17 ans fait une pipe à un militant des Black Panthers, noir. Dans le troisième volet, Rabbit se demande combien de fois son fils de 22 ans a déjà savouré le plaisir de se faire sucer.
Il n'y a que chez les écrivains que les belles jeunes filles sucent les vieux gâteux.
Et Updike était un rêveur. Un rêveur d'une autre Amérique. Il brillait dans son écriture par l'acuité des portraits qu'il dépeignait. On reconnaissait facilement les gens qui peuplent son pays dans ses écrits. C'est ce qui a expliqué son grand succès dans son lectorat.
Harry n'est quand même pas TOUS les Étatsuniens, mais un Étatsunien spécifique. Une ancienne star de basket de l'école secondaire, un commis, un opérateur d'imprimerie avant d'être un vendeur de voiture en voie de devenir propriétaire dans la ville fictive de Brewer en Pennsylvanie, ville inspirée à Updike par la ville de Reading qu'il a connue plus jeune. Jusqu'à qu'il quitte pour la Floride dans les derniers livres, Harry est dans un microcosme et ne quitte pratiquement jamais sa région. Il vend ce qu'il faudrait pour prendre la route, mais ne la prend jamais complètement. Enfin, il la prend au sens figuré. Il se désengage en amour et en famille. Harry est ethnocentrique, mal appliqué, soumis à la luxure, passif, patriotique, sans empathie, sans coeur, discriminatoire, confus et anxieux. Il est assez détestable et c'est ainsi qu'Updike voulait le présenter. Les États-Unis et les imperfections qui les peuplent. Ce qui a troublé Updike de son vivant ce sont ses nombreux gens qui admiraient son Harry Angstrom.
Dans le quatrième livre, Rabbit n'est pas réellement riche, Sa femme l'est. Il est cynique. Il parle de voitures, Il scrute l'anatomie des femmes. il méprise son fils et son style de vie, Il fantasme sur l'idée de baiser la femme de son ami, fait des commentaires sexistes et racistes, Veut beaucoup baiser. Surtout pas sa femme.
Mais la candeur de ses pensées nous le garde étrangement près du coeur. Un coeur de lièvre. Qui sera d'ailleurs le titre du tout premier livre, lorsque traduit en français.
Le coeur d'Angstrom déguerpit de livre en livre.
Harry, sa femme, son fils prennent la clé des champs chacun leur tour, à leur manière.
Ils désertent.
Updike voulait en quelque sorte écrire une riposte au On The Road de Jack Kerouac et faire une démonstration réaliste des effets dévastateurs sur une famille quand on la largue.
Les 4 premiers volumes réunis en un seul (très épais,1520 pages) nous montrent l'histoire des États-Unis dans ce qu'ils ont de plus moyens.
Médiocres, même. Mais écrire en prose la vie de ceux qui sont bien au soleil, tout en se concentrant sur les fois où ils ne sont pas sous les rayons et gèlent est super intéressant.
Updike nous explique aussi, sans le vouloir, qui là-bas pourrait voter pour un Donald Trump.
Updike était un écrivain de type "peintre".
Un portraitiste hors pair.
L'ai acheté sur Amazon.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)