"Well, i'm sitting here thinking just how sharp I am"
-Nanker Pheldge
Au travail à l'entrepôt, il y a ces nigauds de représentants qui passent de temps à autre pour sniffer comment nous gérons leurs produits et s'assurer que leurs produits ne sont pas torturés par nos mains de bêtes travailleurs.
"Nous" ce n'est jamais nous les déchargeur de marchandise, mais on les voit quand même et on les trouve tous ridicules autant qu'ils soient, convaincus que leur produit est le meilleur sur le marché, mais surtout, convaincu de leur propre importance sur la planète terre.
Plus souvent qu'autrement, ils sont deux. Un pro, et un(e) apprenti(e). Presque toujours le même gars, mais avec une nouvelle tête qui apprend à épier nos faits et gestes, nous qui leur sommes si inférieurs...
C'est à croire que soit
A) Une génération entière de représentants dans les produits de l'alcool se dessine (car ils/elles sont tous asses jeunes)
B) Que c'est un métier où après une initiation matinale, on abandonne et il faut alors remplacer.
C) Ce représentant, Dick Swallow, est l'Alchimiste et tout le monde veut l'entendre parler de ce qu'il a compris de la vie.
A est très vrai. Ils ont tous entre 19 et 31 ans. Étonnant.
B est probablement très près de la réalité.
C est probablement le fantasme sur lequel se couche Dick toutes les nuits.
En fait non, je les connais un peu les fantasmes de Dick. Ils nous les raconte de temps à autre quand il se sent seul et sans public. L'autre nuit, il nous parlait de cette danseuse nue avec laquelle il s'était entretenue après sa danse sur scène et il en parlait comme si c'était ELLE qui avait le privilège de pouvoir s'entretenir avec un gars comme lui...Voyez le genre?...
De plus, quand il parle, il parle toujours sur ce ton du gars qui est en train de livrer un gag à la fois baigné d'arrogance et de fierté que je dirais...Lavaloise. Phillipe Bond parle avec ce ton. Comme si il livrait toujours la chute d'une blague qui fera rire de suffisance tous les camarades autour. Un ton de commentaire, mais phrasé.
Ce matin là, Swallow avait pour apprentie, une charmante jeune fille et je l'avais entendu quelques jours auparavant souhaiter qu'elle soit "regardable". C'est toujours un peu souffrant d'entendre Dick penser.
Plus souffrant encore, et pas juste avec Dick mais en général, c'est de voir quelqu'un tenter de séduire quelqu'un d'autre. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, des couples déjà établis, parfois je vois de formidables équipes, des complicités sans pareil et une chimie magique, mais je n'aurais jamais voulu voir les premiers moments. Ces moments n'appartiennent en général qu'aux amoureux eux-mêmes. Il ne devrait jamais y avoir de témoins. Séduire quelqu'un pour la première fois c'est un île avec occupation double dont le courant électrique passe de l'un à l'autre et vice-versa liquéfiant tout ce qu,il y a autour.
Alors quand je vois quelqu'un. gars ou fille, qui tente de séduire l'autre, j'ai toujours un malaise. Un inconfort.
Dick Swallow, ce matin-là, devant la charmante jeune fille qui buvait un café énorme pour se garder alerte à 4h00 du matin, avait la séduction à "on" big time. Et je déchargeait du whisky tout près d'eux, donc j'étais dans les loges pour leurs conversations.
"Ouin... le plus dur c'est de ne pas perdre le compte, des fois tu fais l'inventaire pis tu viens toute mêlé dans les comptes parce que le chauffeur de lift a descendu la palette de tantôt de l'acier et..."
Le plus dur c'est d'être respecté de nous ai-je pensé. Comme si elle m'avait entendu penser, la jeune fille m'a fait un large sourire derrière son café de loin.
Dick parlait avec une réelle voix de crapaud ou de ouaouaraon. Il ne parlait pas, il râlait. Comme si on lui avait dit que c'était nettement plus érotique de parler de la sorte à une femme. Et comme il a une voix nasillarde d'emblée, on aurait pu, les yeux fermées, douter du sexe de la personne en train de s'exprimer.
"...toi...ou ton chum...quand vous vous choisissez de l'alcool comment vous vous y prenez? la réputation de la bouteille? le prix? le genre de drink?..."
L'inclusion du "ton chum" était la troisième utilisation de la part de Dick, dans le but clair de lui faire déclarer son statut civil: Libre? cette charmante jeune femme? Elle est tombée dans le piège au troisième lancer.
"J'en ai p'us de chum, je suis célibataire. Mon ancien chum, c'était aussi mon boss, c'est pour ça que je change de job."
Ça a semblé beaucoup exciter Dick, qui, grisé, par l'ivresse, a tenté de hélé le chauffeur de lift en lui jappant un ordre. Mais celui-ci était déjà fort occupé avec moi et l'a envoyé chier comme on aurait expulsée une mouche de notre avant-bras. Comme si il n'avait pas voulu perdre la face, il a ensuite croisé du regard un autre employé qui passait pensant faire un brillant numéro de cirque à la jeune fille a dit au gars qui passait:
"EILLE OSTIE DE GUIDOUNE, TU T'ES PAS LAVÉ LA NOUNE HIER HEIN, AVOUE??".
Il tentait de séduire? vraiment?
Quand l'employé. un homme, pour toute réponse, s'est contenté d'un finger dans sa direction, la jeune femme a encore largement souri et a échangé un autre regard de prise à témoin avec moi.
Se sentant perdre son air de Casanova, il a repris, posé cette fois, sa voix de ouaouaron pour râler avec suffisance et paupières lourdes en direction de la jeune femme:
"Donc t'aimes ça sortir avec tes boss?"
"Non...c'était pas mon boss quand j'ai commencé à sortir avec, mais il acheté....anyway...j'ai pas envie d'en parler, c'est la dernière fois que je sors avec un "Marc", mes deux derniers chums s'appelaient "Marc" pis là j'ai donné pour les "Marc..." et elle a laissé tomber le rire gêné de la personne en train de trop en révéler.
"Faudra que je te montres mon Gun à prix" a dit le ouaouaron comme si il s'agissait d'une bague de la Coupe Stanley. Ou son pénis.
Le chauffeur de lift est repassé et cette fois, comme si le personnage du crapaud qu'il jouait faisait en sorte que le chauffeur (un brin cocaïné celui-là...) ne l'avait pas reconnu la première fois, il a dit de sa vraie voix nasillarde:
"Eille Ali, faudrait que tu me descendes la palette au B24, je pense que c'est mon produit..."
"...pas le temps Dude, je suis sur d'autre chose...tantôt...si j'ai le temps...t'est rien pour moi, Dude, rien, eux-autres (nous) sont là dans la nuit pis y travaillent comme des chiens, Eux ce sont ceux qui font le marathon, toi t'es le commanditaire qui veut qu'on voit son affiche à la ligne d'arrivée" Et Ali, le chauffeur, a filé vers de nouvelles aventures que la poudre blanche rendait plus vivantes dans ses neuronnes.
Dick s'est retourné vers la jeune femme, a penché sa tête un peu par en arrière, a rosi des joues parce qu'on le tassait vraiment comme le microbe qu'il était. mais a tout de même dit de sa plus rauque voix (revenue)de ouaouaron :
"Faudra que je te montres mon Gun à prix"
Ou mon pénis j'ai entendu dans sa tête.
La jeune fille était tout sourire.
******
Plus tard, Dick est venu me voir avec la tête de la grenouille éclatée après trois puffs de cigarette, et m'a dit de son nez:
"Ouin...Charlotte voulait savoir t'étais qui pis toute là..."
"Hein?"
"Je pense que tu lui tombais dans l'oeil."
"Tu lui as dit mon nom?"
"Non, c'est moi qui veut la piner!"
La grande classe...
"Si elle te demandes mon nom, tu lui diras que je m'appelle Marc"
Il a beaucoup aimé l'idée.
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Parce que des enfants pas tellement doués pour l'expression francophone et frôlant la débilité pure se sont infiltrés sur ce site je me vois forcé de modérer les commentaires :)