Les Bonnes Décisions

"T'es où?"
je textais à mon fils alors que je quittais l'entrepôt du Vieux Port vendredi dernier.

C'est qu'il allait manquer son après-midi scolaire afin de me rejoindre à la maison et, ensemble, nous quitterions pour le week-end pour un tournoi de hockey dans le Nord du Nord.

Il ferait -38 ce vendredi soir-là alors que mon téléphone allait s'éteindre gelé sous les feux d'artifices que l'on pouvait apperçevoir du stationnement de l'aréna pendant que les gars s'habillaient.

"Zêtes rendus où?"
textait l'amoureuse esseulée pour le weekend, un weekend de la St-Valentin devenu un weekend de filles en raison de ce tournoi en région éloignée. Elles n'en croyaient pas leurs yeux que des feux d'artifices nous accueillent comme ça, dans le grand froid.

Monkee serait brillant dans la défaite avec une belle mention d'aide mais le club perdra 5-2. notre, gardien, Gab,un véritable joyau dans cette équipe, aura été fameux limitant les dégâts. Je regardais la dynamique qui animait ce groupe de jeunes garçons entre 15 et 18 ans. Mon fils est l'un des deux seuls qui ont 15 ans. Je le voyais plus ou moins intégré dans le groupe. Les gars jasent d'étapes qu'il n'a pas encore même esquissées mentalement. Des références au sexe, au pot, à la débauche, à l'alcool. On se promettait une nuit blanche au motel. Motel qui avait honteusement gonflé ses prix à 250$ pour deux nuits. Si vous aviez vu le cubicule de chambre...Honte à ses gens. "Mais ça inclut le déjeuner! " avaient-ils promis. Double honte. Des croissants non chauffés et inchauffables, un peu de pain, quelques boîtes de céréales et du jus d'orange. Heureusement que j'avais prévu des muffins amené de chez nous pour Monkee.

Certains joueurs allaient se coucher vers 2h du matin en faisant les cons dans la nuit. Malgré le match tôt en matinée le lendemain. Ce match sera encore plus brillant de la part de Monkee qui non seulement marquera le premier but (qui deviendra le but gagnant) mais qui sera tout aussi brillant sur le second, si important sur le jeu, qu'on lui a accordé le but même si il ne l'avait pas fait. Les gars vont gagner 2-0 et les étoiles auront été Gab, notre gardien, phénoménal jusqu'à la fin, mon fils et notre défenseur, Émile, qui brille de match en match et qui s'impose comme général à la ligne bleue. Les trois avaient pris la bonne décision de se coucher tôt en soirée (enfin...23hquelquechose) pour être en forme pour les DEUX matchs du lendemain.

Après la victoire suivait un dîner d'équipe dans un resto italien où presque tout le monde a fait un doigt d'honneur à l'Italie en se commandant une poutine, un club ou un burger. Dans la chorégraphie de l'entrée dans le resto, j'ai bien tenté de laisser les joueurs se placer ensemble et de m'installer avec des parents, mais sans succès. Il n'y avait pas vraiment de table réservée pour le club et les gens se sont pris des banquettes ici et là, par groupe de 4 bien souvent, mais des fois 3, et des fois 2. Comme nous, mon fils et moi,
"Tu veux pas t'assoeir avec ta gang?, tu veux pas que je laisse les joueurs avec les joueurs pis que je me joigne à des parents?..." J'ai demandé à Monkee.
"Ben  non, c'est ben correct ici, j'ai faim!" m'a-t-il dit.

Nous étions tout de même sur une banquette au beau milieu d'une série de banquette tout autour qui regroupaient presque toute l'équipe et les parents. Bien que tous les deux seuls, nous étions en fait presque tous ensemble. D'autant plus que, si je m'étais inquiété du potentiel ostracisme de mon fils, tout le monde le consultait pour ci, pour ça, où validait son opinion sur un sujet. ou lui demandait de trancher dans un débat, ou on se précipitait pour lui montrer un vidéo comique sur Youtube. Il était au coeur de toutes les conversations. J'étais le témoin muet et amusé. Y allant de temps à autre de commentaires pas trop déplacés. On accordait à mon fils la distance de celui qui intimide.

En après-midi, nous avons, Monkee et moi choisi de faire une sieste. Enfin, moi, j'avais déjà prévu de la faire.

"T'es pas obligé de faire une sieste toi aussi, Monkee, moi j'ai travaillé la nuit passée et conduit jusqu'ici, j'ai du sommeil à récupérer, toi si tu veux aller tripper avec ta gang..."

"Non papa, j'aime mieux rester ici avec toi pis chiller"

Il allait lui aussi s'endormir. Papa et fiston siestant profondément comme il y a 14 ans. Au point que c'est de l'aréna que nous appellera le gérant pour nous dire "Arrivez-vous?"

Cette fois j'allais remarquer que dans la dynamique de groupe du club, il y avait comme trois forces tranquilles, trois joueurs qui semblaient susciter le respect de tous, tous trois plutôt discret en groupe, mais dont on avait toujours besoin de l'aval, visuel ou verbal, pour une blague, un commentaire, un propos. Gab, Monkee, Émile. Les trois stars du club dans le tournoi jusqu'à maintenant.

Le match qui allait suivre viendrait corroborer tout ce que j'observais. Gab ferait de miracles devant le filet, Émile serait fameux à la ligne bleue et Monkee marquerait le seul but du club, un but splendide qui a électrisé tout le monde.

Le club allait perdre 3-1 mais j'ai vu des joueurs se rendre à Monkee  et lui dire "une chance que t'es là, buddy!"

(...)
Mon fils de 15 ans...chez les hommes...

Monkee aura été d'une importance capitale sur 4 des 5 buts du club pendant le tournoi. J'étais très fier de lui et lui ait dit.

Leur tournoi était fini et Monkee et moi avions convenu de ne pas passer une autre nuit là-bas en cas d'élimination, Nous avons donc quitté, même si la seconde nuitée était payée. Sommes revenus dans la nuit froide en écoutant de la musique parfaite, de la musique de nuit. L'hiver me faisait cadeau d'une petite neige qui dansait sur la route.

C'était la bonne décision, encore.

"Papa, faut que je te le dises, à comparer aux autres parents, je te trouve tellement cool..." m'a dit Monkee.

"Zêtes où?" ont texté tout de suite après les belles du moins-Nord, à 4 heures de chez nous.

"Écrit-lui "au paradis"" que j'ai commandé à mon fils.

Et on a bien rigolé.

Mon fils c'est de l'or.
Je l'ai découvert ce weekend encore.