Certaines Villes Sont Toutes Petites

Je lui ai partagé mon corps, c'était déjà bien généreux de ma part, pensa Bianca.

C'est son amie Tatiana qui l'avait finalement convaincue qu'elle devait s'inscrire à un site de rencontre sur le net. Elle avait fait la rencontre de José et la première rencontre avait été un brin étouffante. Il parlait sans arrêt et tel une araignée tissant sa toile, l'amenait habilement à parler constamment de lui, ou arrivait à faire dévier la conversation vers des situations lui donnant la chance de bien paraître. Elle avait eu l'impression de mal respirer ce soir-là.

Mais après coup, elle se dit que c'était bien ça une rencontre entre potentiel amoureux. Il fallait vendre sa salade. Se présenter sous son meilleur jour. C'est ce qu'elle avait fait aussi. Elle avait porté sa plus belle robe, s'était maquillée de manière équilibrée et sans trop de flafla. Juste assez pour paraître à son mieux. Juste assez de parfum pour ne pas empester, mais pour simplement rendre l'air agréable. Et malgré tout, elle avait eu l'impression d'étouffer. En raison de lui ou encore parce que j'ai peur? s'était-elle demandé. Elle leur donna donc une seconde chance. C'est lui qui lui avait proposé la rencontre du 16, ce serait encore lui qui proposerait la rencontre du 17.

"Pourquoi ne considères tu pas changer de ville? Certaines villes sont toutes petites, à 7 ou 8 personnes près tout le monde finit par se connaître et si rencontrer un gentil garçon ne se produit pas pour une belle fille comme toi dans cette ville, peut-être faudrait-il penser changer de secteur, non? Montréal est peuplé majoritairement par des gens non originaires de Montréal. Tout le monde a le sentiment d'être nouveau comme à l'entrée au secondaire et les amitiés se forment vite." lui avait raisonné sa soeur, Brigitte.

Mais Bianca lui avait répondu qu'elle aimait son travail et ne voulait pas quitter la région simplement par désespoir amoureux.

Le désespoir amoureux, C'est bien ce qu'avait senti Bianca durant le temps des fêtes alors que tous les oncles et tantes semblaient s'être pratiqués pour lui rappeler "..."qu'une belle fille comme elle, ne devrait pas être célibataire à 28 ans, surtout si elle ne le veut pas".

Le 17, la rencontre avec José avait été légèrement mieux. Il parlait beaucoup, principalement de lui, mais s'ouvrait davantage à elle. Semblait s'intéresser à ses propos. Elle n'était pas à l'aise avec l'idée de sortir avec un garçon qui portait le prénom de José, prénom qu'elle considérait 100% féminin, mais en faisant fi de ses propres idées préconçues, elle se rappelait que José Théodore était un très beau garçon et en trichant son regard un peu, trouvait à José des airs de Théodore. Ils burent plus d'alcool ce soir-là et Bianca céda à l'idée de l'accompagner pour un café chez lui après un souper dans un nouveau resto. Plus chic le resto cette fois, comme si il avait voulu monter les enchères de sa valeur.

Chez lui, c'était la musique de Portishead, l'alcool, l'air doux de la nuit, le fait qu'elle n'avait pas fait l'amour depuis l'été dernier, tout ça, peu importe, elle céda à ses avances, ses caresses et fît l'amour avec José. Ce fût bien. Sans plus. Elle regretta presqu'aussitôt cette impression d'avoir été une fille facile. Les femmes aussi ont besoin de sensation au lit et le simple fait d'en avoir eu quelques unes, pas trop, les premières fois sont toujours comme ça, lui avait fait du bien. Mais voulait-elle vraiment de cet homme? Elle n'en était pas encore convaincue.

"J'ai partagé ma nuit avec toi, mais ça n'implique rien, on se comprend?" lui avait-elle dit.
"Ce n'était pas bon pour toi?"
"Rien à voir, c'était très bien, pour toi aussi?"

Il sourit la caressa à nouveau, ce qui lui fît plus de bien que la relation complète elle-même.

José insista pour la revoir le 18, mais Bianca trouva qu'il allait trop vite. Elle s'inventa une raison pour ne pas être disponible. Il avait insisté sur les raisons qui l'empêchait d'être disponible que qui l'agaça. Il redevenait envahissant. Voilà depuis l'été qu'elle était seule et elle prit l'habitude d'un certain rythme. Elle jugeait brusque cette envie de tout rebrasser son quotidien comme ça.

On s'entendit pour le 19. Ce soir-là. ils ne s'entendirent pas tout de suite sur le resto. Il proposait un resto plus populaire et elle, quelque chose de plus chic et surtout intime. On s'entendit finalement sur le plus populaire. Il avait été nettement plus étouffant encore. Prenant franchement trop de place. Elle croyait même qu'il était en crise hyperactive à un certain moment. Dans ce resto, franchement trop populaire à son goût, elle avait pris peur. Elle retourna chez elle effrayée, Sans promettre de lendemain à José. Elle lui dit même qu'elle avait besoin de temps afin de repenser à ses priorités.

Celui-ci lui texta quand même dès le lendemain. Puis le jour d'après. Et comme ça pendant 4 jours encore. Texto, téléphone, il ne voulait pas que tout ça se termine. Elle, oui.

Il lui texta au 5ème jour, "je crois que nous devrions avoir une sortie ensemble ce soir, je serai chez toi dans 30 minutes."

Bianca fût terrorisée. Elle paniqua. En compagnie de soeur, elle lui fit écrire ceci:
"Salut, c'est la soeur de Bianca, je suis désolé de t'apprendre que ma soeur est à l'hôpital depuis quelques jours , on ne sait pas trop ce qu'elle a, mais elle ne va pas bien, je lui ferai le message que tu veux lui parler quand elle ira mieux"

José lui répondit:
"OH! quel hôpital? quel étage? je vais lui rendre visite"

En après-midi le lendemain, afin de gagner du temps, Bianca répondit comme si elle était sa soeur:
"Pour le moment, on ne laisse entrer dans sa chambre que la famille, désolée"

José répondit aussitôt:
"je suis dehors en ce moment même devant l'hôpital, si tu me dis quel étage, tu crois que je pourrais la voir?"

Bianca paniqua pour vrai. Elle écrit elle-même sous la fausse identité de sa soeur que:
"Je suis désolée de t'apprendre que nous l'avons perdue la nuit passée"

On entendit plus parler de José.

Le profil de Bianca était toujours sur le site de rencontre. José jugea que c'était normal, que morte, elle ne pouvait tout de même pas gérer sa présence sur ce site. Toutefois, en se créant lui-même une fausse identité, plaçant une photo plus belle, mais qui n'était pas lui, il la sollicita sur le site pour une date.

Et elle lui répondit.

Quand ils se trouvèrent face à face au restaurant le soir même, José lui dit:
"Certaines villes sont toutes petites, mais ça ne justifie pas qu'il faille se comporter en petite conne,,,comment pensais-tu t'en sortir? fallait juste me dire que ça n'irait pas plus loin, c'est tout" et il quitta les lieux, fâché.

Bianca ne lui en voulu pas. Elle l'avait bien cherché. Il s'était comporté convenablement dans les circonstances. Il aurait pu choisir d'être plus agressif à son égard et plus violent. Il avait géré ça en homme.

Elle le trouva soudainement intéressant...